Le RMI a-t-il été décentralisé ?
« Cette question ? Bien sûr que oui ! Tout le monde sait bien que la loi du 18 décembre 2003 a transféré la gestion complète du RMI (insertion et allocation) aux départements avec effet au 1er janvier 2004. » Mais le dispositif du RMI a-t-il été vraiment décentralisé au profit des Conseils généraux ? La question est discutable...
Le sénateur Michel Mercier, rapporteur sur le suivi du transfert du revenu minimum d’insertion (RMI) aux départements, se demande si le transfert du RMI peut être considéré comme un acte de décentralisation. En effet, les marges de manoeuvre des départements dans ce domaine sont nulles, ce qui ramène ces collectivités au simple rang de simples prestataires de service. Examinons cette question...
Pour qu’il y ait véritablement une décentralisation, dit la Constitution en son article 72-2, il faut qu’il y ait "création ou extension de compétence" et transfert des ressources correspondantes. Or, le financement principal du RMI consiste en l’affectation d’une fraction de la TIPP (taxe intérieure sur les produits pétroliers). Il se trouve qu’entre le 1er janvier 2003 et le 1er janvier 2007 le produit de la TIPP a stagné. Dans le même temps, la charge des dépenses liées au RMI qui pèse sur les départements s’est accrue du fait notamment de l’augmentation du nombre de bénéficiaires. En outre, les allocations ont été revalorisées chaque année, de façon unilatérale par le gouvernement sans que la compensation financière destinée aux départements ait été revue à la hausse.
"Et alors ? Les départements peuvent réduire leurs dépense et accroître leurs recettes pour entrer dans leurs frais !" Certes ! Ils s’y efforcent d’ailleurs. La suppression de l’obligation légale de consacrer 17 % des dépenses d’allocation aux actions d’insertion les aide en ce sens. La fiscalité locale aussi. Et ils se sont lancés dans la chasse aux fraudeurs ainsi que dans la récupération des indus. Par ailleurs, le suivi individualisé des bénéficiaires, établi par voie de contrat entre la collectivité et l’individu, revêt une certaine forme de contrôle rapproché. Mais, les départements n’ont aucun contrôle sur le contexte qui entoure les fluctuations du nombre de bénéficiaires du RMI. Même si aujourd’hui ce nombre semble se stabiliser, ils savent que toute prévision est aléatoire, ce qui les rend gestionnaires, mais peu décideurs de cette politique. Servir des prestations comme le ferait une administration déconcentrée de l’Etat ne va pas dans le sens du principe de libre administration des collectivités locales inscrit dans la Constitution.
Pas convaincu ? Alors, prenons le dernier exemple du Fonds de mobilisation d’insertion (FMDI). 20 % de ce fonds sont destinés à "encourager les efforts accomplis par les départements". Mais voilà que ce fonds joue un rôle de distributeur de récompenses et de sanctions. Ainsi, les départements, qui ont bien docilement appliqué la politique gouvernementale en faveur des contrats d’avenir, des CI-RMA (contrats d’insertion dans le cadre des revenus minimums d’activité) et des mesures d’intéressement, reçoivent des aides de ce fonds. Les autres départements tirent la langue dans les conditions financières évoquées ci-dessus, en l’attente de temps meilleurs.
"Bon, il est normal que les départements novateurs (ndlr : de droite souvent) qui ont mis en oeuvre ces mesures voient le surcoût généré pris en charge (ndlr : même si ces contrat d’avenir et ces contrats de RMA sont critiquables par bien des aspects... )" D’accord ! Mais, il faut aussi souligner le fait que les politiques de restriction des droits aux allocations de chômage précipitent aussi des gens dans le RMI, ce qui revient à un transfert qui ne dit pas son nom de l’Etat vers le département.
Le débat n’est pas clos. Michel Mercier demande que les départements deviennent réellement responsables de la politique du RMI, qu’ils aient des marges de manoeuvre plus importantes qu’actuellement.
Bibliographie :
- Rapport UNIOPSS "Quelles politiques départementales d’insertion ? Enquête sur le RMI décentralisé". Avril 2007.
- Rapport de l’Observatoire de la décentralisation, par M. Mercier, sénateur, février 2007.
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