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Accueil du site > Actualités > Economie > Faut-il vraiment annuler la dette en Europe ?

Faut-il vraiment annuler la dette en Europe ?

On entend partout les journalistes s’exciter sur le soi-disant plan de relance de la BCE pour l’Europe. On va voir que ce plan de relance n’est rien d’autre que ce que fait la BCE tous les ans depuis 2015. La somme annoncée comme gigantesque par les médias, 545 Mds€, est complètement normale par rapport à ce qu’elle fait d’habitude. En plus il s’agit uniquement de garanties d’emprunts ou de reports de paiement, par d’argent injecté. Il ne s’agit donc pas du tout d’un plan de relance mais uniquement d’un plan de communication.

On entend aussi beaucoup que pour sauver l’Europe il faudrait annuler la dette des États. Ce qu’on va voir dans cette vidéo c’est que ça n’est pas forcément une bonne idée. Il y a plusieurs manières d’annuler la dette des États et si on s’y prend mal on risque surtout d’encore une fois avantager les plus riches d’entre nous et c’est ce qu’on va voir ici.

lien vers la vidéo : https://youtu.be/f9jTlH21gYM

 

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C’est quoi la dette d’un État ?

La dette de la France c’est la somme qu’elle a dû emprunter pour compenser chaque année ses déficits publics. En France ça représente environ chaque année un peu plus de 60 milliards d’euros.

Normalement cette somme est sensée représenter les investissements de l’État chaque année. Un peu comme une entreprise qui s’agrandirait d’année en année et qui emprunterait pour faire des nouveaux bureaux. C’est ce que fait Amazon par exemple qui emprunte chaque année pour construire de nouveaux entrepôts, la dette d’Amazon représente aujourd’hui la moitié de tout son capital.

On sait cependant que l’État français suit une politique libérale de plus en plus marquée depuis 50 ans et qu’il investit de moins en moins. C’est purement idéologique. Nos dirigeants considèrent que ça n’est pas le rôle de l’État. Ils ont donc diminué les investissements publics chaque année, mais tout en gardant une dette. Cette dette est le fruit de tous les cadeaux fiscaux réalisés depuis 50 ans. Le CICE avec 20Mds€ par an, tous les cadeaux mis en place en 2018 par Macron représentent 13Mds€ par an, les baissent régulières de l’ISF, la flat-tax et bien évidemment l’évasion fiscale dont on estime le coût à 100 Mds€ par an, soit plus que tout le déficit et dont nos politiques ne font pas grand-chose pour aller chercher ce pognon. Sur ce point out se passe comme si ils étaient eux-même concernés. On en profite pour prendre des nouvelles de Jérôme Cahuzac ou des Balkany, on espère que le confinement se passe bien pour eux.

Contrairement à la soupe que servent les médias, la baisse des dépenses publiques ne sert pas du tout à réduire la dette puisqu’on a toujours baissé les recettes en même temps pour emprunter la même chose. C’est donc une arnaque complète.

 

Comment emprunte un État ?

Un État a normalement 2 solutions pour emprunter l’argent dont il a besoin.

La première c’est de faire comme les citoyens ou les entreprises et d’aller voir une banque pour avoir un crédit. Pour un État, c’est sa banque centrale qui a les moyens de faire ça, pour nous en Europe ce serait la BCE.

Quand on va voir une banque pour un crédit pour monter une entreprise par exemple et que la banque nous accorde 1M€ de crédit, ce ne sont pas 1M€ qui étaient dans ces coffres et qu’elle nous prête, ce sont 1M€ qu’elle crée pour l’occasion. Certains appellent cela de l’argent magique, les économistes appellent cela de l’argent Ex Nihilo, c’est à dire qui vient du néant. La banque crédite donc votre compte de 1M€ et elle écrit -1M€ dans ses livres de comptes. Avec son crédit, notre particulier a créé de la monnaie qu’il va dépenser pour son projet et qui va se retrouver ailleurs dans l’économie. Ensuite quand notre particulier va rembourser son crédit, cette monnaie est détruite. C’est le 2e travail des banques, elles récupèrent petit à petit la monnaie qu’elles ont créée pour la détruire.

