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Le talon-pointe très malhabile de la BCE

Jeudi, j’ai été invité à commenter la décision de la BCE de baisser son taux directeur de 0,25 point, à 2,75% par l’économiste Alexandre Lohmann dans un espace de discussion. Une série d’échanges qui permet de dépasser les compte-rendus insipides et superficiels de certains, alors que la politique monétaire menée par la BCE devrait être questionnée de manière beaucoup plus insistante.

Le talon-pointe très malhabile de la BCE

 

Caresse sur l’accélérateur et gros coup de frein 

 Habituellement, les banques centrales modifient leurs taux directeurs pour agir sur la croissance ou l’inflation. Une hausse des taux permet de ralentir l’évolution des prix et de l’économie, quand une baisse des taux tend à redynamiser la croissance (en rendant les emprunts moins coûteux, pour investir, consommer ou placer) et tend à réduire l’inflation. Le caractère stimulant, ou non, des taux d’intérêts se mesure en général en les comparant au niveau de la croissance nominale du PIB (croissance + inflation). En passant à 2,75% son taux directeur, la BCE le rend un peu plus accommodant, puisque le PIB nominal progresse d’un peu plus de 3%, mais de manière encore très modérée sachant que la croissance est fortement retombée dès 2023. La priorité donnée à la maitrise de l’inflation pousse la BCE à fixer des taux souvent trop élevés pendant un peu trop longtemps, comme c’est le cas depuis les débuts de l’euro

 En fait, cette très légère pression sur l’accélérateur ne se transmet bien à l’économie que quand elle se traduit par une baisse concomitante des taux longs, ce qui est le cas la plupart du temps, les économistes ayant montré une très forte corrélation entre taux directeurs et taux longs. Mais si les taux courts sont passés de 4% en juin 2024 à 2,75% aujourd’hui, les taux longs n’ont pas suivi. En juin 2024, les taux à 10 ans de la France tournaient autour de 3,2%. Ils sont aujourd’hui autour de 3,4%. Il en va de même pour l’Allemagne, où les taux à 10 ans étaient alors autour de 2,5%, comme aujourd’hui. Les taux à 10 ans italiens, eux, ont baissé de 3,9 à 3,6%. La courroie de transmission entre les taux directeurs de la banque centrale et les taux longs auxquels empruntent les Etats ne fonctionne pas comme d’habitude.

 La raison est simple : parallèlement, la BCE a démarré en 2022 un programme de durcissement quantitatif, qui consiste à ne pas racheter les titres de dettes souveraines rachetées précédemment, lorsqu’ils viennent à échéance. D’abord partiel, depuis le 1er janvier, il est systématique aujourd’hui. Ce choix, fait dans d’autres pays, et qui s’explique par les règles européennes, affecte profondément le marché des dettes souveraines et les taux auxquels les États empruntent. En effet, cela produit à la fois une baisse de la demande, et une augmentation de l’offre (puisqu’une partie n’est plus thésaurisée dans les coffres des banques centrales), poussant à la hausse les taux auxquels les Etats empruntent. Bref, si la baisse des taux directeurs est un modeste coup d’accélérateur, le coup de frein de la démonétisation est beaucoup plus fort, au point de casser la transmission de la baisse des taux directeurs aux taux longs.

 Ce faisant, alors même que la zone euro se porte mal, avec l’Allemagne dont le PIB a reculé pour la deuxième année, et une France proche de la récession (avec le recul du PIB au quatrième trimestre) et une inflation proche des objectifs, la politique de la BCE est encore une fois inadaptée au contexte économique et à contre-temps. A minima, le fort recul de la croissance et de l’inflation aurait dû mettre en pause la fin du programme de rachat partiel des dettes souveraines. Là, en réalité, l’action de la BCE en ce début d’année revient à freiner plus encore l’activité en poussant les taux longs à la hausse. Certes, la Fed fait de même, mais la croissance des Etats-Unis est forte, et les taux sont sensiblement inférieurs à la croissance nominale du PIB (4,25% vs 5,5%), indiquant une politique monétaire finalement accomodante.

 Encore une fois, la BCE prend une mauvaise décision. Outre le problème d’une politique taille unique pour des réalités très différentes (qui reste accommodante pour l’Espagne), c’est l’ensemble de la politique monétaire de la BCE qui est une véritable faute, en faisant un choix globalement restrictif alors que tout devrait pousser à une politique plus accommodante. Un nouveau carton rouge pour la BCE.

 


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12 réactions à cet article    


  • Octave Lebel Octave Lebel 8 février 13:32

    ► C’est pour cela qu’une réflexion en constante réactualisation a été conduite depuis longtemps et que ces sujets dans une véritable démocratie devraient être au cœur du débat public.Loin des comédies d’enfumage et de séduction nourries de farandoles de sondages sur-mesure auxquelles nous n’échapperons pas parce que nous avons un service public qui n’a pas les moyens d’être indépendant du pouvoir exécutif et le reste, parti, dans les mains d‘oligarques. L’heure est arrivée de changer tout cela si nous ne voulons pas encore être plus soumis et rendus impuissants.


    • Octave Lebel Octave Lebel 8 février 13:33

      Depuis soixante ans, l’Union européenne n’est pas une construction figée : c’est un espace politique fondé sur des rapports de force et des coopérations à géométrie variable. Nous utiliserons cette fois tout le poids de la France pour réaliser notre programme.

      https://programme.lafranceinsoumise.fr/programme2025/livre/chapitre17/s2

       

       En 2027, l’Union européenne sera à la croisée des tournants. C’est l’année durant laquelle le nouveau budget pluriannuel de l’Union européenne et la nouvelle Politique agricole commune devront être adoptés et le marché carbone étendu aux particuliers pour le logement et le transport. 2027 sera l’année pour remettre en cause des politiques qui nuisent aux peuples européens et à la planète.

      Certaines règles européennes sont aujourd’hui incompatibles avec la mise en œuvre de notre programme .Les traités de libre-échange s’opposent au protectionnisme écologique.La concurrence libre et non-faussée empêche la constitution de pôles publics et la sortie des biens communs du marché.Le carcan budgétaire nous enferme dans l’austérité et réduit notre capacité à investir dans la bifurcation écologique et sociale.La libre-circulation des capitaux nous empêche de reprendre le pouvoir sur le secteur financier.La politique agricole commune promeut un modèle contraire à une agriculture paysanne, biologique et respectueuse du bien-être animal.L’absence d’harmonisation sociale et la directive sur le travail détaché mettent en concurrence les travailleurs.L’impunité des paradis fiscaux européens menace nos recettes fiscales et le consentement à l’impôt.L’Europe de la défense nous enferme dans les velléités belliqueuses de l’OTAN.Le statut de la Banque centrale européenne (BCE) nous oblige à mettre l’État dans la main des marchés financiers pour nous financer.Nous avons une stratégie complète pour lever ces blocages avec une méthode de gouvernement fondée sur le respect de la volonté populaire et l’esprit de coopération internationale.

      D’une part, nous proposons aux États et aux peuples européens la rupture concertée avec les traités actuels (plan A). Cela passera par la négociation de nouveaux textes compatibles avec les urgences climatiques et sociales et soumis à un référendum du peuple français pour approbation. Nous proposerons notamment :

      – la récupération par les États de leur souveraineté budgétaire ;

      – la modification du statut de la BCE ;

      – la mise en place de règles d’harmonisation sociale et écologique à l’intérieur de l’Union ;

      – la mise en place d’un protectionnisme écologique ;

      – le droit pour les États de venir en aide à des entreprises ou à créer des monopoles publics dans des secteurs stratégiques ;

      – le droit à l’eau comme droit fondamental pour tous les Européens.

      Nous appliquerons dans tous les cas immédiatement notre programme au niveau national en assumant la confrontation avec les institutions européennes (plan B). Nous utiliserons pour cela tous les leviers pour faire valoir notre position au Conseil européen et désobéirons aux règles bloquantes à chaque fois que c’est nécessaire.Ces deux stratégies s’alimentent mutuellement : c’est en agissant en éclaireur que nous pourrons entraîner les autres peuples européens !


      • Octave Lebel Octave Lebel 8 février 13:34

        Suite :

        Utiliser tous les leviers d’action face aux institutions européennes Désobéir à chaque fois que c’est nécessaire pour mettre en œuvre notre programme

        La France est loin d’être démunie. Nous n’hésiterons pas à mobiliser si nécessaire tous nos leviers d’action : Utiliser le droit de veto de la France, par exemple pour refuser tous les nouveaux accords de libre-échange (avec le Mercosur, y compris révisé, le Chili, le Mexique, l’Inde, l’Indonésie, le Kenya, l’Australie, les Philippines, la Thaïlande, etc.) et tout nouvel élargissement sans harmonisation sociale, fiscale et environnementale préalable.Conditionner la contribution française au budget de l’Union européenne.Construire de nouvelles coopérations approfondies avec les États qui le souhaitent en matière sociale, écologique, culturelle, éducative, scientifique, etc.Déclencher la mobilisation citoyenne avec nos alliés politiques et la société civile en Europe pour augmenter l’autorité de nos points de vue.

        Dans le même temps, nous désobéirons aux règles européennes incompatibles avec l’application de l’Avenir en commun. Et nous avons des outils pour le faire :

        Abroger les accords de libre-échange en vigueur (comme avec la Nouvelle-Zélande, le Canada, le Japon)

        Cesser d’appliquer unilatéralement les normes incompatibles avec nos engagements écologiques et sociaux telles que la directive sur le détachement des travailleurs, les règles budgétaires, les règles de la concurrence, la libre circulation des capitaux

        Suspendre la participation (opt-out) de la France à certains programmes comme l’Europe de la défense et s’opposer à la reconduction d’un Commissaire européen à la Défense dont le poste participe à l’édification d’une Europe de la guerre

        Utiliser les contradictions entre les règles européennes et nos engagements internationaux sur le climat ou le travail pour faire primer les normes les plus exigeantes

        Réaffirmer la supériorité des principes fondamentaux inscrits dans la Constitution de la 6e République sur le droit européen et instaurer un principe de non-régression écologique et sociale : aucune norme européenne ne peut s’appliquer si elle est moins ambitieuse qu’une norme nationale sur le plan social ou écologique

        Notre logique est simple. Tant qu’un accord de changement des traités n’est pas acquis, nous discutons avec nos partenaires et désobéissons aux règles bloquantes en parallèle. En cas d’accord, il sera soumis encore à référendum.

         

         

         


        • Seth 8 février 14:26

          @Octave Lebel

          Pfffft... quand allez vous vous décider enfin à raccourcir vos épitres en rafale ?


        • cevennevive cevennevive 8 février 14:45

          @Seth, bonjour,

          Sans compter qu’il obtient l’effet inverse des idées qu’il voudrait nous faire adopter...


        • Seth 8 février 15:22

          @cevennevive

          Il est contreproductif en rendant une image exécrable.


        • Octave Lebel Octave Lebel 8 février 19:53

          @Seth@cevennevive

          Bande de pauvres clowns tristes et péteux. 

          Une jolie complicité attendrissante.

          Qu’est-ce qui est exécrable pour reprendre votre vocabulaire ? Ceux qui travaillent, réfléchissent, proposent leur travail à la réflexion et à la critique ou ceux qui ne prennent jamais le risque de proposer quoique ce soit clairement et qui soit un peu solidement documenté (c’est si difficile que cela ?) mais qui dénigrent en cherchant à abuser le lecteur pressé tout ce qui révèle la supercherie et connivence de la droite et de l’extrême-droite qui ont tant besoin de diviser les classe moyenne et populaire. Une marque de fabrique comme signature partagée.

          Surtout, ne changez-rien smiley


        • Octave Lebel Octave Lebel 8 février 20:26

          @Octave Lebel

          Allez ? Soyons un peu perfectionniste (pour deux) smiley

          « mais qui dénigrent en cherchant à abuser le lecteur pressé tout ce qui risque d’informer, de faire réfléchir et de révéler la supercherie et connivence de la droite et de l’extrême-droite qui ont tant besoin de diviser les classe moyenne et populaire. »


        • Eric F Eric F 10 février 13:38

          @Octave Lebel
          ’’désobéir aux traités’’ est illégal et inconstitutionnel, par contre faire jouer des clauses d’exception et de sauvegarde pour l’intérêt national, et à l’extrême dénoncer certains traités -comme le marché européen de l’électricité, le pacte de Marrakech, ou le commandement intégré de l’OTAN par exemple est à mettre en application.
          On se met des boulets au pieds quand le reste du monde s’exonère de ces contraintes.


        • Seth 8 février 14:27

          De puis qu’elle a recyclé la lagarde, le BCE est devenue « négligente ».  smiley


          • Panoramix Panoramix 8 février 18:51

            ’’mettre en pause la fin du programme de rachat partiel des dettes souveraine’’

            Donc reprendre le rachat partiel des dettes souveraines. Mais on a vu que les liquidités restent à tourner sur le marché financier, sans ’’ruisseler’’ sur l’économie vraie. Mieux vaudrait que la BCE finance directement un programme d’investissement.


            • https://www.eclaireur.eu/p/leu-veut-un-choc-de-simplification

              C’est la panique et ça se voit. Mme von der Leyen veut réduire la folie administrative ? Simple.

              Pour gérer une union douanière et mener des politiques communes, nous n’avons pas besoin de la Commission européenne, du Parlement européen et de la Cour de justice de l’UE.

              L’Union européenne est une organisation intergouvernementale, pas un Etat souverain.

              C’est d’ailleurs ce que vient de rappeler brutalement l’administration Trump, qui refuse d’avoir affaire aux eurocrates et n’échange qu’avec les chefs d’Etat et de gouvernement des pays membres.

              Première illustration avec l’ineffable Kaja Kallas, haute représentante de l’UE pour les relations extérieures et la sécurité. Elle a lancé formellement une invitation à Marco Rubio, le nouveau secrétaire d’Etat américain, restée lettre morte. Il ne lui a accordé qu’un entretien téléphonique par politesse après s’être entretenu avec les premiers ministres polonais et baltes pour leur intimer l’ordre de baisser le ton avec la Russie.

              Prenons l’euro, la monnaie unique.

              Dans le genre politique commune, on ne fait pas plus “impactant”. La politique monétaire de la zone euro est gérée par l’Eurogroupe et le conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne.

              Pas par la Commission européenne.

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