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La politique de la corde raide

Ma chronique de la crise financière internationale pour cette semaine tente de dégager les lignes de force des prochaines semaines : catastrophe après les élections grecques, nouveau cocorico européen en fin de ce mois de juin. Mais à force de tendre la corde pour passer en force, ne riquons-nous pas de nous prendre les pieds dedans ?

Pour cent milliards t’as plus rien
 
Le sauvetage des banques espagnoles, annoncé dans le courant du week-end, n’aura rassuré les marchés qu’une paire d’heures. Les taux espagnols ne se sont relâchés que dans la matinée de lundi pour reprendre leur ascension et atteindre de nouveaux sommets : dès mardi après-midi, les taux espagnols à 10 ans atteignaient pour la première fois 6,75%, pour frôler les 7% jeudi. Ce qui est inquiétant aux yeux du marché, c'est que le taux de 7 % est justement celui à partir duquel la situation des pays qui ont bénéficié de l'aide internationale, Grèce, Irlande et Portugal, est devenue incontrôlable. Avec la dégradation de la Dette espagnole de plusieurs crans, il faut bien tirer la conclusion qui s’impose : l’État espagnol a perdu l’accès au marché des capitaux pour sa dette. Il dépend de facto de l’ « aide » ou du moins de la solidarité européenne.
 
L’entrée de l’Italie en zone hautement perturbée est la grande nouveauté de la semaine. Les taux italiens à dix ans ont eux aussi largement dépassé la fatidique barrière des 6%. Au loin se profile la République française qui dès le mois d’août va devoir faire appel aux marchés pour payer ses fonctionnaires…
 
Les Européens restent curieusement ( ?) dans un état proche de la léthargie ainsi que l’a remarqué le président Obama. Pour quelles raisons : l’Europe a besoin de l’urgence pour obtenir des décisions. Nous allons donc passer une semaine catastrophique. La politique menée par les uns et les autres est bien une politique de la corde raide, dans la mesure où il apparaît avec de plus en plus de force que, si la situation actuelle de l’Europe sur le plan financier n’est plus tenable, on n’obtiendra toutefois des avancées qu’en présence de l’urgence la plus périlleuse.
 

Moyens de pression des débiteurs
 
Un des aspects les plus « curieux » de la crise à l’espagnole est que ce sont les pays européens plus « stables » (les moins perturbés du moins) qui ont supplié le premier ministre espagnol de faire appel à l’aide internationale. Ceci est bien le signe que les débiteurs sont en train de prendre l’ascendant sur les créanciers. Autrement dit, l’Espagne, comme la Grèce ou l’Italie, n’ayant plus grand chose à perdre. Par contre ils sont en position – plutôt que de subir des plans d’austérité drastiques qui les enferrent dans une situation de plus en plus inextricable - d’entraîner les autres dans le gouffre. Ce qui leur donne des moyens de pression considérables. Avec leur refus d’accepter l’argent du fonds de soutien pour recapitaliser leurs banques, les Espagnols ont été près de faire exploser tout le système, s’imaginant peut-être que les Allemands allaient craquer et réhabiliter leurs banques à leur place sans demander aucune autre garantie en retour.
 
Résultat : les Espagnols ont obtenu ce week-end 100 milliards € pour leurs banques sans aucune contrepartie apparente, ce qui a amené Grecs, Portugais et Irlandais à se positionner immédiatement en faveur d’une renégociation de leurs aides. Les Allemands apparaissent dans ce contexte comme les grands perdants de la situation, le sauvetage espagnol mettant en cause la politique de rigueur dont ils sont les promoteurs. Cela signifie-t-il qu’en arrière plan notre commis-voyageur de président est en mesure de tirer les marrons du feu ? Il y a fort peu de chance. S’il se targuait il y a quelques jours encore de l’alliance des socialistes allemands, ceux-ci viennent de s’accorder avec Madame Merkel qui oppose aux effets de manche des pays du Sud la mise en place de la seule option crédible : l’union politique européenne.
 
 
Corde raide
 
Les Allemands n’ont pas donné un chèque en blanc à l’Espagne. Ce qui a été négocié, en échange d’un abandon des politiques d’étranglement mises en œuvre notamment en Grèce, c’est le prochain recours à une politique supranationale. Le sommet européen de la fin du mois devrait donc voir un nouvel épisode de cocorico européen  tel que je l’avais souligné en mars dernier (Le lion euro rugit ce soir). Nos dirigeants courent ainsi le risque, non sans dangers majeurs, d’une radicalisation de la crise pour en sortir des progrès « décisifs » dans la constitution d’un nouveau système européen.[1]
 
Il reste à savoir si on va vers un mieux ou vers un pire. Car s’il semble évident que dans la quinzaine qui vient les Européens seront en mesure de rassurer les marchés en renforçant le fonctionnement fédéral européen au détriment des souverainetés nationales, il est certain par contre qu’ils courent de plus en plus après les événements, dans la mesure où l’entrée de la France dans la zone des tempêtes se profile non pas dans un horizon lointain mais dès cet été. L’Allemagne qui apparaît comme un recours solide comme le roc va elle-même voir sa situation se retourner rapidement.
 