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Petite parenthèse, si on veut qu’il y ait de la croissance, c’est à dire plus de production de richesse, ça veut dire qu’il faut plus de monnaie en circulation. Il faut donc des dettes. Les dettes sont le moteur de l’économie.

Les américains utilisent cette méthode, l’État américain demande des crédits auprès de la FED et la dette américaine augmente chaque année sans que ça nuise à leur économie. Pour les États-Unis, annuler la dette, ça veut juste dire que la monnaie créée par la dette de l’État et dépensée ne sera jamais remboursée. Ça ne pose aucun problème direct puisque c’est de l’argent qui n’appartenait à personne.

En Europe ce n’est pas la même chose. Les États n’ont pas le droit de demander un crédit à la BCE à cause du traité de Maastricht qui l’interdit. La plupart des États européens pour obtenir de la monnaie utilisent la méthode mise en place par Giscard dans les années 70 pour la France : ils émettent des obligations, des titres de dettes, sur les marchés financiers. Ce sont des produits financiers que des investisseurs privés, des banques d’investissement ou des fonds de pension par exemple peuvent acheter. Ces titres sont remboursés par l’État avec des intérêts entre 2 et 10 ans plus tard selon les cas.

La dette des États européens alimente donc les marchés financiers. Ces titres de dette peuvent d’ailleurs être revendus et les spéculateurs font de la spéculation dessus. On retrouve même ces titres dans des paradis fiscaux…

 

En Europe, plutôt que d’avoir une banque centrale qui s’occupe de gérer les emprunts des États, ce sont les marchés financiers qui le font en prélevant un impôt dessus, ce sont les taux d’intérêt. La BCE a été privée de ce rôle en grande partie parce que les États européens ne sont pas du tout d’accord sur ce qui doit être accordé comme investissement. Ils ont donc préféré laisser les marchés financiers faire cet arbitrage. On a pu voir avec la crise grecque qu’ils font n’importe quoi juste pour s’en mettre plein les poches. Mais tant pis on continue dans cette voie parce qu’on n’est pas d’accord, mais qu’idéologiquement on veut la même monnaie.

Donc on a un problème avec la dette des pays européens puisque cette dette ne vient pas d’un crédit, mais a bien été prêtée. L’investisseur qui a avancé l’argent, on ne peut pas lui annuler sa dette, sinon ça veut dire qu’on lui confisque son argent.

On a cependant 2 manières d’annuler une partie de cette dette aujourd’hui.

 

Comment annuler la dette des États européens ?

L’économie c’est un circuit, les dépenses des uns sont les recettes des autres. Une économie fonctionne si l’argent circule. Lorsqu’on commence a avoir des gens qui réussissent à prendre de la monnaie sans la remettre en circulation, ça pose problème puisque ça fait que tous les autres manquent de monnaie.

L’idéologie libérale considère que l’État ne doit pas alimenter ce circuit ou alors le moins possible. L’idéologie libérale considère que seules les dépenses et recettes privées sont légitimes, ils considèrent l’État comme un mal nécessaire qu’il faut diminuer.

Depuis 50 ans, la mode on l’a vue est à la fois de baisser les dépenses et recettes de l’État, mais du côté des recettes, on a surtout baissé ce qui venait des plus riches d’entre nous. Seulement, un pauvre consomme tout ce qu’il gagne et donc son argent reste dans le circuit alors qu’un riche va soit garder son capital ou peut-être investir pour gagner plus. Dans les 2 cas, cela fait une fuite de l’économie réelle vers la sphère financière.

 

Depuis 2015, on est arrivé à un tel point de fuite que l’économie réelle a sérieusement commencé à manquer de monnaie. La BCE est alors intervenue. Elle n’a pas le droit de prêter de l’argent ni aux États, ni aux citoyens, ni aux entreprises qui en manquaient, c’est interdit et les États européens ne se sont pas mis d’accord pour revenir dessus. À la place, elle a donc racheté les titres de dettes des pays européens qui étaient sur les marchés financiers. Elle a dépensé sur les marchés financiers 2400Mds€ depuis 2015. Tout ça alors qu’il n’y avait pas de crise, juste la politique libérale qui plombe l’économie. Ces 2400Mds€ sont arrivés directement dans la poche des financiers qui n’ont absolument pas réinvesti dans l’économie réelle, mais acheté d’autres titres financiers, faisant gonfler la bulle financière européenne. Même le peu qu’ils ont investi c’est en achetant des entreprises pour pouvoir gagner encore plus. Cela ne règle pas le problème.

