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Accueil du site > Actualités > Economie > L’euro : une pseudo monnaie unique

L’euro : une pseudo monnaie unique

L'euro n'est pas la monnaie unique qu'on nous présente généralement. Son statut est totalement différent de ce qu'on imagine. Toutes les données sont pourtant accessibles à tous. Encore faut-il les comprendre

Depuis le premier janvier 1999, 23 pays (1) utilisent l'euro comme leur unique moyen de paiement. Ils forment ainsi une zone monétaire. Du moins, c'est ce qu'on prétend. La Banque Centrale Européenne (BCE) la dirige. Officiellement, elle veille sur la crédibilité de la monnaie. Pour la majorité d'entre nous, l'euro est une monnaie unique, comme le dollar l'est aux États-Unis. Seule la Réserve fédérale le gère. Les spécialistes préfèrent la dénomination de monnaie commune, appellation désignant le fait que plusieurs pays utilisent la même monnaie. L'euro ne répond à aucune de ces deux définitions. En fait, l'euro est une dénomination commune d'une série de monnaies nationales. Il existe par conséquent 21 euros différents (2).

Un petit récapitulatif s'impose pour comprendre la chose. L'idée d'une monnaie unique pour les pays européens a germé durant la seconde guerre mondiale. Le concept a pris véritablement forme lors de la rédaction du traité de Maastricht. Un seul pays refusait totalement cette idée à l'époque  : l'Allemagne. Pourquoi troquerait-elle son robuste mark contre une monnaie dont elle ne maîtriserait plus la destinée  ? Mais comment promouvoir la cohésion européenne sans adopter une monnaie unique  ? L'ECU, le numéraire qui servait de référence au système monétaire européen de 1979 à 1993, ne convenait pas, car il n'abolissait pas les changements de parités.

On a alors conçu un système ingénieux qui donnait l'impression d'une union monétaire avec une pseudo monnaie unique, de sorte que chaque pays membre conservait sa propre monnaie nationale. Les défauts de ce système apparaissent malheureusement de nos jours. Qu'avaient imaginé les experts de l'époque  ? Tout d'abord, ils ont proposé que toutes les monnaies nationales adoptent un nom commun : l'euro. Il suffisait donc au franc belge de changer d'appellation, tout comme au franc français, au florin néerlandais, au mark allemand, etc. Ensuite, il fallait que la valeur intrinsèque de tous ces euros soit identique, de sorte à feindre qu'ils soient tous équivalents et, par conséquent, fongibles. Le franc belge, par exemple, a dès lors subi une revalorisation pour se métamorphoser en euro. On a appliqué le rapport de 40,3399 francs pour un euro. Chaque pays membre à cette époque a opéré de la sorte et au premier janvier 1999, tous possédaient leur euro, parfaitement identique à celui des voisins, sans la moindre différence de valeur.

Si l'euro remplissait véritablement la fonction de monnaie unique, seule la BCE en assumerait la responsabilité. Les banques centrales nationales n'auraient d'autre fonction que de servir de simples relais à la BCE. Or les banques centrales nationales ont toutes conservé leurs prérogatives. Si la BCE détermine la politique monétaire de la zone, les banques centrales nationales supervisent toujours leur système bancaire. Elles agissent d'ailleurs différemment d'un pays à l'autre. Aussi pour rendre ce système cohérent, on a dû créer une plate-forme de paiement appelée TARGET2 (Trans-European Automated Real-time Gross settlement Express Transfer). Depuis 2008, une deuxième version de cette plate-forme est entrée en vigueur. Elle règle quelque 345.000 transactions par jour ouvrable pour un montant moyen de 1.800 milliards d'euros. 55.000 institutions financières en dépendent.

S'il était réellement question d'une union monétaire avec une monnaie unique, il est clair qu'une telle plate-forme n'aurait aucun sens. La BCE se chargerait de cette tâche. La présence de TARGET2 et le fait que les banques centrales nationales aient conservé leurs compétences sont autant de preuves que l'euro ne peut être considéré comme une monnaie unique. Un simple exemple le démontrera. Imaginez que un ressortissant belge ait acheté un produit auprès d'un fabricant italien. Celui-ci lui envoie la facture que le Belge s'empressera de régler. Il donnera l'ordre à sa banque de transférer la somme due à la banque italienne mentionnée sur la facture. Pour lui, la chose est entendue. Si vous vous rendez sur le site de la BCE pour savoir ce qui se passe vraiment (3), vous apprendrez que la banque belge contactera la banque italienne par l'intermédiaire du TARGET2. Le transfert des fonds s'effectuera par ce biais. Du moins c'est ainsi que la BCE le décrit. L'opération se déroulera toutefois d'une toute autre manière. Que la BCE omette de divulguer la procédure véritable est probablement dû au fait qu'elle est contrainte de persuader le monde entier que l'euro est une monnaie unique.

