Le problème du dollar
Le niveau de l’euro toujours plus élevé par rapport au dollar nous pose problème à nous, Européens, mais l’inquiétude est bien plus vaste qu’un simple déséquilibre de la balance des paiements ne le justifierait.
Actuellement un euro vaut plus d’un dollar trente, cette appréciation de l’euro par rapport au dollar pose problème aux pays de la zone euro qui se voient pénalisés dans leurs exportations vers tous les pays de la zone dollar ainsi que vers ceux dont la monnaie est indexée sur ce dernier. Mais si le dollar nous semble trop faible à nous, Européens, c’est parce que nous avons relativement joué le jeu des changes flottants ; or ce n’est pas le cas, et loin de là, de tous les pays. Ainsi les pays asiatiques et surtout la Chine ont, eux, plus ou moins indexé leur monnaie sur le dollar. D’un point de vue mondial, le dollar ne semble donc pas sous-évalué.
Et c’est finalement là qu’est tout le problème ; les Etat-Unis, malgré un déficit commercial abyssal, ne voient pas leur monnaie baisser vis-à-vis du yuan (la Chine est le principal responsable du déficit américain), ce qui empêche, ou du moins ne favorise pas le retour à l’équilibre. Nous sommes donc dans une situation où la Chine (comme d’autres pays asiatiques dont le Japon) finance à crédit la consommation du pays le plus riche du monde. La Banque centrale chinoise accumule les dollars grâce à l’excédent de sa balance commerciale, dollars qu’elle place en bons du Trésor (« T-Bill ») américains ; et ses avoirs ont dépassé les mille milliards de dollars. De cette manière, Américains et Chinois se tiennent de telle façon que le système tient. En effet, si les Chinois laissaient flotter leur monnaie, s’ils ne soutenaient plus le dollar, celui-ci s’écroulerait, et tous les avoirs chinois libellés en dollars verraient leur valeur diminuer d’autant. Cette situation, où le pays le plus riche du monde vit à crédit, est paradoxalement profitable à tous, car elle empêche la déflation de s’engager (en effet, l’énergique demande des Etats-Unis soutient la demande mondiale qui, sans cela, serait trop faible pour empêcher une déflation mondiale). Cependant cette situation ne pourra tenir indéfiniment et elle est injuste, car elle finance la consommation du pays le plus riche et parce qu’elle empêche le pouvoir d’achat de progresser en Chine, par exemple.
Plusieurs signes peuvent nous alerter sur une chute qui est
peut être plus proche qu’on ne croit. Tout d’abord la Chine (à hauteur d’un
quart) et les banques asiatiques ont commencé à diversifier leur portefeuille
(en achetant des euros, des yens...), ce qui témoigne d’une perte de confiance dans le dollar. Cette perte de confiance vient aussi de la peur d’une
hausse de l’inflation outre-Atlantique- qui dévaloriserait la dette réelle des
Etats-Unis. Or dans ce monde financier, la confiance est primordiale. Pour
compléter cela, la croissance américaine commence à s’essouffler, et si les prix
de l’immobilier continuent à chuter, elle pourrait même faire plus que
s’essouffler. L’effet de richesse joue beaucoup aux Etats-Unis, en particulier
à cause des prêts hypothécaires (prêts qui dépendent de la valeur immobilière
des ménages), de cette manière, la chute de l’immobilier entraîne une baisse de
la consommation. Pour réagir à cette conjoncture, la Fed risque fortement de baisser
ses taux, ce qui contribuerait encore à déprécier le dollar par rapport à l’euro
- la plupart des investisseurs anticipent d’ailleurs une baisse du dollar en
2007. Autant de facteurs qui ne sont pas favorables à la confiance dans le
dollar. Il ne nous reste plus qu’à espérer que tout cela se fasse en douceur,
un soft landing du dollar, en quelque sorte. Mais après que la crise aura ou non eu
lieu, que faire ? Le système actuel, avec le dollar comme monnaie
internationale, est-il encore souhaitable, compte tenu des limites de ce dernier ?
Le système est instable car le pays à monnaie de réserve est
conduit à s’endetter de plus en plus, ce qui diminue la confiance dans sa
monnaie. La solution pourrait être la mise en place de deux monnaies de réserve
(avec l’euro, par exemple) ou, et c’est ce qui est le plus souhaitable, une
autre solution serait la mise en place d’une monnaie internationale - qui ne soit pas
une monnaie nationale - destinée à être une monnaie de réserve. De nombreux
auteurs (dont Keynes, déjà !) ont pensé à cette possibilité, et il
semblerait qu’il soit tout à fait envisageable de la rendre effective.
Du point de vue européen, la baisse du dollar est une
mauvaise chose, car elle limite la compétitivité de nos exportations ; en même
temps, les optimistes pourront avancer le fait qu’à cause de cette perte de
compétitivité, les entreprises européennes vont devoir innover pour gagner en
productivité, ce qui est positif. Cependant, le problème du dollar ne touche pas la seule Europe, mais le système financier et économique planétaire.
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