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Aujourd’hui la BCE possède 20 % de toutes les dettes des États européens. La BCE n’a pas besoin de récupérer cet argent puisque c’est elle qui crée les euros en circulation. Du jour au lendemain la BCE pourrait dire à tous les États, qu’ils n’ont pas besoin de rembourser cette somme et cet argent ne manquerait à personne. Cela pourrait donner un bol d’air aux États qui souhaitent relancer l’économie. Par exemple rien qu’en France ça représenterait 400 Mds€ de capacité d’emprunt d’un coup, c’est la hauteur du plan de la BCE pour toute l’Europe, vous voyez que c’est vraiment du foutage de gueule et de la communication.

Avec cette méthode indolore (ou presque on va voir pourquoi après) on a réglé 20 % du problème. Pour les 80 % restant c’est plus compliqué puisque c’est de la dette toujours détenue par des acteurs privés. La BCE pourrait forcer le rachat des titres de dette pour ensuite l’annuler comme pour les 20 % qu’elle a déjà.

Le problème de faire cela c’est que ça suppose de donner des sommes folles aux marchés financiers. Cela ne coûterait rien au particulier directement puisque la BCE pourrait émettre cette monnaie comme elle le fait depuis 2015. En revanche cela rendrait encore plus riche les spéculateurs et les fonds de pensions que ce qu’ils ont déjà aujourd’hui.

On sait qu’ils n’ont rien à acheter dans l’économie réelle puisqu’ils ont déjà tout et qu’ils préfèrent investir sur des produits financiers puisque c’est ce qu’on constate qu’ils font depuis 2015. Ce serait donc un somme complètement folle qui irait dans la poche de ces gens et dont on espérerait qu’ils ne fassent pas n’importe quoi avec.

 

Pourquoi rendre encore plus riches les plus riches d’Europe ?

On a vu au début de la vidéo que le problème de l’économie c’est que depuis 50 ans on enlève les impôts de ceux qui ne participent aux échanges économiques mais se contentent d’en prélever ce qu’ils peuvent. Les impôts c’était la seule manière de les faire participer un peu à hauteur de ce qu’ils prélèvent. On peut se poser la question, est-il vraiment une bonne idée d’inonder ces personnes et entreprises de fric juste parce qu’on n’a pas le courage d’aller chercher cet argent ?

L’argent dette, cela permet de forcer la monnaie à circuler, elle est émise et doit revenir. Si la dette est trop forte, il faut aller chercher l’argent là où il dort, c’est à dire dans la sphère financière pour le remettre en circulation dans l’économie réelle. Ce mécanisme s’appelle l’impôt. Il faut imposer fortement les bénéfices des marchés financiers pour que ça serve l’économie réelle. De cette façon on éviterait la crise qui s’annonce on relancerait l’économie et on aurait même pas besoin de mettre en place de nouveaux mécanismes.

 

En conclusion, annuler la dette, ce n’est pas simple, la BCE pourrait décider d’en annuler 20 % pour tous les États européens sans que cela ne coûte rien à personne puisqu’elle a déjà fait le rachat. Pour le reste on est loin de pouvoir le faire.

Les États européens libéraux n’ont pas du tout envie d’annuler la dette puisqu’ils veulent pouvoir se cacher derrière pour faire de l’austérité. L’austérité ne baisse pas la dette, ce n’est pas un remède, c’est uniquement pour casser l’État. Et même si on annulait la dette des États, rien ne montre aujourd’hui qu’ils ont envie de faire une relance puisque c’est contre leur idéologie.

En plus comme on l’a vu annuler la dette, c’est juste rendre encore plus riche ceux qui détiennent cette dette, alors que la solution depuis le départ c’est de forcer cet argent à revenir dans l’économie réel par un mécanisme simple qui s’appelle l’impôt.


