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Accueil du site > Actualités > Economie > La « croissance verte » imaginée par Michel Aglietta

La « croissance verte » imaginée par Michel Aglietta

 Lors d'une conférence il y a quelques temps, Michel Aglietta a présenté comment selon lui, on pourrait faire revenir la croissance et l'emploi en France. Dans les songes de notre bon géant de la science économique, il y a une mutation de l'activité en France, vers une activité à haute valeur ajoutée, dans les technologies environnementales. Il y a aussi des protections, contre une concurrence à armes trop inégales avec le reste du monde, pour les entreprises qui se lanceraient en France dans ces activités "vertes". Il y a enfin une source de financement contrôlée par l'État, pour financer les investissements de ces entreprises.

 La place de l'État est primordiale dans la solution d'Aglietta. C'est l'État qui protège d'une concurrence à armes trop inégales, par des droits de douane sous forme de "taxe carbone", par des subventions aux activités "vertes", et par une dévaluation de 20% de la monnaie locale. C'est encore l'État qui apporte le financement, en créant et contrôlant un fonds d'investissement, noté AAA par les agences de notation grâce à la confiance qu'elles ont dans sa solvabilité ; grâce à cette note le fonds attire facilement les investisseurs privés. C'est surtout l'État qui donne une orientation générale à l'activité en France, comme au bon vieux temps du "commissariat au plan" qui guida l'activité française lors de la reconstruction d'après-guerre et lors de la suite des 30 glorieuses. Comme si les entreprises avaient besoin d'un guide, et comme si la "main invisible" ne pouvait pas à elle toute seule guider l'activité de tout un pays.

 On comprend comment la "croissance verte", telle que conçue par Aglietta, peut fonctionner. Grâce à la protection de l'État contre une concurrence à armes trop inégales, et grâce à la haute valeur ajoutée des activités "vertes", les entreprises anticipent qu'elles peuvent avoir des projets de telles activités en France, qui peuvent être viables et rentables. Grâce au fonds d'investissement de l'État, elles trouvent un financement pour leur projet. Puis elles embauchent, renouvellent leur appareil productif, et produisent. Puis elles vendent grâce à nouveau aux protections et à la haute valeur ajoutée de leur production ; ces ventes leur permettent alors de rembourser le fonds d'investissement qui s'est fait leur créancier. Ce cycle vertueux peut ensuite se répéter pendant plusieurs décennies, jusqu'à ce qu'un jour il s'essouffle. Le mode de croissance keynésien, qui fonctionna si bien lors des 30 glorieuses avant de s'essouffler, renait donc de ses cendres dans l'esprit d'Aglietta.

 Mais le phœnix renait sous une forme renouvelée. La nouvelle couleur du plumage du phœnix, est bien sûr le "vert", il évoque un monde rempli d'éoliennes, de voitures électriques, de bâtiments en bois couverts de plantes. Le phœnix porte aussi quelques plumes dorées très bling-bling, à la mode en ce début de XXIème siècle, puisque l'État ne finance plus l'investissement en accordant simplement des crédits, il détient plutôt un "fonds d'investissement" noté "AAA" par les "agences de notation". Enfin, le phœnix porte en collier les étoiles européennes, car dans l'idée d'Aglietta, l'État c'est l'Union Européenne, et la monnaie dévaluée de 20%, c'est l'euro.

 "Haute valeur ajoutée", "technologie", "écologie", "Europe", "innovations financières" : sous son habit très à la mode, le projet d'Aglietta pour faire revenir la croissance et l'emploi en France, peut quand même frapper par son cousinage avec des projets d'économistes souverainistes, plus prosaïquement tournés vers une "ré-industrialisation" de la France, plus prosaïquement basés sur une "politique industrielle", un "pôle public de crédit", une "dévaluation" et du "protectionnisme". Voilà notamment comment Jacques Sapir (qui fut l'élève d'Aglietta et est proche de son courant régulationniste) résume son projet, dans une interview donnée il y a quelques temps : « Concrètement, il faut combiner des mesures protectionnistes ciblées et de grande ampleur avec une dévaluation d’au moins 20%. Il faut ajouter, et je pense que c’est évident, que de telles mesures ne sauraient remplacer une politique industrielle. Le protectionnisme est la condition nécessaire à une telle politique, mais non la condition suffisante. ... Il faut comprendre que, dans la conjoncture actuelle, quand Gréau ou moi parlons du protectionnisme c’est bien aussi la politique industrielle que nous avons en tête. ... En fait, pour ma part, je considère le protectionnisme comme l’élément déclencheur mais ne résumant point toute une politique de ré-industrialisation et dans laquelle j’inclus la constitution d’un pôle public du crédit ainsi que la participation de l’État ainsi que des collectivités territoriales à certaines activités. »

 Les correspondances sont nombreuses entre les projets de Sapir et d'Aglietta : ré-industrialisation / "croissance verte", protectionnisme ciblé / "taxe carbone" et subventions à l'activité "verte", dévaluation de 20% / idem, pôle public de crédit / "fonds d'investissement" contrôlé par l'État. Mais les mots d'Aglietta sont bien plus porteurs de "rêve" que ceux de Sapir ! "Il faut dire aux gens ce qu'ils veulent entendre, ce qui n'empèche nullement de leur proposer ce qu'on veut" : est-ce la leçon de malice que les souverainistes peuvent recevoir d'Aglietta ?