En réalité l'opération se déroulera comme suit. La banque belge transmettra l'ordre de son client à la Banque Nationale de Belgique (BNB) auprès de laquelle elle est a un compte-courant. La BNB débitera le compte-courant de la banque belge du montant de la facture et créditera celui de la Banca d'Italia qui dispose d'un compte-courant auprès de la BNB. La BNB informera sa collègue italienne via TARGET2 et cette dernière débitera pour le même montant le compte-courant de la BNB auprès d'elle en créditant celui de la banque italienne à qui le montant de la facture devait être versé. Le règlement aura donc causé une série d'écritures comptables sans qu'à aucun moment de l'argent véritable n'ait changé de place.

Ce paiement a engendré une dette de la BNB vis-à-vis de la Banca d'Italia. Parallèlement, il a créé une créance analogue de la Banca d'Italia sur la BNB. Cette procédure a néanmoins des conséquences désastreuses. Comme indiqué dans l'exemple, le montant devant être transféré se trouve toujours auprès de la BNB sur le compte de la Banca d'Italia. Le statut de ces euros a cependant changé. Ces euros n'appartiennent plus à la BNB bien qu'ils s'y trouvent encore. La BNB n'en assume plus la solvabilité. Cette fonction est dorénavant endossée par la Banca d'Italia. C'est elle qui dorénavant couvre ces euros. Si le fabricant italien retire ces euros de son compte-courant, sa banque les lui fournira en puisant sur son encours auprès de la Banca d'Italia.

Ce système de transferts n'a pas engendré de complications notables jusqu'au déclenchement de la crise actuelle qui a démarré en mars 2007. Dettes et créances dans le système TARGET2 sont toujours en équilibre, mais leur distribution parmi les banques centrales affiliées diverge. La crise et l'incompétence manifeste que les instances européennes ont affiché pour la combattre, a eu pour conséquence une fuite de capitaux de plus en plus importante depuis les états membres jugés à risque vers ceux jugés plus fiables. Les banques centrales d'Allemagne, du Luxembourg et des Pays-Bas, pour ne citer que les principales, ont vu et voient toujours avec effroi affluer ces capitaux chez elles. Des capitaux qu'elles doivent couvrir alors qu'elles ne les ont jamais reçus physiquement. Elles sont en outre obligées de les accepter suite à l'article 63 du traité de Lisbonne qui assure la libre circulation des capitaux dans toute la zone euro et même en dehors de celle-ci.

Target2

La Bundesbank avait fin avril 2017 une créance de 843,4 milliards d'euros sur ses collègues européennes (4). Ce montant représente plus d'un quart du PIB du pays  ! La plus grande partie de ces créances provient des pays en difficulté du sud de l'Europe, principalement d'Italie, d'Espagne et de Grèce. La Banca d'Italia enregistrait au même moment une dette vis-à-vis de ses collègues européennes de 411,6 milliards d'euros, la Banco de España en avait une de 366,4 milliards et la banque centrale grecque de 76,9 milliards. Des sommes qu'aucune de ces banques centrales ne pourra rembourser. Si l'Italie décidait de quitter la zone euro, elle devrait rembourser séance tenante 411,6 milliards d'euros à diverses banques centrales européennes, ainsi qu'une large partie des billets et pièces en circulation à la BCE. En gros, la péninsule italienne devrait fournir quelque 500 milliards d'euros d'un coup. Chose impossible.

La situation de la Bundesbank est tout aussi précaire. La Banque sait pertinemment qu'elle ne verra qu'une infime partie de ces créances. Nonobstant, elle en assume la responsabilité vis-à-vis des banques allemandes où tous ces transferts ont finalement abouti. Tout détenteur est, en effet, en droit de retirer son capital à tout moment. Imaginez des investisseurs italiens qui, par précaution, transfèrent une partie de leur patrimoine vers une banque allemande. En agissant de la sorte, ces investisseurs italiens ont changé le statut de leurs euros. Ils sont passés de la tutelle italienne à l'allemande. Si l'euro implosait, engendrant le retour des monnaies nationales, ces investisseurs italiens verraient leurs avoirs déposés en Allemagne convertis en nouveau marks allemands et non plus en nouvelles lires italiennes. Il est probable que ce nouveau mark grimpera rapidement face à cette nouvelle lire.

C'est précisément cette particularité qui constitue la plus grande menace pour le maintien de la pseudo monnaie unique. Cette menace explique aussi l'entêtement de l'Allemagne en matières financières et budgétaires. Aussi longtemps que le gouvernement allemand est en mesure de déterminer la politique européenne, le pays mettra tout en œuvre pour camoufler ce danger latent. Il pèsera également sur tous les autres gouvernements pour que ces derniers assument une partie de ce fardeau exorbitant. L'élection d'Emmanuel Macron comme nouveau président en France constituait à cet égard un énorme soulagement pour l'Allemagne. Il est en effet admis que le nouveau président français appliquera à la lettre les directives imposées par l'Allemagne par l'intermédiaire des instances européennes.

Les perspectives n'augurent rien de bon, car il n'existe aucune solution dans l'immédiat. Les traités n'ont rien prévu et les adapter est impossible puisque la moindre modification nécessite l'unanimité. Or, il est clair que les pays membres accusant une dette dans le système TARGET2 n'ont aucun intérêt à quitter la zone euro. Comme personne ne peut les éjecter, ils contraignent les instances européennes à les aider coûte que coûte. Et si cette aide foire et que l'euro implose, ils quitteront la zone sans rembourser un seul centime. Ce qui revient à dire que ce sont les pays créanciers qui assument totalement ces dettes en cas de décomposition de la zone. Cette responsabilité dépasse largement leur capacité.

Une révision du système s'impose donc et devrait aller de pair avec l'instauration d'une véritable union bancaire, ainsi que d'une mutualisation des dettes publiques européennes. Il n'existe aucune autre alternative. Mais si on se réfère à la manière dont les instances compétentes ont géré la crise jusqu'à présent, on peut craindre le pire. L'euro évoluera d'une crise à l'autre et chaque crise empirera la situation et conduira à des mesures de moins en moins efficaces. La Troïka (la Commission européenne représentée par l'Eurogroupe, la BCE et le Fonds Monétaire International) a bâclé ses interventions dans les crises grecque et chypriote. Ces interventions ont par ailleurs démontré de façon flagrante que tous les euros étaient véritablement différents.

En effet, en dépit des injonctions stipulées par l'article 63 du traité de Lisbonne interdisant toute restriction aux mouvements des capitaux, Grecs et Chypriotes ne disposent plus librement de leurs avoirs en euros. Ils subissent des limitations sur le nombre de transactions qu'ils peuvent effectuer au quotidien. Pire, ils n'ont qu'un accès restreint à leurs avoirs en banque et ne peuvent retirer qu'au compte-goutte leur argent des distributeurs muraux. Tout cela en parfaite contradiction avec les traités en vigueur. Un euro grec ou chypriote est donc moins facilement accessible qu'un euro émanant d'ailleurs, quand bien même ils restent tous parfaitement fongibles. Les experts affirmeront que cette anomalie provient de la situation délabrée du système bancaire de ces deux pays. Une explication totalement irrecevable. C'est le statut des différents euros considérés qui a changé. Dès qu'un euro atterrit sur un compte bancaire, son statut, en tant que monnaie, change du tout au tout. Mais ceci est une autre histoire sur laquelle nous reviendrons plus tard.

 

Jean-Pierre Avermaete

 

________________________________________________________________________________

(1) Allemagne, Andorre, Autriche, Belgique, Chypre, Espagne, Estonie, Finlande, France, Grèce, Irlande, Italie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Malte, Monaco, Pays-Bas, Portugal, Saint-Marin, Slovénie, Slovaquie et Vatican.

(2) Des 23 pays, 4 ne disposaient pas de leur propre monnaie : Andorre (peseta espagnole), Monaco (franc français), Saint-Marin et Vatican (lire italienne). 19 pays ont rebaptisé leur monnaie nationale en euro. Á côté de ces 19 euros homonymes, deux supplémentaires sont apparus  : ceux émis directement par la BCE et les billets et pièces d'appoint qui ont leur propre statut.

(3) https://www.ecb.europa.eu/explainers/tell-me/html/target2.fr.html

(4) http://sdw.ecb.europa.eu/reports.do?node=1000004859


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17 réactions à cet article    


  • pipiou 13 juin 2017 23:13

     Et donc ?


    • Jean-Pierre Jean-Pierre 13 juin 2017 23:24

      L’euro implosera tôt ou tard.


      • sleeping-zombie 14 juin 2017 08:11

        Hello,

        Merci pour l’article.

        En le lisant, il me vient plusieurs choses à l’esprit :

        -si je dois 10 000€ à ma banque, j’ai un problème. Si j’en dois 10 000 000€, c’est elle qui a un problème.

        -tu évoques ça et là la notion d’argent « véritable » ou capitaux « physique ». Mais l’argent n’étant qu’une convention, un accord, ça n’a pas de sens.

        -en fait, là situation que tu décris est celle d’un ménage qui aurait un compte courant à la banque, mais où chacun garderait un petit carnet pour savoir qui a payé quoi. C’est effectivement ridicule :)

        -a lire le graphique (si j’ai bien compris l’article), le problème concerne principalement l’Allemagne, l’Espagne et l’Italie. (a ce propos, les codes couleur très proches de certains pays rendent la lecture très difficile).

        Finalement, comme personne n’a intérêt à ce que le système s’effondre, on a bien, de manière très perverse, un effet voulu initialement : une stabilité diplomatique :)
        ...ça me rappelle Watchmen tout ça


        • Jean-Pierre Jean-Pierre 14 juin 2017 10:39

          @sleeping-zombie

          Bonjour,

          Concernant l’argent, je prépare un article sur ce sujet, car là aussi, il existe une foule d’amalgames et de malentendus. Ce sera sans doute plus ardu à comprendre que le TARGET2. Pour le graphique, c’est vrai, la gamme n’est pas aussi étendue. La succession des couleurs est toutefois respectée. La BCE, par exemple (orange), apparaît toujours en premier à partir de la ligne 0. La BCE avait encore un crédit en 2008, mais depuis lors, son débit se creuse (192,5 milliards fin avril 2017 !). Ce qui signifie que la BCE a émis de l’argent dans le contexte du TARGET2 (a donc transféré des euros vers d’autres banques centrales européennes) qui est couvert par elle. Mais comme elle n’a aucune économie derrière elle, on se demande comment elle rembourserait si jamais l’euro venait à imploser.

          Quant à la dernière remarque, il va de soi que personne n’a intérêt à ce que cela s’effondre, mais malheureusement ce système est intenable. Comparez-le au système de Bretton Woods. Là aussi, il fallait que les pays enregistrant un excédent sur leur balance des paiements les règlent face aux pays déficitaires et vice versa. Le FMI était chargé de superviser l’affaire. Les USA, qui avaient imposé leur dollar comme monnaie de référence, n’ont jamais respecté cette obligation et ce système a foiré le 15 août 1971. En ce temps-là, nous avions affaire à une kyrielle de devises. Ici, considérez TARGET2 comme faisant office de FMI dans le système de la zone euro. Mais comme rien n’a été prévu pour assurer la liquidation des soldes, ces derniers s’accumulent et compliquent davantage toute solution. S’il y a un pays qui a intérêt à se sortir de ce bourbier, c’est bien l’Allemagne.


        • CoolDude 14 juin 2017 12:34

          @sleeping-zombie

          L’Angleterre, qui était déjà qu’a moitié dans l’Euro et l’Europe, en est bien sorti !

          Je peux comprendre et encore* que les banques et les dirigeants n’ont peut être pas intérêt à quitter le système. Mais pour nous, les non-banquiers, etc... On aurait peut être intérêt à la quitter pour ces même raisons et bien plus encore.

          * : Les bon comptes font les bons amis.


        • sleeping-zombie 14 juin 2017 13:46

          @CoolDude
          A ma connaissance, l’Angleterre n’a jamais adopté l’Euro.

          Ensuite, tu soulèves un point intéressant, à savoir : les intérêts d’un état sont-ils ceux de toute sa population ?
          L’auteur nous parle d’une immense dette de l’Espagne et l’Italie vis-à-vis du « système-Euro », et d’un immense crédit de l’Allemagne. De manière assez cavalière, on pourrait traduire ça par « une dette inremboursable » de l’Espagne et l’Italie envers l’Allemagne. Mais d’un point de vue individuel, qui est-ce que ça arrange ? qui est-ce que ça dérange ?



          • Legestr glaz Ar zen 14 juin 2017 13:28

            @Alcyon


            Vous appliquez le principe d’autorité ? Vous connaissez le système TARGET 2 ? 

            Qu’Asselineau ait fait 0,001% ou 0,01% ou 0,1%. ne change rien au fait que l’euro va exploser. 

            Les comptes TARGET de l’Allemagne, principalement, des Pays Bas et du Luxembourg, d’une manière secondaire, démontrent que l’euro n’est plus viable. 

             Vous pouvez vous « en foutre » mais la réalité est bien celle ci : l’euro est condamné ! C’est soit vous vous voulez vous y intéresser soit vous pouvez dénigrer sans connaître ce sujet.


            Voici deux autres graphiques plus compréhensibles.



          • Legestr glaz Ar zen 14 juin 2017 14:07

            @Ar zen

            Je constate que « quelqu’un » a réussi à définir que la notation pour ce commentaire valait une étoile. C’est ainsi que l’on comprend comment les puissances de l’argent mènent le bal devant l’incapacité chronique de certains à comprendre ce qui se passe. 

            Cet article sur les comptes TARGET n’est pas un article politique mais une information que les médias dominants ne communiquent jamais. Mais puisque l’UPR a déjà évoqué ce sujet, alors il doit, nécessairement, être minoré. On appelle ça « avoir du recul » et de l’objectivité.

          • Odin Odin 14 juin 2017 16:24

            @Ar zen

            Lorsque l’on constate que 66 % des veautants ont envoyé à l’Élysée un ancien banquier de chez Rothschild, comment pourraient ils se préoccuper des comptes TARGET ?

            Les comptes facebook, tweeter… ont une plus grande importance pour eux que le destin de notre pays.


          • Citrik_Elektrik Citrik_Elektrik 14 juin 2017 17:41

            Bonjour Jean-Pierre,

            Votre analyse sur les conséquences potentielles des positions des comptes RTGS sur une crise de sortie de l’euro est intéressante. C’est certain qu’il s’agirait à coup sûr d’un motif de querelles au sein d’une Europe qui serait déchirée.

            Néanmoins, le fonctionnement actuel de Target2 s’explique principalement par l’historique technique du système RTGS européen. A la création de l’Euro, chaque pays avait son système RTGS et chaque banque avait un compte RTGS auprès de sa banque centrale, c’est la règle et c’est toujours le cas. En France on passait par la CRI et ses systèmes TBF (Transfert Banque de France) et PNS (ParisNet Settlement) pour mouvementer les comptes des banques françaises à la Banque de France.

            Quand la Banque Centrale Européenne est devenue la banque centrale de la zone euro, il a bien fallu mettre en place un système pour qu’une banque d’un pays A puisse effectuer des mouvements sur le compte de la banque d’un pays B. Sachant que les systèmes RTGS n’utilisaient pas les mêmes réseaux de télécommunication ni les mêmes standards, la migration aurait été extrêmement lourde à gérer. L’objectif de Target était donc d’interconnecter les systèmes RTGS entre eux sans occasionner de gros changement techniques aux banques. Pour qu’une banque française transmette un ordre de virement vers le compte RTGS d’une banque belge par exemple, elle utilisait toujours ce bon vieux TBF et la Banque de France transférerait à la Bank of Belgium via Target.

            Target2 a ensuite harmonisé les canaux de communication : SWIFTNet pour tout le monde avec une infrastructure technique gérée par la BCE : la SSP. Du coup, plus besoin de systèmes RTGS locaux et la CRI a fermé peu de temps après la mise en production de Target2.

            Pourquoi utilise-t-on donc encore les banques centrales nationales ? On pourrait en effet imaginer un Target3 qui metterait les comptes RTGS sous la responsabilité directe de la BCE. À mon sens, il y a plusieurs raisons.

            La première c’est le timing. Un tel projet nécessiterait la mise en oeuvre d’un chantier technico-fonctionnel considérable pour les banques et la BCE. Les banques sortent à peine de la très pénible migration SEPA qui a harmonisé tous les paiements en Europe. Le résultat est super pour les consommateurs et les entreprises mais a été extrêmement coûteux pour les banques. La BCE sort quand à elle de Target2securities qui va encore évoluer ce qui laisse peu de budgets et de ressources.

            La deuxième raison qui me vient à l’esprit est réglementaire et est beaucoup plus liée au fonctionnement intrinsèque de l’UE : les directives européennes sont retranscrites en loi dans le droit national par les parlements de chaque pays. La loi étant différente d’un pays à l’autre, il est logique que la Banque centrale d’un pays soit le régulateur de ses banques nationales. Je ne dis pas que c’est une bonne chose mais c’est le résultat du fonctionnement actuel de l’UE.