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4 réactions à cet article    


  • Géronimo howakhan Géronimo howakhan 25 mai 2020 13:55

    Salut : Oui !


    • Spartacus Lequidam Spartacus 26 mai 2020 08:40

      Un grand cours de libéralisme et lecture de Friedman est nécessaire à l’auteur.

      Appeler des politiques « libérales » les politiques étatiques de QE.

      C’est con ? Oui c’est con.

      Nous ne sommes pas en économie libérale, mais en économie étatiste de favoritisme.


      • Zolko Zolko 26 mai 2020 13:48

        Quand [...] la banque nous accorde 1M€ de crédit, ce ne sont pas 1M€ qui étaient dans ces coffres et qu’elle nous prête, ce sont 1M€ qu’elle crée pour l’occasion. [...] La banque crédite donc votre compte de 1M€ et elle écrit -1M€ dans ses livres de comptes. [...] Ensuite quand notre particulier va rembourser son crédit...

         

        vous avez oublié de préciser combien le particulier va rembourser. A vous lire, il va rembourser 1M€ ... mais c’est faux, il y a les intérêts.

         

        Tout ce que vous dites est connu et archi-connu, mais il manque l’ingrédient essentiel : les intérêts. Alors essayez de refaire votre raisonnement mais en tenant compte des intérêts, et vous verrez que ça ne marche plus.

         

        Bien-sûr, les banquiers n’en parlent non-plus, ils ne parlent quand ils en parlent que du principal, comme vous. On peut se poser alors la question : pour qui travaillez-vous ? Pourquoi omettez-vous le plus important ?


        • Luniterre Luniterre 14 juin 2020 12:24

          Dans cet article, ce n’est plus une suite d’approximations, mais carrément un festival d’erreurs grossières, absurdes et même comiques :

          "Seulement, un pauvre consomme tout ce qu’il gagne et donc son argent reste dans le circuit alors qu’un riche va soit garder son capital ou peut-être investir pour gagner plus. Dans les 2 cas, cela fait une fuite de l’économie réelle vers la sphère financière."

          Dans le système capitaliste, d’où peut venir l’argent pour investir dans l’économie, sinon du capital lui-même ???

          Le capitaliste « investit » pour « gagner plus » en augmentant le capital de telle ou telle entreprise, en achetant des actions de cette entreprise... ( Ou des obligations sur la dette de l’Etat...).

          Une évidence qui n’aurait pas du vous échapper...

          Au final, il y a nécessairement une décorrélation entre la valeur réellement produite par le travail et la valeur des titres en circulation (actions, obligations), sous l’effet de la spéculation, mais cela est inhérent au système capitaliste et n’est pas réellement la cause essentielle de la crise.

          En 2008 la « bulle » a bien été « crevée », « dégonflée », et les banques et les entreprises « sauvées », pour l’essentiel, par des politiques type « Quantitative Easing », mais cela n’a pas suffit à « relancer » l’économie, qui, globalement, n’arrive plus à rembourser sa dette.

          Cela signifie donc tout simplement que la valeur globalement créée par le travail a cessé de croitre en proportion de la dette, c’est à dire, des investissements.

          La cause du problème se trouve dans l’évolution technologique des forces productives elles-mêmes ( de + en + robotisées), qui produisent de plus en plus une masse de valeurs d’usage, correspondant à une partie importante des besoins, mais qui n’est donc plus transformable en valeur d’échange, au sens capitaliste « classique » du terme.

          C’est pourquoi le système a nécessairement besoin d’avoir recours, et systématiquement, c’est le cas de le dire, depuis 2008, à l’accroissement de la dette pour survivre, qu’elle soit publique ou privée.

          Avant la « crise du covid », le record venait juste d’être battu, à 322% du PIB Mondial !

          Avec cette nouvelle crise, il vient d’être porté à 342% du PIB Mondial !!!

          https://tribunemlreypa.wordpress.com/2020/06/11/merveilleux-monde-dapres-face-a-lemergence-du-banco-centralisme-quelle-forme-de-resistance/

          Luniterre

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