L’euro, monnaie-étalon internationale ? Quelles conséquences pour les citoyens ?
Depuis quelques mois, un mouvement peu connu du grand public, mais pourtant continu, fait que de plus en plus d’Etats transforment leurs réserves financières libellées en dollars américains en euros.
De ce fait, qui se conjugue avec une baisse tendancielle du cours du dollar, l’euro s’apprécie de plus en plus et tend à devenir la nouvelle monnaie-étalon internationale. Un banquier affirmait récemment en forme de boutade « le roi vert - le dollar - est mort, vive le roi euro ». Au-delà du trait d’esprit, une vérité nouvelle se fait jour et il peut être intéressant pour tous les citoyens européens d’en analyser les possibles conséquences.
D’où provient la perte de statut et de valeur du dollar US ?
Le grand public a bien noté, car les médias et les
politiques ne cessent de le répéter en choeur, que
l’euro est trop élevé par rapport au dollar. Selon les
politiques, il s’ensuit de nombreux problèmes
économiques, financiers et monétaires.
En retournant l’axiome des politiques, on pourrait aussi dire que l’euro est haut parce que le dollar a beaucoup faibli en termes de parité avec les principales monnaies des pays industrialisés, dont l’euro.
Les raisons de cet état de fait sont multiples, mais on peut résumer les causes de cette situation à ces quelques points essentiels :
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les guerres sans fins en Afghanistan et en Irak ont accru de manière exponentielle l’endettement privé et public des Etats-Unis, aggravant leur situation financière, détruisant la confiance des marchés dans la politique des dirigeants américains. Les Etats-Unis ne pouvaient se permettre un conflit prolongé sur le plan économique, mais c’est ce scénario qui se réalise depuis 4 ans maintenant. Pour ces motifs, la monnaie américaine ne semble plus être, pour les marchés financiers, la monnaie de référence pour l’avenir, d’autant qu’au même moment, des pays ont émergé comme des géants présents et futurs dans l’économie mondiale : la Chine, l’Inde, la Russie notamment ;
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d’un autre côté, la masse de dollars qui s’accumule dans les banques centrales depuis des décennies, notamment ce qu’on a appelé la « manne pétro-gazière », perdant de sa valeur, ces banques ont commencé à convertir leurs dollars en euros, ce qui a dopé l’euro et affaibli le dollar.
Le processus de passage du dollar à l’euro est tel à ce jour que les spécialistes envisagent que le dollar soit donc détrôné de son rôle mondial de monnaie-étalon - tenu depuis les accords de Bretton Woods (1944) malgré la modification substantielle de ces accords par la décision américaine du 15 août 1971 de briser le lien or-dollar -, et que ce rôle passe à l’euro.
Quelles conséquences possibles pour l’euro et les citoyens de la zone euro ?
Précisons d’entrée, ou, plutôt, rappelons que l’euro n’est pas LA monnaie UNIQUE en Europe comme continent, ni même celle de tous les Etats membres de l’UE, malgré son appellation générale admise, mais cependant trompeuse, de « monnaie unique européenne ».
Il existe bien une zone euro interne à l’UE, laquelle elle-même ne rassemble pas tous les Etats d’Europe. Cette zone concerne à ce jour 13 pays et en sont notamment absents le Danemark, la Grande-Bretagne et la Suède.
Ceci étant clarifié, il importe, pour l’avenir des citoyens des pays membres de la zone euro, de tenter, au moins, d’identifier les conséquences potentielles de cette nouvelle situation, de ce changement de statut impromptu et imprévu par les accords intra-européens antérieurs, de l’euro.
