La finance pascalienne
A chaque jour son scandale – ou sa peine. On pensait que l’affaire Kerviel constituait un sommet dans l’ordre du dévoiement du capitalisme financier et de la perte de repères et de contrôles, mais l’affaire Madoff semble repousser les limites à tous points de vue. Elle illustre et résume ce que l’on pourrait qualifier de « finance pascalienne »

Le principe simplifié de l’escroquerie est le suivant : on attire le maximum de clients en promettant des rendements inédits et on assure ces rendements avec l’argent déposé par les nouveaux clients. Le système tient tant que les souscripteurs ne viennent pas retirer massivement leurs avoirs. Comme le dit J.K Galbraith « La spéculation survient lorsque l’imagination se fixe sur quelque chose d’apparemment nouveau dans le domaine du commerce ou de la finance », ici la nouveauté tenait au fait que des rendements incroyables étaient promis par quelqu’un de prétenduement irréprochable.
Pourtant, les résultats des fonds gérés par Bernard Madoff suscitaient des doutes depuis plusieurs années. Dès 1999, un courtier d’une entreprise concurrente, Harry Markopolos, a envoyé une lettre à la Securities and Exchange Commission. Il qualifiait ces fonds de « plus grand montage Ponzi du monde », selon des documents obtenus par le Wall Street Journal. En 2005 Markopolos affirmait « "Bernie Madoff’s returns aren’t real and if they are real, then they would almost certainly have been generated by front-running customer order flow from the broker-dealer arm of Madoff Investment Securities LLC” en clair les rendements obtenus par Mr Madoff ne sont pas réels ou bien alors sont frauduleux.
Au cœur du système il y a donc l’avidité, la recherche toujours plus effrénée du profit, au mépris des règles de prudence, de gestion des risques et du bon sens le plus basique. Au cœur du système il y a le pari que font les hommes et les institutions : si ça marche mon gain peut être immense, quasi infini, si je perds ma perte est limitée, circonscrite à ma mise initiale. Comme pour le pari pascalien qui vise à postuler l’existence de Dieu (pour simplifier : gain infini en cas de pari juste, perte finie en cas de pari infondé) la finance pascalienne est une pure spéculation – on n’insistera jamais assez sur l’étymologie de ce mot, qui est « speculus » en latin, c’est à dire miroir, la finance contemporaine est aussi une finance de miroir, de mimétisme, de comportements moutonniers – où le risque est perçu comme faible.
Pour tous les traders et banquiers de la planète, les schémas les plus osés et les plus improbables valent le coup puisqu’en dernier ressort il n’y a pas grand-chose à perdre. En cas de réussite le trader audacieux pourra prendre sa retraite à 35 ans, en cas d’échec il perdra son travail et encore pas toujours. En cas d’investissements hasardeux mais couronnés de succès la banque affichera des résultats records – ce qui est bon pour les actionnaires et les banquiers-, en cas de pertes le contribuable finira bien par payer les ardoises comme on le constate ces derniers mois.
Au fait Bernard Madoff a été libéré jeudi soir après versement d’une caution de 10 millions de dollars ; il risque une amende de 5 millions de dollars mais surtout jusqu’à 20 ans de prison.
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