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Accueil du site > Actualités > Economie > Eric Woerth ou la logique de l’affaiblissement de l’Etat

Eric Woerth ou la logique de l’affaiblissement de l’Etat


En période d’embellie ou de crise financière, Eric Woerth est un capitaine budgétaire qui maintient toujours le même cap. Depuis l’élection de Nicolas Sarkozy, le discours d’Eric Woerth n’a en effet aucunement changé sur le cas des fonctionnaires, seul le contexte a évolué. Alors que la crise économique entraine une nette augmentation du chômage, le ministre du Budget et de la Fonction publique a confirmé ses prises de position sur le non-renouvellement d’un fonctionnaire sur deux.

Interrogé sur la demande syndicale de renoncer aux suppressions de postes dans la Fonction publique, le ministre a réaffirmé : « nous maintenons le cap » de « non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant en retraite » par souci de « réformer » et « réorganiser nos services publics ».

Face au chômage, « embaucher plus de fonctionnaires n’est pas une bonne solution : on a toujours fait ça dans le passé, ça n’a jamais marché », selon M. Woerth. « Quand on embauche un fonctionnaire aujourd’hui, on le paie pendant 40 ans au moins, on paie sa vie active et sa retraite. On ne fait pas de l’emploi public pour répondre à une pénurie d’emplois privés due à une crise ».

La crise obligerait donc l’Etat français à se départir de ces fonctionnaires qui assuraient pourtant les missions de services publics : éducation, santé, administration, justice, recherche… Faute de moyens financiers suffisants, la logique comptable primerait sur le principe d’utilité publique et conduirait le gouvernement à faire des choix de « réforme » et de « réorganisation », comme le souligne Eric Woerth. « Réforme » du domaine public signifiant ouverture de nouveaux marchés économiques ou plus exactement appropriation des biens publics par des capitaux privés. Si l’on en croit le ministre du Budget, et la croyance est le point d’achoppement de l’économie et de la politique, la suppression des fonctionnaires et par voie de conséquence l’ouverture des espaces publics aux capitaux privés ne seraient dictées que par une logique de « sortie de crise ». C’est d’ailleurs à ce titre qu’Eric Woerth appelle les syndicats à se mobiliser contre la crise au nom de l’unité nationale et à consentir à soutenir la politique de Sarkozy.

Pourtant, alors que Nicolas Sarkozy venait d’être élu et profitait d’une situation économique favorable avec des départs à la retraite massifs et des exploits financiers des entreprises françaises du CAC 40, un certain Eric Woerth expliquait déjà sur les plateaux des chaines du groupe TF1, la nécessité de supprimer des fonctionnaires en raison d’un principe cette fois très différent : les Français ont voté pour le Président du pouvoir d’achat, les fonctionnaires enlèvent du pouvoir d’achat aux Français, donc il faut supprimer les agents de l’Etat.

Reconnaissons au syllogisme de Monsieur Woerth d’être véritablement décapant autant pour sa simplicité que pour son caractère hautement caricatural. Le ministre du Budget désignait à la fois la maladie et son remède : la baisse du pouvoir d’achat n’était aucunement liée à l’augmentation des prix à la consommation et aux marges toujours plus importantes des supermarchés mais incombaient à ces employés de la fonction publique dont les quarante annuités de travail accompagnées de leur retraite contraignaient les Français à payer toujours plus d’impôts.

Cible idéale des politiques de droite, le fonctionnaire ne remplirait aucune mission d’utilité publique, il participerait au contraire à accentuer les déficits, à diminuer le pouvoir d’achat. De même la définition juridique selon laquelle les services publics participent d’un besoin social impliquant la « continuité » et « l’égalité » ne peut plus être entendue ni en période d’embellie économique, ni même en temps de crise où les services sociaux sont plus que jamais nécessaires.

Eric Woerth accomplit son œuvre de ministre libéral et entend rompre avec toute la logique du contrat social qui soudait les Français dans un principe d’existence sociétale qui garantissait à tous l’accès aux droits de se soigner, de s’éduquer, de se défendre, de vivre librement au nom de l’intérêt collectif. Faisant feu de tout bois, Eric Woerth participe depuis son entrée sur la scène politique à un affaiblissement de « la puissance publique » au nom de cette fascination pour la grandeur du marché et la baisse d’impôts pour les plus fortunés. A l’instar des Etats-Unis, le modèle économique organisé par l’équipe de Nicolas Sarkozy risque d’être très difficile pour les classes sociales les plus basses : elles devront se contenter de services publics exsangues qui ne pourront ni les soigner ni les éduquer et encore moins les accompagner dans leurs démarches juridiques et sociales.

Laurent Monserrat

Dessin d’Eric Woerth le rigide par Moalex


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8 réactions à cet article    


  • Francis, agnotologue JL 18 février 2009 13:47

     

    Ne manquez pas cet article publié sur monde-diplomatique.fr

    Les vertus oubliées de l’activité non marchande


    intro : "Faisant un détour par John Maynard Keynes et par Karl Marx, Jean-Marie Harribey s’attache à déconstruire les idées banalisées du libéralisme, telles que " c’est l’activité marchande qui paie le non-marchand ", ou encore " c’est le consommateur qui crée la valeur ". En renversant complètement les données (autrement dit, en remettant ces idées sur leurs pieds), il montre, par exemple, que " les travailleurs des services non marchands produisent le revenu qui les rémunère ". L’économie n’est pas un jeu à somme nulle où ce que produit l’un est pris sur l’autre. Et la richesse socialisée n’est pas moins richesse que la richesse privée, au contraire."


    • Laurent Monserrat 18 février 2009 23:12

      Merci pour ce lien complémentaire.

      Bien à vous,

      Laurent


    • Nono Ladette Nono Ladette 18 février 2009 14:07

      La caricature, je la vois plutôt dans votre article.

      Les déficits doivent être réduits, parce qu’à long-terme l’Etat ne peut pas dépenser plus que ce qu’il prélève sur l’activité économique (ou alors très peu, de sorte que la dette en % du PIB soit stable).

      Ayant dit cela, pourquoi devrait-on commencer par supprimer les dépenses les plus utiles : éducation, santé, administration, justice, recherche ? C’est débile !

      Il y a plein de dépenses qui existent aujourd’hui et qui n’apportent rien à personne, quand le même service public peut être apporté en dépensant moins. Bien sûr, on aime bien citer en premier les dépenses visibles de nos gouvernants ("Pas besoin d’un gros avion pour un si petit président" écrivait avec un humour pertinent Yena Marre en commentaire à mon dernier article). 

      Mais pour résorber un déficit qui dépassera 100 milliards d’euros en 2009, les vraies économies peuvent être trouvées dans la fonction publique sans blesser personne. Par exemple : depuis 2008, on n’envoie plus une déclaration de revenus aux impôts et une autre à la CAF. Cette dernière récupère automatiquement les chiffres de Bercy et l’ordinateur calcule vos droits. Autre exemple : à partir de cette année, plus besoin de changer la plaque d’immatriculation d’un véhicule vendu d’occasion. Cela va libérer du temps aux fonctionnaires qui s’occupaient de cela dans les préfectures (ainsi que pour nous tous !), ou économiser de l’argent aux contribuables si on ne remplace pas ces fonctionnaires à leur départ en retraite. Argent qu’ils dépenseront donc ailleurs, ce qui créera - toutes choses égales par ailleurs - un autre emploi dans le privé. Même dépenses, plus d’argent
      pour tout le monde. 

      Des exemples comme cela, il y en a des milliers en France ! La RGPP (Revue Générale des Politiques Publiques) a pour mission de les identifier et de les mettre en oeuvre. Ceci permettrait de réduire une bonne partie du déficit avant d’avoir à couper dans les vrais services publics. Les gains de productivité dans le public profiteraient à tous !

      En revanche, ce que Sarkozy n’a pas compris, c’est que ces gains de productivité potentiels ne sont pas uniformes dans la fonction publique. Ils sont énormes à Bercy, mais très faibles dans l’Education Nationale où il faudra toujours un prof pour 30 élèves (grand max).


      • mick legrand 18 février 2009 20:44

        Que d’inepties dans tes commentaires, Nono Ladette...


        Tu écris "Par exemple : depuis 2008, on n’envoie plus une déclaration de revenus aux impôts et une autre à la CAF. "

        Pas de chance, les agents des CAF ne sont pas fonctionnaires, mais salariés de droit privé.



        Tu écris : "Autre exemple : à partir de cette année, plus besoin de changer la plaque d’immatriculation d’un véhicule vendu d’occasion. Cela va libérer du temps aux fonctionnaires qui s’occupaient de cela dans les préfectures".

        Tu confonds tout. Les fonctionnaires des préfectures ne sont pas chargés de vendre des plaques d’immatriculation, mais de délivrer des cartes grises. Et il faudra bien sûr continuer à déclarer tout changement d’adresse ou de propriétaire. Au lieu de refaire la carte grise et d’attribuer un nouveau numéro d’immatriculation, on collera seulement alors un autocollant sur l’ancienne carte grise. Tu parles d’une économie de temps pour les fonctionnaires des préfectures...



        Tu écris : "Economiser de l’argent aux contribuables si on ne remplace pas ces fonctionnaires à leur départ en retraite."

        Les fonctionnaires sont eux aussi des contribuables, des consommateurs et des crateurs de richesse. Il ne vivent pas sur une autre planète. Exemple : on recrute 20000 profs de moins et que se passe-t-il en septembre ? Les ventes de voitures neuves diminuent... Eh oui, la première paye des jeunes fonctionnaires de l’EN leur sert à s’acheter une voiture neuve.