 
« Trappe à liquidités »
 
Tant les Américains que les Européens se montrent très hésitants à lancer une nouvelle opération de Quantitative Easing ou de sa variante européenne (LTRO) car il apparaît que l’injection de nouvelles liquidités dans le système a DEUX conséquences. La première, « positive » qui est de calmer les tensions, et rien de plus ; la deuxième plus qu’inquiétante, qui est que ces liquidités ne sont pas utilisées dans l’économie « réelle » mais dirigées immédiatement vers de nouvelles spéculations. Injecter des liquidités revient donc de plus en plus clairement à contribuer à moyen terme à l’aggravation des tensions existantes, et plus on en injectera, moins clair on y verra. C’est la situation des Japonais depuis 20 ans et cela devient la dominante de l’économie mondiale.
 
 
Récession
 
La RÉCESSION qui en résulte sera le fait majeur de la deuxième moitié de 2012. Le ralentissement des économies émergentes s’est accru plus que prévu,[2] les économies américaines et européennes plongent. On risque d’atteindre par exemple 3 000 000 de chômeurs en France à la fin de cette année. Dans ces circonstances, nos dirigeants n’ont pas l’ombre d’un choix. En acceptant de remettre le mot d’ordre de « relance » sur l’étendard européen, on n’a rien changé au fait que l’on ne dispose pas du premier euro pour une telle politique et que, quoiqu’on fasse, on ne le trouvera pas ! Et sauf miracle, la relance ne sortira pas de l’imagination de M.Hollande ou de sa compagne.
 
Les nouvelles élections grecques marqueront ce week-end la fin de la première étape de la crise, caractérisée par une politique d’étranglement des pays incapables d’assumer les dettes de leur État (Irlande, Portugal, Grèce). Dans la nouvelle phase qui se met en place, la question n’est toujours pas, je le rappelle, euro ou pas euro, elle est faillite ou pas faillite. On a depuis des années tenté d’éviter la troisième voie, la seule « solution » possible : une résorption « contrôlée » des dettes d’État. Il n’y a donc plus aujourd’hui d’autre choix que de les assumer collectivement ou de laisser filer la situation, avec tout ce que cela implique, car la faillite d’un seul créancier peut entraîner la rupture de toute la chaîne.
 
MALTAGLIATI
 
p.s. La crise dans le détail
Une mairie de l'Isère, soutenue par la chambre régionale des comptes, a décidé ne plus rembourser les quelque 636 000 euros d'intérêts d'un "emprunt toxique" contracté auprès de la banque Dexia. Depuis le 15 décembre 2011, la mairie a décidé de ne plus rembourser les intérêts d'un prêt, renégocié avec la banque Dexia en 2010, dont le montant est passé en un an de 170 000 euros à plus de 636 000 euros. Les intérêts, qui sont indexés pour moitié sur le franc suisse, ont en effet subi la hausse vertigineuse de la devise. Saisie par le préfet de l'Isère pour déterminer le caractère de « dépense obligatoire » de cet intérêt, la juridiction administrative a soutenu la commune dans un avis rendu le 31 mai. « La dépense de 636 992,41 euros, objet de la saisine au titre de l'article L.1612-15 du Code général des collectivités territoriales, ne présente pas un caractère obligatoire pour la commune de Sassenage », indique dans son avis la chambre régionale des comptes. Une première audience est prévue en septembre. Vous voyez vers quoi l’on se dirige de plus en plus ! Mais que fera la mairie quand les administrés refuseront de « rembourser » leurs impôts locaux ? Je vous l’ai déjà dit : prenez les devants : annulez vos prélèvements automatiques…
 


[1] Des mesures fédéralistes draconiennes prévoyant des pertes progressives de souveraineté nationale sur les politiques budgétaires, fiscales, sociales, les retraites et le marché du travail, dans le but de donner naissance à une nouvelle union politique européenne d'ici cinq à dix ans.

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3 réactions à cet article    


  • Le Yeti Le Yeti 16 juin 2012 12:21

    Pour Saddam Hussein (qui avant tout rejetait le dollar US ...) aussi la « politique de la corde raide » a été appliquée. Comme quoi il ne fait pas bon s’opposer à la mondialisation ni à ses étapes intermédiaires (telle que l’UE).


    • Le Yeti Le Yeti 16 juin 2012 16:12

      2 planches à billet imminentes (Fuck à Lenglet et Madelin.) :
      - FED = 200 milliards $
      - BOE = 75 milliards £

      Encore un répit ex nihilo.
      A comparer au tout puissant et inattaquable M.E.S. ( Texte officiel )

      Si ça ce n’est pas de la corde raide ...

      PS : Merci pour ce très bon article MALTAGLIATI.


      • Tzecoatl Claude Simon 20 juin 2012 12:21

        Non, la BOE aurait un consensus plutôt de 25 milliards de £. Pour ce qui est de la Fed, ce n’est pas sûr.

        L’Europe s’engage sagement dans la maîtrise des intérêts sur la dette publique, ce qui est plutôt de bonne augure.

        Par contre, bien vu le fuck, de tels menteurs, c’est incroyable. On a compris le petit jeu anti-planche à billets de la caste. Ils sont contre, sauf pour eux.

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