Google fait son lobbying : de Washington à Bruxelles
Internet est encore en pleine mutation, l’innovation est constante et la croissance rayonnante. Néanmoins internet semble rentrer dans une phase de régulation sur de nombreux sujets comme le copyright, la protection des données... C’est pourquoi Google s’est armé d’une équipe de lobbyistes pour défendre ses intérêts à Washington. Objectif : façonner le Web à la sauce Google. Retour sur le lobbying de Google.
Google et son bureau de Washington :
C’est en octobre 2005 que le géant du Web décida officiellement de rejoindre le K street, quartier de Washington où sont implantés la plupart des lobbyistes.
Google a ouvert un bureau
au plus près du Pentagone tenu par Alan Davidson. Alan Davidson est un
avocat très influent aux Etats-Unis. Il est également l’ancien associé
du Think Tank “Center For Democracy and Technology”, groupe qui pratique le lobbying offensif en faveur d’internet.
Le bureau de Washington a pour but de défendre les intérêts de Google
auprès des politiques et des organisations de régulation et de
normalisation. Il poursuit trois buts principaux :
- Net Neutralité : Google est en guerre ouverte avec les câblo-opérateurs pour faire en sorte que tout site et tout contenu soit traité de la même façon. Les FAI estiment que les sites de vidéos à la demande (du type Google Video et YouTube) et de voix sur IP (du type GTalk) devraient être surtaxés en raison de la bande passante utilisée. Le débat est toujours en cours à Washington (voir article sur Net Neutrality).
- Copyright et droits d’auteur : Google avec un site comme YouTube et des services comme Google Books n’a pas trop intérêt à ce que le respect du copyright soit trop strict sur le Web.
- Confidentialité des données : comme on l’a vu lors du dernier article, Google a anticipé la directive européenne et a raccourci la durée de stockage. Le lobbying de Google a ici un double rôle : s’assurer que les pouvoirs publics ne peuvent exiger la communication des données. D’autre part, s’assurer le droit de regard sur les données personnelles : c’est grâce à ces données que Google vend sa fameuse publicité ciblée.
Google traditionnellement proche des démocrates...
Google ne s’en est jamais caché, la firme est proche du parti démocrate. En 2004, 99% des 260 000$ de dons politiques ont été pour les démocrates. Parmi les membres de Google, on retrouve :
- Vint Cerf : président de l’ICANN et proche du parti démocrate
- Al Gore qui siège au conseil d’administration
- Robert Boorstin : ancien conseiller de Bill Clinton
... mais qui se rapproche des républicains :
Google n’a visiblement pas d’états d’âme pour passer d’un bord à
l’autre pour peu que ses intérêts soient défendus. Et étant donné que
les républicains occupent la Maison-Blanche depuis huit ans, Google a dû
s’en rapprocher. C’est pourquoi la firme s’est offert les services des
cabinets de lobbying suivants (liste non exhaustive) :
- Podesta Mattoon : les deux associés principaux sont Anthony Podesta (démocrate) et Daniel Mattoon (républicain). Denis Hastert, fils du porte-parole de l’administration Bush, est également membre de ce cabinet.
- DCI Group : Le conseiller politique de Bush, Karl Rove, est proche du DCI Group. Ce cabinet doit permettre à Google de se rapprocher des républicains et de défendre le projet Google Books.
- Stanwich Group : Harry W.Clark, proche du sénateur McCain en est le président. Ce cabinet a en charge de défendre la position de Google en Chine.
Google embauche donc des lobbysites démocrates en interne et passe par
des cabinets de lobbying républicains. Une façon de convaincre les deux
camps de son dévouement...
Google et son Political Action Committee :
Pour les élections de 2006, Google a créé son Politic Action Committee,
moyen de rétribuer aussi bien démocrates que républicains. Google
poursuit donc sa stratégie du double jeu en flattant les deux partis.
Google vise Bruxelles :
En février 2006, Google s’est offert les services du cabinet Portland
PR au Royaume-Uni. Son président Tim Allan est l’ancien conseiller de
Tony Blair (Parti travailliste).
Google a également recruté Rachel Whetstone, ancienne chef de cabinet du leader du parti conservateur. Rachel Whestone est en charge des relations publiques pour la zone Europe.
Elle devrait très prochainement recruter
une armée de lobbyistes européens, à commencer par la France,
l’Allemagne et l’Espagne. Google cherche également à recruter un
lobbyiste d’expérience capable de défendre la position de la firme à
Bruxelles.
Conclusion :
Google est actuellement le géant incontesté du Web en étant le premier moteur de recherche et la première régie publicitaire.
Mais des services comme YouTube (Viacom demande 1 milliard $
de dommages et intérêts à Google) et Google Books soulèvent la question
du droit d’auteur. Google a pris pour habitude d’indexer le contenu
sans demander l’avis de personne et de le retirer seulement en cas de
plainte.
Google mène donc un lobbying offensif pour faire accepter auprès des
instances de régulation de l’internet ce type de comportement.
Car au-delà des apparences, Google est en danger. Son business model
tient sur des éléments qui n’ont jamais été approuvés par qui que ce
soit : stockage des informations personnelles, indexation de
contenu....
Enfin, le débat sur la Net neutrality pourrait bien remettre en cause
tout le système Google en créant un web à deux vitesses. Une seule
solution pour Google : convaincre à tout prix Washington.... et
Bruxelles !
Ah ! il est loin le temps du "don’t be evil"...
Youri Regnier
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