Les raisons de la panne de l’offre
La crise financière masque les problèmes structurels de l’économie française et la panne de l’offre de l’appareil de production français.
La question centrale est comment rendre compatible l’exigence sociale, la productivité, l’imagination créatrice et la prise en compte de la différence, vecteur-clé de la conduite du changement dans l’entreprise.
Je vais tâcher ici de sortir de notre rhétorique traditionnelle sur cette question. La panne de la recherche, la panne du système éducatif, le détournement de la formation professionnelle au profit de quelques-uns seraient la faute à la droite. La droite serait le mal absolu. La belle affaire !
Un problème de répartition !
Le glissement de la valeur ajoutée vers les plus riches engendre un gonflement de la bulle spéculative. Quand on a tout, l’argent ne sert plus à rien ! A quoi sert d’acheter une maison supplémentaire lorsqu’on en dispose déjà de plusieurs ? A quoi sert l’immobilisation de yachts dans les ports de plaisance ? A quoi sert de regarder, d’un œil distrait, un portefeuille d’actions se gonfler puis se dégonfler brutalement ? En 2007, les 500 familles françaises les plus riches se sont enrichies de 80 milliards d’euros supplémentaires par rapport à 2006. C’est un peu moins de sept fois la valeur du déficit de l’assurance santé en 2007. Il y a là des éléments d’explication de la faiblesse de l’investissement productif. Que dire des niches fiscales qui, pour la plupart, ne sont que des caisses de résonance au problème structurel de l’allocation des ressources ?L’organisation du sous-prolétariat
Le système d’allégement de cotisations sociales patronales pour les salaires entre 1 et 1,6 fois le Smic constitue une trappe à bas salaire. La mise en place du RSA - cautère social sur une société malade - est un dispositif renforçant la généralisation du temps partiel et le développement des travailleurs pauvres. Nous construisons des mécanos qui accompagnent le processus de descendeur social. Dans la mise en place de ces dispositifs visant à alléger l’assurance chômage, les socialistes ont aussi hélas une grande part de responsabilité. Or, cette politique de bas salaires est-elle compatible avec l’expression de la motivation et la libération nécessaire des énergies créatrices au sein de l’entreprise ?L’entreprise dirigée à la schlague
Marie Pezé, psychanalyste, parle du monde du travail en ces mots. "Dans toutes les catégories socio-professionnelles, l’idéologie managériale qui prévaut aujourd’hui est cynique et banalise la brutalité dans les rapports sociaux. Elle institue une organisation du travail qui casse les solidarités, isole le salarié. Il s’agit de techniques de management pathogènes, fondées sur la peur, l’évaluation constante du salarié, la pression, des entretiens menés comme des interrogatoires." Elle évoque l’épuisement de ce modèle de management et les risques. "Je crains même que la violence prenne de nouvelles formes et qu’au lieu de la retourner contre eux les salariés en détresse ne la retourne contre leurs outils de production, voire contre la direction. J’ai entendu des patients évoquer un désir de sabotage." Nous sommes dans la culture du résultat, là où nous devrions nous poser la question des moyens pour atteindre les objectifs. Nous utilisons la concurrence là où nous devrions mettre en place les mécanismes coopératifs et solidaires au sein de l’entreprise. Nous favorisons le moi surpuissant contre le nous. Nous apprenons à apprendre la défiance et son corollaire : la peur.Le refus de la diversité
En favorisant l’accueil du handicap, les pays du Nord acceptent le regard de l’autre et mettent en place d’autres méthodes de travail. Les handicapés nous amènent à repenser le poste de travail, les processus, les flux des personnes et des biens dans les bâtiments. L’acceptation du handicap nous enrichit là où nous croyons culturellement, en France, qu’il nous appauvrit ! Cette acceptation de l’autre - ou ce refus de l’autre - s’exprime également au travers du dialogue social. Le syndicalisme de protestation, majoritaire en France, n’est pas de nature à changer la représentation du patronat français. Seuls à décider des orientations et investissements stratégiques, les directoires des groupes traversés par les trajectoires individuelles et le carriérisme favorisent une vision conservatrice de l’entreprise là où la participation syndicale favoriserait la nécessaire conduite du changement dans un monde en mouvement perpétuel.La destruction de la créativité
La peur de perdre son emploi fait que l’innovation sur les processus est aujourd’hui complètement bloquée. Là où, dans les années 50-60-70, les salariés étaient récompensés pour la mise en œuvre de procédés astucieux, les idées sont aspirées par un encadrement sous pression. Par absence de reconnaissance, les innovateurs n’ont alors plus aucun intérêt à "donner" leurs idées. Comme l’augmentation de la productivité peut, dans une conjoncture parfaitement atone, être à l’origine de la suppression d’emplois, la diminution des coûts devient la rhétorique managériale universelle. Elle justifie, en grande partie, les délocalisations qui, du point de vue patronal, sont loin d’être la panacée. Dans de nombreux secteurs, du fait de la faible productivité, les entreprises se relocalisent ! La diminution du temps de travail a renforcé l’intensité du travail. Champions mondiaux de la productivité dans les années 2000, nous avons décroché. Il est temps de remettre la question de la productivité au cœur de la question de la panne de l’offre de l’appareil de production français. Il faut aussi trouver des réponses urgentes aux impacts néfastes de la productivité sur les conditions de travail. Il ne peut pas y avoir d’accroissement de richesses sans augmentation de la productivité.Crédit photo : leblogauto
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