Et la valeur entreprise ?
La valeur travail, tout le monde le sait, est au cœur de cette nouvelle campagne présidentielle. Effectivement, on se rend compte aujourd’hui qu’il est parfois aussi confortable de percevoir un certain nombre d’aides assurant un revenu alternatif à hauteur ou dépassant même une rémunération plafonnée au Smic. C’est une problématique qui appelle une vraie réflexion sur notre modèle social actuel.
Cependant il existe une autre problématique dont personne ne parle et qui explique également l’absence de motivation au retour à l’emploi : il s’agit de la perte de la valeur entreprise, au sens projet commun, aventure humaine autour d’un objectif partagé par tous. Pourquoi ce désintérêt pour l’entreprise ? Les éléments que je vais citer ne concernent heureusement pas toutes les entreprises mais une part suffisamment importante et croissante pour qu’on s’en inquiète. Et je peux vous assurer qu’il s’agit bien d’une réalité que je constate au quotidien, au contact à la fois des entreprises et de leur ex-salariés.
Regardez un peu du côté des conditions de travail et de rémunération, le manque de considération pour le salarié et son évolution, une pression accrue pour toujours plus de productivité et donc toujours plus de rentabilité, l’utilisation massive de contrats précaires et autres ruptures d’essai, etc, etc. Nous avons doucement glissé de la confiance à la méfiance, voire à la défiance entre chefs d’entreprises, cadres et salariés. Nous sommes passé de l’entreprise « accompagnatrice », « formatrice » à l’entreprise « utilisatrice » pour qui la main-d’œuvre ne fait partie que de l’outil de production, et non d’une valeur ajoutée humaine qui pourrait lui apporter, certainement, beaucoup plus qu’elle n’en attend désormais.
Chaque jour je rencontre des travailleurs, voire des cadres, brisés par leur expérience en entreprise, tellement dégoûtés de leur métier à cause du traitement subi qu’ils en décident pour beaucoup de changer de métier, gâchant ainsi non seulement leurs compétences acquises mais, pire, gâchant l’effort collectif en terme d’impôts ayant servi à former ces personnes... qui désormais devront se former à nouveau ! Hélas, il est maintenant acquis que nous ferons « plusieurs métiers » dans notre vie, l’effort du contribuable n’est donc pas prêt d’être atténué tant qu’il faudra financer des formations à répétition.
Alors j’en appelle à la responsabilité des chefs d’entreprises et cadres dans la construction pérenne du modèle social « dans » l’entreprise, car c’est bien là que nous passons la majeure partie de notre vie en société. Nous devons revenir à une problématique de rassemblement, car si les salariés n’obtiennent rien de l’entreprise - ni rémunération gratifiante, ni participation aux fruits du développement microéconomique, ni reconnaissance de leur implication au travail, ni espoir de développement personnel - ils ne donneront que le strict minimum nécessaire au maintien de leur emploi et donc de leur seul revenu de survivance. Alors vous imaginez, quand l’Etat offre un revenu alternatif qui permet de s’échapper de ce monde parfois cruel et pesant, quelle aubaine !
Que faut-il faire alors pour inverser cette fracture entre l’entreprise et ses salariés ? Quelle politique, sans être trop coûteuse pour des entreprises parfois fragiles, garantirait un développement durable de leur activité ? Prenons l’exemple d’une importante PME vendéenne (je ne suis pas villieriste !) qui, chaque fin d’année, redistribue sous forme de participation aux bénéfices (s’il y en a évidemment) un complément de rémunération équivalent à plusieurs mois de salaires : curieusement cette entreprise affiche une croissance très alléchante et l’ambiance au travail est à la fois des plus appliquées - les ouvriers se « coachant » entre eux - et des plus conviviales. Finalement, ça ressemble au bon vieux projet de Participation de De Gaulle, projet qui finalement pourrait être aujourd’hui des plus novateur et salutaire pour notre avenir à tous dans l’entreprise.
Sans rester uniquement sur des préoccupations matérielles, il conviendrait également de veiller avec la plus grande vigilance au traitement réservé aux salariés en entreprise, et ce, dès la candidature au recrutement. Bien entendu c’est déjà la mission des services administratifs de l’Etat, mais il s’avère qu’un certain nombre d’entreprises passent à travers les mailles du filet, provoquant les dégâts que vous savez maintenant. D’ailleurs il serait peut-être souhaitable que tous les services de l’Etat soient enfin connectés entre eux, en vue par exemple d’une appréciation globale des pratiques sociales et salariales en entreprise. L’idée de sanctionner les patrons voyous va dans ce sens, mais je propose également, en préventif, la création d’un indice social rendu public pour que chaque salarié sache exactement dans quel genre d’entreprise il s’engage.
Pour que tout le monde se rassemble à nouveau autour du projet de l’entreprise et ne s’intéresse plus seulement à son salaire... ou à la rentabilité de l’établissement.
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