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14 réactions à cet article    


  • Ferdinand_Pecora 24 février 2011 10:29

    « La nouvelle couleur du plumage du phœnix, est bien sûr le »vert", il évoque un monde rempli d’éoliennes, de voitures électriques, de bâtiments en bois couverts de plantes.« 

    Un monde »vert" et écolo, c’est un monde dans lequel des Etats-nation souverains coopèrent mutuellement dans un cadre de nouveau Bretton Woods dans des projets du type NAWAPA ou Transaqua.


    • Mark Hitti 24 février 2011 10:34

      Bonjour,

      Les solutions proposées par les économistes MM. Sapir et Aglietta sont intéressantes. Reste à savoir comment les appliquer. C’est là où tout économiste laisse le flambeau aux « autres » alors que c’est la partie la plus difficile.

      - Comment dévaluer notre monnaie dans un environnement international hyper intégré sans causer une guerre des monnaies ? c’est ce qui se passe maintenant. Des discussions entre les gouverneurs des banques centrales au sein de la BRI permettraient cette vision. Mais les pressions politiques sur les institutions financières publiques seraient trop fortes. Donc à la dévaluation d’une monnaie répondront d’autres dévaluations.

      - Quel protectionnisme économique au risque également d’entrainer les memes effets pour nos produits à l’exportation ? si on parle d’un protectionnisme à l’échelle européenne, c’est environ 30% de nos exportations qui pourraient connaitre des hausse des tarifs douaniers.

      - Ré-industrialisation est un thème dont on parle depuis 1995 (rapport martre). Difficile à mettre en place. Les solutions existent déjà : des poles de competitivité, des entreprises prometteuses (Archos par exemple) et pourtant c’est l’Etat qui soutient à bout de bras ces initiatives (Fonds publics à gogo). Le secteur privé est loin d’etre présent.

      Il faut que les économistes proposent des processus qui permettent la mise en place de ces solutions, sous peine de passer pour des donneurs de lecon alors que beaucoup d’élus, de chef d’entreprises ont besoin d’un soutien « logistique », i.e. une manière de procéder.


      • samuel * 24 février 2011 17:49


         Oui les questions que vous posez ne sont pas simples ! Et c’est surement aux hommes d’action d’élaborer un plan réaliste à partir des idées des économistes. Enfin gardons espoir, puisqu’à la sortie de la deuxième guerre mondiale, il y a eu des gens pour relever le défi, et organiser la reconstruction puis la suite des 30 glorieuses !

         Moi je dirais qu’Aglietta reste un rêveur dont les « plans » doivent être pris comme des sources d’inspirations mais pas, plutôt que pris à la lettre. Je doute par exemple que l’Union Européenne, étant donné son caractère peu démocratique, soit à même de jouer le rôle qu’Aglietta veut lui donner dans son « plan ».

         Aglietta me parait intéressant pour donner un habillage marketing et une perspective de long terme, à un projet qui doit prévoir aussi des actions et des objectifs à plus court terme. On peut rêver et vivre dans le futur comme Aglietta, quand comme Aglietta on vit dans un nid douillet. Les chômeurs travailleurs pauvres de France vivent beaucoup plus dans le présent, car leurs difficultés présentes les ramènent au présent. Un projet doit donc aussi répondre à leurs attentes de résultats à court terme, quitte à être moins conciliant avec l’Union Européenne et l’idéologie amoureuse de la globalisation financière et marchande.


      • Robert GIL ROBERT GIL 24 février 2011 11:10

        la bonne question est « qu’est ce etre ecolo », voici une piste...

        http://2ccr.unblog.fr/2010/10/23/ecolo-ecolo/


        • yoananda 24 février 2011 11:17

          Je vous arrête tout de suite, c’est un délire d’éco tartufe.

          Il faut 23 ans pour rentabiliser une investissement durable.
          Il n’y a pas suffisamment de matériaux « rares » nécessaire a la technologie verte sur terre de toute manière.
          Sans compter tous les problèmes de recyclage et d’énergie grise. sans compter le contexte géopolitique qui n’est pas favorable en ce moment. C’était il y a 30 ans qu’il fallait s’occuper de ces problèmes.
          Et de toute manière la France n’a plus les moyen d’investir, elle s’est ruinée pour sauver ses banques. C’est trop tard.

          RDV après l’effondrement. La on verra ce qu’on peut réalistement mettre en place. Mais il s’agira avant tout d’améliorer notre efficacité énergétique et non pas de délirer sur une croissance verte dans un monde virtuel.
          Les économiste sont vraiment une plaie pour l’humanité.

          • Francis, agnotologue JL 24 février 2011 11:58

            « Comme si les entreprises avaient besoin d’un guide, et comme si la »main invisible« ne pouvait pas à elle toute seule guider l’activité de tout un pays. » (Samuel, alias Lomig ?)

            « C’est le malheur du temps que les fous guident les aveugles. » (William Shakespeare).

            En somme, nous avons le choix pour gérer nos affaires, entre des fous, ou une « main invisible » aussi aveugle que folle !


            • samuel * 24 février 2011 18:05


               smiley Vous ne croyez donc en rien, ni Etat, ni main invisible ?

               Et qui est ce « lomig » ?


            • Francis, agnotologue JL 24 février 2011 18:33

              Mais si, je crois en l’Etat, mais pas en ces gouvernements scélérats qui se sont répandus comme la peste ces dernières années dans les pays occidentaux. Et je milite pour plus de démocratie, moins de pouvoir personnel, et une chasse impitoyable à la corruption et aux lobbyies mercantiles.


            • labulle 24 février 2011 15:46

              « C’est surtout l’État qui donne une orientation générale à l’activité en France, comme au bon vieux temps du »commissariat au plan« qui guida l’activité française lors de la reconstruction d’après-guerre et lors de la suite des 30 glorieuses. »

              C’est le travail brillant de Jean Fourastié, directeurdu plan, qui a inventé le terme des 30 glorieuses, repris le premier en France en 1948, les dénominations d’activités primaire, secondaire et tertiare, prédit la tertiarisation de l’activité économique, prédit qu’une centaine d’hommes décideront de l’avenir de millions d’autres, constaté que la masse des employés français plafonnait entre 20 millions et 25 millions depuis 1900 à 1975 ! Il était conseiller économique au commissariat au plan. Lire absolument ses divers ouvrages.

              « Comme si les entreprises avaient besoin d’un guide, et comme si la »main invisible« ne pouvait pas à elle toute seule guider l’activité de tout un pays. »

              La main invisible du marché, j’appelle cela un pick pocket et je suis persuadé que cela n’a pas été conçu pour guider l’activité de tout un pays.


              • samuel * 24 février 2011 18:07


                 Que pensez-vous de Fourastié ? Et de la nécessité pour la croissance, que l’activité du pays soit guidée par l’Etat ? Et du rôle directeur de l’Etat lors de 30 glorieuses ?


              • `NioR . `NioR . 24 février 2011 19:02

                Croissance, croissance, croissance... A vouloir toujours accélérer, on va se prendre le mur de plus en plus vite.


                • samuel * 24 février 2011 19:17


                   Mon avis, c’est que premièrement vous raisonnez comme s’il n’y avait pas 10% de chômage officiellement, voire 15% si on rajoute le chômage non officiel. Ca fait plusieurs millions de chômeurs ! La croissance, ça peut être celle de l’appareil productif français, de manière à ce qu’il intègre tous ces chômeurs, et de manière à ce qu’il produise en plus de quoi permettre à ces travailleurs nouvellement intégrés, de vivre avec plus que ce que leur donnent les allocations chômage.

                   Deuxièmement, une mutation de l’appareil productif et du parc immobilier et des équipements publics, et ainsi une mutation de nos modes de vies pour qu’ils soient plus écologiques, c’est aussi de la croissance.


                • yoananda 24 février 2011 19:31

                  ils s’en foutent comme l’an 40 du chomage. Y a deux choses qui les intéressent :
                  * limiter l’inflation (mandat officiel de la BCE)
                  * croissance du PIB
                  pourquoi ? parce que le premier assure que le capital ne perds pas de sa valeur
                  le 2ème assure que l’état paye ses dettes.
                  Le PIB n’est que la mesure des échanges imposables, et donc indirectement des recettes de l’état, d’ou la nécessité qu’il croisse !

                  http://yoananda.wordpress.com/2011/02/19/pourquoi-toujours-parler-du-pib/


                • charles-edouard charles-edouard 25 février 2011 07:48

                  il suffit de demander à la panthère rose ,de commander plusieurs million de vaccin d’hormones de croissance à ses petits copains des labots , avec vaccination obligatoire sous peine de se voir être dechu de sa nationalite

                  et surtout ne me demandé pas qui se cache derriére le masque de la panthère rose ,je suis pas une balance

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