            Bien que les conséquences de ce cheminement soient inquiétantes, la causalité ne me semble pas tenir son origine d’une volonté délibérée de créer des disparités. J’y vois plutôt un manque de projection et un brin d’incompétence de certains décideurs à la BCE et dans les banques centrales. En mode « oups... on l’avait pas vu venir... ». Une fois de plus...


            • Jean-Pierre Jean-Pierre 14 juin 2017 19:46

              @Citrik_Elektrik

              Bonjour.

              Merci pour ce commentaire supplémentaire. Il allait de soi qu’avant l’introduction de l’euro, des systèmes de compensation entre les pays étaient en place. Les règlements internationaux faisaient le plus souvent appel au SWIFT. Ces plate-formes existaient pour faciliter les transactions et réduire autant que possible les risques de non paiement d’une des parties concernées. Un risque non négligeable, surtout lorsque les opérations se dénouaient en devises. Si l’euro avait été conçu comme une véritable monnaie unique, l’harmonisation des systèmes existants s’imposait pour déboucher sur un système unique géré par la BCE. Dans le cas qui nous occupe, il est tout à fait anormal que les banques centrales nationales aient toujours des créances ou dettes entre elles. Tout cela aurait dû être confiné au sein de la BCE, celle-ci devant être l’unique banque centrale de la zone. Les enregistrements selon l’origine des transferts ne devaient ressortir que dans les comptes de la BCE, pas dans ceux des banques centrales nationales. Il n’aurait donc jamais dû y avoir des créances et des dettes d’état à état, comme il n’existait pas des créances et des dettes d’une région à l’autre au sein d’un même pays. Preuve supplémentaire que l’euro n’est pas une monnaie unique.

              Ensuite, le fait que les banques centrales nationales aient conservé leurs prérogatives vis-à-vis de leur système bancaire national complique l’affaire. Ainsi, chaque banque nationale est en droit de définir les titres qu’elle accepte en gage pour ses avances. Elle en assume bien sûr la responsabilité. L’UE, en imposant l’euro, a mis la charrue devant, avant les bœufs. Pour que ce système soit viable, il fallait impérativement instaurer une union bancaire, c’est-à-dire soumettre toutes les banques aux mêmes directives. On s’est contenté d’harmoniser les numéros des comptes (IBAN) et des banques (BIC). Le reste n’est toujours pas réalisé. C’est à cause de ce genre de lacunes et omissions qu’un TARGET2 s’avérait nécessaire, pour rendre le système opérationnel sans pour autant qu’il résolusse les déséquilibres. Le système tout entier a été mal pensé. Aujourd’hui, il dérive de plus en plus rapidement et ne résistera pas. Et ceci d’autant moins que la BCE ne représente aucune économie, n’a aucune assise véritable. Son endettement dans le cadre du TARGET2 s’élève déjà à plus de 192,5 milliards d’euros. Qui couvrira cette somme ?


            • Lugsama Lugsama 14 juin 2017 18:00

              Déjà un article qui parle « d’argent véritable ».. on se marre smiley


              • Electric Electric 14 juin 2017 19:14

                Un bon papelard didactique.

                Je plussoie


                • zygzornifle zygzornifle 15 juin 2017 07:58

                  l’Euro .... ou comment le rêve mis entre les mains des politiques se transforme en cauchemar .....


                  • Cali Cali 15 juin 2017 15:03
                    C’est intéressant de savoir tout ça c’est vrai, mais ce sont des détails quand même, une monnaie « unique », ou « commune », ou comme vous voulez on s’en fout un peu du nom, ce qui compte c’est que le cour de l’Euro et les taux de bases sont les mêmes face aux autres monnaies mondiales point barre.

                    A la limite tous ceux qui ont une monnaie indexé sur le dollar US ont de facto une monnaie « unique » avec les états unis... Mais bien sûr il faut pas être con, tout est affaire de confiance dans une monnaie, si un pays décide d’indexer sa monnaie et ses taux sur le dollar US du jour au lendemain il peut aussi, selon le « genre » du pays, décider d’arrêter de le faire d’un seul coup et la ceux qui en auront acheté se seront fait avoir.

                    Après savoir qui est-ce qui tient les livres de comptes des dettes entre les pays on s’en fout un peu... Si l’Euro disparaît la dette que tout les pays ont avec l’Allemagne ne va pas être effacée, c’est pas comme ça que ça marche smiley ce serait trop facile.

                    • yvesduc 17 juin 2017 08:47

                      Merci pour cet article très clair. J’ai enfin compris la différence entre monnaie unique et monnaie commune. smiley

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