Le choix d’Angela
“Les marchés veulent nous forcer à faire certaines choses que nous ne ferons pas. La politique ne peut pas simplement suivre les marchés ». C’est en ces termes que Madame Merkel s’est exprimée hier, elle qui revendiquait l’étiquette de pragmatique et qui se retrouve actuellement confrontée à un impossible choix.
Doit-elle imposer à sa coalition – et à une opinion allemande pour le moins réticente – de puiser dans les réserves de guerre du pays pour garantir des nations au bord de la faillite et taxées d’irresponsables. Le gouvernement allemand a-t-il enfin saisi que les sacrifices draconiens exigés de la part des nations européennes périphériques, pour prix de leur renflouement, ne fait que les enfoncer irrémédiablement dans la récession ? Madame Merkel osera-t-elle expliquer à des électeurs désireux de donner une leçon à ces nations cigales qu’une austérité de cette ampleur aboutira très exactement au résultat inverse ? Ou laissera-t-elle l’Union se désintégrer au risque que son propre pays – aux performances économiques déclinantes – ne soit rudement affecté par la perte de pouvoir d’achat de nations européennes qui constituaient jusque là un marché crucial pour les exportations allemandes ? Sans même évoquer le système bancaire allemand lourdement investi en Europe périphérique et qui serait le premier sinistré par l’abandon à leur sort des PIIGS…
Face à ce dilemme, il y a fort à parier que les autorités allemandes choisissent une voie médiane qui ne contentera personne tout en ne faisant que permettre de gagner encore ou, vu autrement de gaspiller encore, un temps précieux et désormais compté. Ainsi, Madame Merkel optera-t-elle pour une entrée en lice intensifiée de la BCE qui appliquera les baisses de taux quantitatives initiées par le Japon dans les années 90, poursuivies par la Fed dès 2008, et dont on sait bien aujourd’hui que l’efficacité est plus que limitée… En tout cas vis-à-vis de l’économie réelle car les injections de liquidités ont au moins le « mérite » d’entretenir – voire d’attiser- la spéculation tout en favorisant incontestablement la formation ça et là de bulles.
N’est-ce pourtant pas un comble que soit précisément le peuple et la nation par excellence obsédés par l’hyperinflation des années 30 (et par ses conséquences politiques désastreuses) qui se fassent les promoteurs de baisses de taux quantitatives dont l’effet plus que collatéral est de créer l’inflation ?
En réalité, ces tergiversations (assez compréhensibles) de l’Allemagne masquent tout simplement une Europe totalement dysfonctionnelle qui, se réfugiant derrière des blâmes adressés à une Allemagne qui rechigne à partager ses richesses le cœur léger, ne se décide pas à se doter des instruments institutionnels de sauver l’union monétaire. L’Allemagne n’en devra pas moins se résoudre dans les semaines – tout au plus dans les deux ou trois mois à venir – à choisir entre une monnaie stable ou entre une intégration européenne digne de ce nom.
Les allemands, qui croyaient un temps être en mesure d’exporter et de faire rayonner à travers toute l’Union le prestige et la rigueur de leur deutschemark reviennent de très loin car ils se rendent aujourd’hui compte qu’ils ont été contraints, subrepticement et à leur insu, d’importer en même temps la Drachme et l’Escudo et la Peseta et la Lire…
Après la chute du Mur et la réunification allemande, l’objectif de la politique française avait été, on le sait, d’entraîner cette grande Allemagne dans une union monétaire afin d’en diluer la prédominance… Les allemands, qui se refusent catégoriquement aux eurobonds, sont parfaitement conscients que l’émission d’obligations garanties de manière équivalente par les dix-sept membres de l’Union achèvera de les emmurer dans une Union Européenne qui fera constamment appel à leur solidarité –c’est-à-dire à leurs liquidités et à leur solvabilité– sans nul moyen pour eux de s’y soustraire !
C’est pourquoi, de guerre lasse, Madame Merkel vient de déclarer, et non sans raison, que l’émission de ces eurobonds transformerait l’Union en une « union des dettes »…
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