Essayons de résumer avec la plus grande clarté possible les prévisions des analystes financiers les plus compétents dans une telle hypothèse de l’euro, monnaie internationale d’échanges :
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la plupart admettent, comme première conséquence de l’euro-étalon monétaire mondial, la caducité immédiate et totale des prescriptions du Traité de Maastricht de 1992 sur le sujet. Selon eux, le rôle, donc les responsabilités et les modes de fonctionnement de la BCE - Banque centrale européenne - seraient ainsi à redéfinir. A l’évidence, « gérer » une monnaie commune à 13 pays, en dehors des choix des populations concernées et sans contrôle même de leurs élus, est déjà un problème, mais « gérer » une monnaie-étalon mondiale dans ces conditions revient à préparer à coup sûr des difficultés financières, politiques, sociales et économiques d’une extrême gravité, toutes choses restant égales à ce qu’elle sont à ce jour ;
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beaucoup s’accordent sur des menaces simultanées d’inflation, de hausses de prix et de variations instables potentielles de la parité de l’euro, en tant que monnaie-étalon mondiale, ceci ayant naturellement des effets complexes, mais en général négatifs, sur les économies des Etats de la zone euro ;
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un consensus relatif des analystes pointe aussi le fait que les problèmes inhérents depuis 1944 au dollar vont seulement se transférer sur l’euro, sans rien résoudre des problèmes existants, ni éliminer les risques encourus. En langage clair, cela signifie que le poids des problèmes, des crises et des contradictions de l’économie mondiale va passer des épaules des citoyens américains sur celles des citoyens de la seule zone euro, en sus des difficultés propres à ladite zone ;
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certains estiment que le choix de Dominique Strauss-Kahn, citoyen membre d’un pays de la zone euro, un de ses promoteurs initiaux et aussi un de ses farouches partisans, comme directeur général du FMI, est le signe annonciateur du transfert de la charge de l’économie mondiale de la monnaie américaine sur celle de la zone euro.
Pour les citoyens de la zone euro, les risques induits sont à la fois nombreux et importants, d’autant que l’euro n’a pas été pensé, ni voulu comme monnaie-étalon. Ce rôle nouveau signifiera aussi que la planche à billets devra fonctionner beaucoup à la BCE pour assurer la stabilité des marchés financiers mondiaux, que les tensions inflationnistes ne seront plus jugulables en « interne » à la zone euro, mais largement la résultante de l’influence externe.
Ce rôle inopiné de l’euro peut donc entraîner des modifications de parité très défavorables aux économies de la zone euro, y aggravant le chômage et les phénomènes actuels de paupérisation constatés, qui est une des causes de la crise actuelle en Belgique entre les régions flamande et wallone, l’enjeu étant la dislocation ou la survie de cet Etat de l’Union européenne qui a son centre dirigeant.
Enfin, cette situation peut générer aussi un « réflexe de survie » - un peu comme en Grande-Bretagne qui refuse toujours l’euro - dans certains Etats membres qui pourraient être tentés de ne pas vouloir subir une situation non désirée, ni souhaitable, ni supportable à terme, demandant alors leur sortie de la zone euro afin de protéger leurs économies nationales et le bien-être de leurs citoyens par des politiques nationales indépendantes de l’euro et de la BCE.
Ce scénario signifierait l’éclatement de la zone euro, donc la perte de crédibilité des marchés dans l’euro d’où découlerait une possible crise monétaire internationale de vaste ampleur.
En guise de conclusion provisoire
Pour conclure, spécifions que cet article ne donne que quelques pistes de réflexion sur le processus en cours qui pousse l’euro à devenir monnaie-étalon mondiale, et ne prétend nullement, loin de là, être exhaustif, tant le champ du débat est vaste et multiforme.
Il s’agit ici seulement de pointer des hypothèses et des observations, et non d’asséner des vérités toutes faites. Le débat sur l’avenir de la zone euro en tant que telle, sur la situation des Etats membres en son sein, face à cette évolution, est ouvert. Il est aussi appelé à prendre de l’ampleur avec la montée en puissance de l’euro comme monnaie internationale d’échanges.
C’est aux citoyens des pays concernés qu’il appartiendra, en
dernière analyse, de décider de leur propre destin dans
ce nouveau contexte qui approche à grands pas.
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