John Kenneth Galbraith, cet immortel !
Ken pour ses intimes, les grands de ce monde, de Franklin D. Roosevelt à Bill Clinton, en passant par John F. Kennedy. Sitôt mort, au terme de son âge vénérable de 97 ans, le 29 avril 2006, il vient de ressusciter à l’infini dans la mémoire de l’humanité pensante.
Car
sinon, avec lui viendrait de s’éteindre le dernier géant vert de la
pensée libérale classique, authentique, toute empreinte de pragmatisme
et de compassion concrète et tangible. Il joua en 1934 un rôle vital,
aux côtés de Franklin Delano Roosevelt, dans la mise en œuvre du New
Deal.
Galbraith a enseigné toute sa vie l’art de ne pas ignorer les pauvres ni les déshérités de la terre. Voilà ce que l’élite économique et financière, mondialisée par-dessus la tête de nos nations, devrait cultiver de nos jours comme faculté morale, pour qu’elle continue de mériter et de perpétuer une position hautement privilégiée, au seuil panique de ce XXIe siècle qui, en grande partie par leur très grande faute, leur dérèglement et leur cupidité, s’annonce des plus chaotiques. Que l’on songe seulement à la délocalisation systématique de nos emplois de qualité, en Chine et aux Indes, à cause des piètres conditions salariales qui sévissent là-bas.
Galbraith n’était pas de cette génération inculte des crypto-économistes « libertariens » qui vivent dans l’illusion de posséder une connaissance de l’économique politique qui soit supérieure au vulgaire. En bon vieux baroudeur qui écumait les mers de la culture générale, il savait bien que, dans toute discipline, ce qui se conçoit bien s’énonce clairement. Un discours qui se tient debout devant les hommes, c’est un discours que toute personne intelligente et cultivée peut comprendre, tout bonnement. Or les sciences humaines et sociales ne peuvent guère prétendre être quelque chose de plus que des disciplines, non pas des sciences pures et exactes. Il est vain et dérisoire de jongler avec celles-ci en des termes principalement mathématiques. Elles sont faites, au contraire, pour être exprimées en langage naturel.
Galbraith n’était pas non plus du genre à baragouiner cette nouvelle langue de bois de l’extrême droite, qui nous fait tous courir le risque inouï de faire sombrer la planète dans le totalitarisme du Marché-providence. Le plus bel exemple, ces libertariens qui prêchent l’arnarcho-capitalisme, des ânes républicains plus pro-bush que Bush lui-même. Des ultra-marginaux, entre autres au Québec où il n’existe pratiquement que des partis de droite plus ou moins centristes, exception faite, il y a peu, du parti de centre-gauche Québec solidaire. Les libertariens sont au libéralisme classique ce que les staliniens étaient à la social-démocratie.
Il est devenu à la mode un peu partout, semble-t-il, de flirter avec les ultras de tout bord, tout côté. Il est vrai que la liberté d’information individuelle peut paraître à ce prix. Mieux on connaît la vision du monde des libertariens, celle de la mondialisation sauvage que nous subissons impuissants, plus on est susceptible de rester sourd à leurs chants de sirène. Mais à condition d’avoir pris la précaution, avant de traverser ces eaux-là, tel Ulysse, de s’enrouler dans un câble autour du mât de misaine.
L’ennui, c’est que ça n’empêchera pas des esprits pourtant très supérieurs de tomber sous leurs charmes à la fois vénéneux et orgiaques. Songez à un Sartre, ce faux Voltaire, qui fut assez aveugle ou naïf en son temps pour monter aux barricades du stalinisme, alors que de simples faits de tous les jours, en Union soviétique, auraient dû lui ouvrir grands les yeux, une bonne fois pour toutes ! Il aurait pu au moins entendre un Camus qui, sur cette question, est toujours lu et d’actualité. La statue de cire de Sartre n’a pas résisté longtemps aux flammes de l’enfer que sont les autres, selon le dernier des grands Mohicans engagés en pure perte.
John Kenneth Galbraith, cet esprit altier qui trône désormais parmi les penseurs immortels dans l’au-delà de la culture universelle, savait, lui, que tous les libéraux émérites sont des centristes, là où le cœur bat dans nos poitrines, à la bonne place, à gauche ! Encore aujourd’hui, tout lui donne raison, l’économie américaine ne remplit pas tous ses devoirs de citoyenneté. Quelque 40 millions de gens ne bénéficient d’aucune couverture médicale. Il y a autant d’armes en circulation que d’habitants. Et j’en passe, et des meilleures.
Enfin bref, Galbraith serait d’accord pour dire qu’un certain interventionnisme étatique international, bien pensé, est plus que jamais nécessaire au rééquilibrage constant de l’économie du monde entier. En Occident, la nature du travail est en train de subir une transformation extrême, une défiguration assez horrible. Voilà pourquoi, avant de prendre le grand virage de la flexibilité tous azimuts, la question d’une allocation universelle ou d’un revenu minimum garanti devrait être la première à l’ordre du jour. Il serait suicidaire, pour la société globale, que les classes moyennes sautent dans le vide, sans parachute.
NDLR : En hommage au décès de Galbraith, nous publions également ce jour un deuxième article.
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