        Tu écris : " Argent qu’ils dépenseront donc ailleurs, ce qui créera - toutes choses égales par ailleurs - un autre emploi dans le privé." 

        La création d’emploi ne tombe pas du ciel ; En plus en ce moment, ton "privé" (encore un truc qui ne veut rien dire), il taille dans le gras.



        Tu écris : "La RGPP a pour mission de les identifier et de les mettre en oeuvre. Ceci permettrait de réduire une bonne partie du déficit avant d’avoir à couper dans les vrais services publics. Les gains de productivité dans le public profiteraient à tous ! "

        Cela fait au moins 15 ans que le "privé" et le "public" sont dirigés de la même manière, par des personnes sorties du même moule, des mêmes écoles écnomique libéral. On voit où nous on conduit ces incompétents totaux. Pour ce qui est "d’avoir à couper" dans les "vrais" services publics (qui décide ce qui est vrai ou faux service public ?), je propose qu’on divise par deux le nombre de collectivités locales et par dix les subventions aux entreprises. Tu vois, c’est pas dur de raconter n’importe quoi.


      • Laurent Monserrat 18 février 2009 23:06

        Bonsoir,

        Vous écrivez : "Les déficits doivent être réduits, parce qu’à long-terme l’Etat ne peut pas dépenser plus que ce qu’il prélève sur l’activité économique"

        Effectivement, surtout si l’Etat prélève de moins en moins là où se trouve le capital. Les services publics comme la santé ou l’éducation n’ont pas pour fonction des faires des bénéfices. Malheureusement, notre gouvernement semble ne pas le comprendre. Dès lors, il s’étonne qu’en baissant cotisations sociales des entreprises le trou de la sécu augmente.

        Laurent,


      • Matéo34 Matéo34 18 février 2009 19:17

        @ l’auteur.

        Bonjour,

        Je suis absolument d’accord avec le fond de votre artcile.

        E. Woerth n’est que l’aboutissement d’une longue mutation des notions de la "puissance publique", de service public... Bref, de la place de l’Etat dans notre vie quotidienne et dans la répartition des richesses : Un long débat où depuis longtemps on a exclu l’importance des choix politiques au profit des choix économiques...

        J’ai un petit désaccord avec vous : ce n’est pas propre à la droite... la gauche social-démocrate a participé à cette mutation, par exemple : la LOLF qui introduit les critères de rentabilité dans les comptes publics a été préparée par la gauche (Strauss-Khan et Fabius), voté par les PS et l’UMP, la tarification à l’activité (T2A) dans les hôpitaux en découle par exemple... Et avec ça, les privatisations, etc...

        Cela a une origine : l’AGCS et les différents traités européens. Pascal Lamy a défendu cette politique bec et ongle !!!

        Le rôle de l’Etat, la puissance publique, service public, politiques économiques... Des concepts qui devront être au coeurs des prochaines élections européennes et nationales...

        Mais soyons confiant : un type qui a bossé pour le cabinet d’audit Andersen (Enron, Vivendi) http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89ric_Woerth sait ce que c’est une faillite ! smiley smiley smiley

        Bonne continuation.

        Matéo 34


        • Laurent Monserrat 18 février 2009 22:59

          Merci pour votre commentaire, vous avez tellement raison !

          Je suppose que vous évoquez le gouvernement de Lionel Jospin qui avait privatisé de manière considérable en abandonnant une partie des services publics aux capitaux privés.

          Bien à vous,

          Laurent


        • loco 18 février 2009 22:22

          Un fonctionnaire sur deux non remplacé.... question, est ce que cela vaut aussi pour les flics ? Ce serait ballot, car c’est en partie l’augmentation de leur présence qui a fait élire le père fouettard.
          A moins que oui, quand même, mais selon la méthode déja utilisée pour certains services associés, par exemple ceux qui, lorsque vous êtes piqués en excès de vitesse vous envoient la facture (et avec les limites à 30, nous y passerons tous tôt ou tard), ou les huissiers (ah, la noble profession, rien à voir avec celles des vils fonctionnaires qui soignent ou éduquent les enfants) qui recouvrent les contraventions laissées à la traîne. A moins qu’on ne songe à une privatisation comme pour les prisons, déja à l’oeuvre dans les centres de rétention qui,eux, ne sont pas épinglés par les observatoires internationaux vu qu’ils n’"existent " pas plus que la guerre d’Algérie en son temps. Alors à quand la police privée ? Maintenant que nous sommes habitués aux flics soumis à des objectifs de rendement et à leurs astuces de camouflage pour faire du chiffre, le medef sera ravi d’alléger ses charges en recyclant ainsi les nervis inutiles de ses usines vides.

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