La prime pour l’emploi destructrice d’emplois ?

Cette PPE, créée en 2001 par Fabulius (*), a depuis été augmentée par nos différents gouvernements et est, en fait, un impôt négatif très représentatif de la pensée unique "de redistribution égalitaire" dont nous aimons nous enorgueillir...
Politiquement, le dispositif est astucieux puisque :
-
cette prime est versée à des personnes qui travaillent mais ont un revenu modeste (pour faire simple, 1,4 fois le SMIC plus 1/3 de SMIC par 1/2 part fiscale supplémentaire) : on leur fait donc passer le message vertueux qu’ils méritent plus que ceux qui ne vivent que d’allocations
-
c’est l’Etat providence qui décide du montant de cette prime et l’homme politique y voit un levier simple de gestion de sa popularité auprès des millions de bénéficiaires et de leurs proches.
Sur le fond, le premier argument est incontestable : quelqu’un qui travaille mérite plus que celui qui vit d’allocations (en tout cas et surtout, il coûte beaucoup moins à la collectivité). Pour ce qui concerne le second, je ne peux m’empêcher de ne pas aimer cette attitude de l’Etat qui, tel un "dealer", s’assure d’une bonne dépendance à l’assistanat de ces "contribuables négatifs" qui sont aussi des électeurs. Autrement dit, le premier argument est malheureusement abîmé par le second...
Je me dois aussi de :
-
reconnaître que les bénéficiaires doivent apprécier cette somme correspondant grosso modo à un treizième mois
-
plaindre ceux, qui ayant perdu leur travail entre-temps, sont susceptibles de devoir rembourser ladite prime (je pense que cela se finira bien pour eux, même si le cas pose un problème d’équité entre ceux qui sont mensualisés et susceptibles de rembourser et ceux qui ne le sont pas et qui n’ont rien touché
-
féliciter ceux qui, ayant vu augmenter leur niveau de revenus, n’y ont plus droit
Si on regarde maintenant les chiffres, un peu moins de 9 millions de foyers fiscaux devraient se partager plus de 4 milliards d’euros en 2007. Il s’agit de gros chiffres ! 4 milliards, c’est plus que ce que rapporte l’ISF (dont je suis un fan, cf. Petite proposition...), c’est environ 7% de ce que rapporte l’IRPP, c’est plus de 10% du budget total des ASSEDIC, c’est presque 8 fois le déficit du régime des intermittents du spectacle (cf. Permanence du déficit...), c’est 7 fois plus que les 600 millions d’euros d’augmentation du capital d’ADP qui ont justifié sa mise en bourse (là, l’Etat n’avait pas les moyens de "sortir" cette somme bien modeste - cf. Les privatisations...) et surtout, c’est récurrent, et malheureusement probablement endémique...
Les conséquences de ces 4 milliards d’euros de dépenses publiques supplémentaires sont, en fait, bien plus lourdes pour notre économie et notre taux de chômage. Petite démonstration provocante, simpliste mais didactique...
Faisons l’hypothèse que ces 4 milliards sont financés en "taxant" les 2 millions de Français les plus aisés de 2000 € chacun et que ces 2 millions de contribuables auraient chacun acheté avec cette somme un article Louis Vuitton à 2000 € (Monsieur Arnault doit aimer mon scénario !) si cet argent ne leur avait pas été réclamé par le fisc.
Ces 2 millions annuels d’articles LV auraient nécessité l’emploi d’environ 40 000 personnes pour les fabriquer, les transporter, les conditionner, les commercialiser, les marketer... 40 000 chômeurs de moins, c’est un chiffre qui correspond à peu plus de 4 mois de notre rythme actuel national de créations d’emplois, et c’est environ 800 millions d’économie pour l’UNEDIC et 50 millions d’impôts sur le revenu pour l’Etat !
Ces 4 milliards d’euros de chiffre d’affaires supplémentaires pour LVMH, c’est aussi 600 millions d’euros de TVA, 1 milliard de charges sociales, 300-400 millions d’impôt sur les sociétés et taxes diverses.
Conclusion : quand l’Etat "taxe" 2 millions de Français de 2000 € chacun, il se coupe l’opportunité de récolter en impôts, charges sociales et économies près de 3 milliards.
Si maintenant, toujours de façon simpliste, on fait l’hypothèse que les attributaires de la PPE dépensent les sommes correspondantes en achetant des produits à bas prix fabriqués en Asie (vêtements, chaussures, équipements électroniques...) et achetés chez des distributeurs "discount/low cost", l’impact en terme de création d’emplois est probablement deux fois moindre en nombre d’emplois créés, du quart en terme d’économie pour l’UNEDIC et négatif en terme d’impôt sur le revenu (les salariés de cette distribution "discount" étant vraisemblablement des récipiendaires de la PPE, d’où le caractère endémique cité plus haut !).
De même, en termes de TVA, de collecte de charges sociales et d’impôt sur les sociétés, on peut diviser les chiffres de mon scénario Vuitton par 4. L’écart entre les deux scénarios est donc de 20 000 chômeurs en plus et 2 milliards d’euros de recettes sociales et fiscales en moins ! Le coût réel de la PPE, toujours suivant ces hypothèses, est en fait de 6 milliards d’euros et deux mois de création d’emplois en moins avec un phénomène inéluctable d’accélération de ce coût (et je parle pas ici du coût de gestion de la PPE difficilement chiffrable vu le caractère "inertiel" du coût de fonctionnement de nos administrations...).
Bien que politiquement incorrect, ce scénario ne se veut pas polémique mais pédagogique, et même s’il relève d’une forme de caricature, le phénomène micro-économique qui le sous-tend est parfaitement juste et mécanique : on pourrait, de la même façon, estimer la différence d’impacts économiques d’un euro dépensé dans des hôtels de luxe ou dans un camping, dans un bon restaurant ou dans un McDo, dans l’investissement immobilier locatif ou le paiement d’un loyer HLM ou encore comparer l’achat spéculatif d’une action "small cap" et le placement sur un livret A de ce même euro... On arriverait à des évaluations similaires...
Comme j’ai déjà tenté de le démontrer (cf. Une éternelle nostalgie...), l’adage "Prenons aux riches et tout le monde sera moins pauvre" est totalement faux économiquement. Celui qui est vrai est : "Pour qu’il y ait moins de pauvres, il faut qu’il y ait plus de riches" !
Nos hommes politiques, dans leur immense majorité, savent qu’une grande partie de leur pouvoir repose sur ce "misunderstanding" : pour eux, il est vrai, maintenir des millions de personnes en assistance économique a beaucoup d’intérêt quand il s’agit d’essayer de se faire élire : d’où la pléthore de mesures "sociales et égalitaires" (et non financées ) prônées par nos candidats à la fonction suprême !
En résumé, cette pensée unique de la "redistribution égalitaire" fait subir à notre économie un véritable supplice chinois, par lequel le gâteau à se partager est de plus en plus petit, et la part "administrée" du gâteau de plus en plus importante. Avant que l’asphyxie ne soit complète, il est peut-être temps de penser à comment agrandir l’assiette. Un plus gros gâteau conduirait naturellement à un partage plus équitable...
Sur le même thème
David Sassoli, symbole de la générosité européenneUkraine: incendies et incendiaires
Enfin, une vision européenne !
Ursula Von der „Liar” et ses mémoires perdues
3ème tour : se préparer à la guerre de classe
73 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON