Les leçons du passé
Chaque crise économique et financière amène avec elle son lot de comparatifs par rapport aux crises l’ayant précédé. Ainsi, la crise des subprimes a-t-elle souvent été comparée par son ampleur et ses conséquences à la grande dépression des années 30. Pourtant, alors que la réaction initiale de la Fed avait été d’éviter l’erreur monumentale des années 30 en réduisant très substantiellement ses taux d’intérêts, il serait de nos jours plus judicieux - maintenant que le spectre de l’inflation se précise sérieusement - de tracer un parallèle avec la stagflation des années 70.
De fait, toute la chaîne des professionnels - du gouverneur de banque centrale au simple observateur avisé - tentent d’analyser les différentes erreurs du passé dans le but de réagir autrement à l’aune de la dernière crise en date...Pourtant, l’histoire - même économique et financière - ne se répète pas car les divers intervenants sont précisément tenus en alerte par les erreurs du passé ! Les laborantins peuvent renouveler éternellement leurs expériences sur les molécules, les physiciens sur les atomes, le banquier central, lui, ne peut se permettre de commettre deux fois la même erreur...
Ainsi, l’erreur majeure de la Réserve Fédérale US avait-elle consisté à ne pas honorer en 1930 ses responsabilités de "prêteur en dernier ressort " ayant abouti à la déliquescence financière que l’on connaît avec, à la clé, une baisse généralisée des prix de près de 25% en quatre ans à partir de 1929. Effectivement, la crise ayant précipité une réduction généralisée de la consommation, les prix des matières premières - y compris ceux du pétrole - se mirent à dégringoler, mettant en grande difficultés toute la chaîne des producteurs.
De plus, comme l’étalon Or définissait une parité fixe du billet vert vis-à-vis des autres devises, la déflation sévissant aux Etats-Unis put ainsi être exportée vers l’étranger et, comme la consommation américaine s’effondrait, les monnaies de ces autres pays devenaient du coup sur évaluées...Forcés de relever leurs taux d’intérêt respectifs en pleine période de déflation, ces pays contribuèrent à amplifier la déflation aux Etats-Unis et, de fait, ce n’est qu’après avoir aboli la parité fixe vis-à-vis du dollar que leur devises respectives purent enfin librement se déprécier, contribuant au passage à juguler la déflation.
La Fed et ses dirigeants connaissent bien cette histoire. Du reste, la Fed a fort bien rempli son rôle de "prêteur en dernier ressort ", Bear Stearns, Freddie Mac et les autres peuvent l’attester. En fait, elle a trop bien appris sa leçon car son attitude extrêmement agressive l’a conduit à assouplir parfois de manière dramatique sa politique monétaire tout en accordant d’énormes facilités de crédit aux institutions financières. Cet océan de liquidités généreusement prodigué par la Réserve Fédérale US a néanmoins favorisé l’inflation à domicile mais a surtout provoqué une accélération fâcheuse de l’inflation importée dans les pays - notamment en Asie - ayant lié leur propre devise au dollar.
Ainsi, en lieu et place d’importer la déflation comme dans les années 30, certains pays se mirent à importer bien involontairement de l’inflation quand au même moment leur devise devenait sous évaluée ! Enfin, last but not least, au fur et à mesure de la baisse de leurs taux d’intérêts réels, ces mêmes pays exportent à présent en retour de l’inflation vers les Etats-Unis. Alors que dans les années 30, la déflation généralisée avait provoqué une dégringolade des matières premières - et avec eux des pays exportateurs de ces denrées -, voilà que l’on assiste actuellement au phénomène inverse, les pays producteurs étant à l’évidence les premiers bénéficiaires...
Les pays d’Asie et autres pays émergents doivent donc impérativement remonter leur taux d’intérêts afin de combattre cette inflation et encourager à l’appréciation de leurs monnaies par rapport au dollar pour lutter contre l’inflation importée des Etats-Unis. La situation de la Fed est hélas nettement plus périlleuse car la récession menace si elle monte ses taux alors que, dans le cas contraire, elle risque fort de décevoir les attentes et la confiance du marché avec, à la clé, l’effondrement du billet vert.
On dit que le Président Franklin D. Roosevelt définissait tous les matins la parité du dollar au lit en prenant son petit-déjeuner. Les responsables américains n’ont pas ce luxe de nos jours, ils ne peuvent que tirer des enseignements des erreurs commises par leurs prédécesseurs.
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