Les médias se trompent : la crise défait l’Europe de Bruxelles
Les médias français sont unanimes sur ce point : la crise renforce l’Europe de Bruxelles. Elle aurait même permis la naissance de "l’Europe politique".
Il n’en est rien. La crise ne profite pas à l’Europe de Bruxelles.
Au contraire, elle la défait méthodiquement par un mécanisme de cause à effet simple à comprendre : la mondialisation libérale en crise entraîne dans sa chute l’ensemble de ses "produits dérivés", à commencer par sa fille aînée, l’Union européenne.
Est-ce à dire que le Système au pouvoir est capable d’adaptation et qu’on peut attendre de lui une réforme en profondeur de l’Europe ?
En réalité non. Si les choses bougent un peu, c’est par pure nécessité, et sous la pression des événements, plus dramatiques les uns que les autres. Les dirigeants au pouvoir depuis 25 ans n’ont rien vu venir, ne réforment que timidement, et reprendront vite leurs mauvaises habitudes une fois le gros de l’orage passé.

Politique de la concurrence, rigidité budgétaire, règles de TVA, tout y passe. Peu à peu, l’ensemble des dogmes libéraux qui constituent l’armature des Traités européens sont remis en cause, sous l’effet de la crise.
Hier, on demandait à la Commission européenne d’être beaucoup moins regardante sur les règles de la concurrence. Aujourd’hui, on annonce d’importants plans de relance nationaux qui supposeront, de l’aveu même de François Fillon, de "mettre entre parenthèses les règles du Pacte de stabilité" et de "lever les contraintes qui pèsent sur les acteurs publics".
Les baisses sectorielles de TVA, actuellement à l’étude, devront aussi déroger aux principes communautaires, qui interdisent qu’un Etat membre avance de son propre chef sur le sujet (Traités CE).
Ce sont des pans entiers du droit communautaire qui sont remis en cause, expliquant l’atmosphère très morose qui règne depuis quelques temps dans les couloirs de la Commission de Bruxelles...
Les médias français peuvent tenter d’imposer une autre grille de lecture, les faits sont têtus.
La prétendue "relance européenne de 200 milliards d’euros déclinée en plans nationaux" à l’ordre du jour depuis peu n’est rien d’autre que l’addition de relances nationales qui ne sont d’ailleurs pas fondées sur les mêmes instruments : baisse massive de la TVA en Angleterre, soutiens sectoriels en France et en Allemagne, et pas grand chose ailleurs.
De la même manière, la rencontre des 27 chefs d’Etat et de gouvernement il y a quelques semaines à Paris pour décider de mesures de soutien aux banques a été unaninement saluée par la presse française comme "l’acte de naissance de l’Europe politique".
Il n’y avait pourtant rien de moins fédéral que cette réunion qui a au contraire affirmé la prédominance des Etats nations et de la coordination sur un mode intergouvernemental. La présence du président de la Commission José Manuel Barroso n’aura pas suffi à faire illusion.
En réalité, il n’y a rien d’étonnant à l’effacement des règles de contrainte bruxelloises et à l’affermissement du rôle des Etats.
Comme nous l’écrivions au début de la crise, l’Europe de Bruxelles s’est construite sur le modèle de la mondialisation débridée. Elle en a épousé tous les principes phares : culte de la concurrence généralisé, du libre-échange et des marchés financiers. Cette crise est donc la sienne aussi.
A contrario, les acteurs contre lesquels elle s’est bâtie, les Etats nations, voient leur rôle remis au devant de la scène, demeurant les seuls cadres possibles d’une nécessaire régulation.
La crise aurait-elle donc eu pour effet positif de régler des problèmes dénoncés depuis longtemps ?
Malheureusement non. Si le Système au pouvoir a dû un peu bouger, il ne l’a fait que timidement, tardivement, et sous la pression de la nécessité. Pire, tout laisse penser qu’il reprendra ses mauvaises habitudes si la crise passe.
Les règles européennes aujourd’hui remises en cause sont encore dans les Traités. La Commission sautera sur la moindre occasion pour récupérer une parcelle de pouvoir en les appliquant à nouveau.
Rien n’a été fait concernant la politique monétaire, et les effets néfastes de l’indépendance de la BCE et de l’euro.
Rien non plus au sujet du libre-échange généralisé, et aucune réflexion sur le protectionnisme national et européen.
Ces règles européennes sont extrêmement nocives en période de crise et expliquent largement son déclenchement, mais elles sont tout aussi détestables en temps normal.
Aujourd’hui, François Fillon annonce que "nous allons investir sur l’industrie automobile pour qu’elle soit en mesure de produire, dans un deuxième temps, les véhicules du futur (...), les véhicules électriques, hybrides, qui nous permettront d’être en bonne position sur les marchés internationaux".
Très bien. Mais demain ?
Quand le gros de la crise sera passé, pourquoi ne serait-il pas tout autant légitime et utile de mener une politique industrielle digne de ce nom ?
Que ferons-nous quand, de nouveau, les règles absurdes des Traités européens s’appliqueront sous le contrôle attentif des services de la Commission ?
Ce qui est perçu comme négatif pendant la crise l’était déjà hier, quand sans attendre la crise nous nous enfonçions dans la précarité, et le sera de nouveau demain.
Il faut donc profondément et durablement changer les règles du jeu. Au niveau européen, et au niveau mondial.
Il ne faut pas simplement agir sous pression de la crise, à contre-coeur, mais de façon réfléchie, globale et cohérente.
En d’autres termes, et pour reprendre l’expression de François Fillon, le Pacte européen de stabilité n’a pas besoin de parenthèses, mais d’un point final.
Le Système UMPS Modem ne semble pas disposé à le faire. Son logiciel idéologique, totalement déboussolé depuis quelques semaines, le lui interdit.
Car, finalement, la crise de la mondialisation libérale est la crise de l’Europe de Bruxelles, mais c’est aussi la crise de ce Système. Que l’un tombe, et les autres suivront.
http://www.levraidebat.com
20 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON