Le plan-plan de relance, entre postures et impasses
J’ai emprunté à Charlie Hebdo le terme « plan-plan », tant il qualifie bien le pot-pourri énarchique présenté jeudi. Au mieux, on peut y voir la copie passable d’étudiants besogneux et convenus. Mais derrière cet édifice qui additionne des mesures de secrétaires d’état, la communication est bien trop grossière et les impasses bien trop grandes pour que notre pays y gagne grand chose...
Copier-coller tout ce qui n’a pas marché
Tout ça pour ça ! Certes, la somme peut paraître relativement impressionnante. Encore que, pour qui prend un peu de recul, il ne l’est pas tant que cela. En étudiant les détails, Jacques Sapir pointe que le plan n’apporte que 62,7 milliards de nouveaux crédits. Sur deux ans, puisque les crédits ne concernent pas que 2021, cela représente à peine plus d’1% du PIB… En outre, le plan européen annoncé en juillet est encore en cours de négociation, mettant 40 milliards à risque, et ils ne pourront pas arriver avant la mi-2021. Sachant que la crise économique a débuté début 2020, voici un nouvel exemple de l’inutilité et même de la nocivité d’une UE, dont la réponse à cette crise trouve le moyen d’être à la fois trop faible et trop tardive, outre le fait d’être extraordinairement compliquée à négocier…
Mais ce qui est assez impressionnant quand on prend un peu de recul sur ce plan, c’est à quel point il n’apporte aucune idée nouvelle. Ce sont les mêmes mécanismes à l’œuvre depuis parfois des décennies que l’on retrouve généralement dans toutes les mesures annoncées. Les aides à la transition énergétique, aussi bienvenues soient-elles, ont montré des limites qui ne sont pas abordées. Mais c’est tellement plus simple de faire du copier-coller… Le plan pour l’hydrogène peut être considéré comme une forme de réplique, tardive, au plan allemand, et on peut craindre que, derrière les chiffres, nous restions loin de l’ambition qui devrait être donnée. Les mesures pour la cohésion sociale et territoriale sont à nouveau une reprise d’idées du passé, pas forcément inutiles néanmoins.
Mais le plus effarant sont sans nulle doute les mesures pour la compétitivité, la prolongation, en plus petit, du CICE et du pacte de responsabilité Hollande-Macron... Comment peut-on persévérer dans la politique de l’offre par la baisse des impôts malgré le bilan désastreux des mesures d’il y a cinq ans ? Leur coût a été colossal, pour un effet dérisoire : le chômage n’a pas plus baissé en France qu’ailleurs et notre déficit ne s’est pas réduit. Bien sûr, cela était prévisible, la course à la compétitivité étant une course à jamais perdante pour un pays comme le nôtre, sans frontières économiques avec des pays où les salaires sont cinq fois plus bas. Ces milliards ne serviront à rien. Ils n’apporteront pas un point de croissance, ne créeront guère d’emplois et imposeront l’austérité à nos service publics.
Car fondamentalement, comme le note bien un article de Marianne, c’est le cadre actuel qu’il faudrait changer. Nous ne pouvons pas nous battre à armes égales dans un marché européen où le coût du travail peut être cinq fois plus bas que dans l’hexagone. Les améliorations de compétitivité sont totalement marginales par rapport à la production dans les pays de l’Est. Et nous ne privilégions même pas le fabriqué en France ! C’est ainsi que la police de Paris a choisi de rouler en Volkswagen Golf et la gendarmerie pourrait bien remplacer des Renault Mégane, fabriquées en France, par des Seat Leon ! Comme trop souvent, le plan de la France risque de ne pas profiter aux français, mais bien plus à nos partenaires européens, si c’est à un patronat, décidément bien servi.
« Ce plan, c’est globalement ce qu’on avait demandé » : voilà ce que le patron du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, a déclaré le 3 septembre. En fait, cette majorité est en pilotage automatique avec une boussole qui n’indique que les intérêts d’une petite minorité, avant les crises, pendant les crises et après. Tout le reste n’est qu’un effort de communication grossier pour vendre le plan à tous les autres…
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