Vous commencez l’entrée en matière de votre billet en lançant le mot « complotiste ». C’est très mal commencer la chose.
Ce genre de terme se veux disqualifiant, comme le mot « fasciste » ou « bougnoule », et constitue de facto un anathème par amalgame. A la Révolution, les « patriotes » (les pères fondateurs) jetait le mot « démocrate » à leurs opposants politiques, avec la même volonté de disqualifier.
J’ai participé à la discussion avec Magali et Liior, mais je ne partage pas leurs conclusions, qui ne constitue nullement la démonstration que cette loi ne constituerait pas le point de départ d’un piège juridique pour entraîner l’état dans une dette perpétuelle, ce qu’à l’évidence, elle a fait.
La chose et le procédé ne sont pourtant pas neuf ! Et de toute évidence, constitue sans aucun doute un complot. Après la révolution de Juillet 1848, le banquier libéral Laffitte trahit le secret de la Révolution lorsqu’il conduisit en triomphe son compère le duc d’Orléans à l’Hôtel de ville, en laissant échapper ces mots : « Maintenant, le règne des banquiers va commencer. »
« La
pénurie financière mit, dès le début, la
monarchie de Juillet sous la dépendance de la haute
bourgeoisie et cette dépendance devint la source inépuisable
d’une gêne financière croissante. Impossible de
subordonner la gestion de l’État à l’intérêt
de la production nationale sans établir l’équilibre du
budget, c’est-à-dire l’équilibre entre les dépenses
et les recettes de l’État. Et comment établir cet
équilibre sans réduire le train de l’État,
c’est-à-dire sans léser des intérêts qui
étaient autant de soutiens du système dominant, et sans
réorganiser l’assiette des impôts, c’est-à-dire
sans rejeter une notable partie du fardeau fiscal sur les épaules
de la grande bourgeoisie elle-même ?
L’endettement
de l’État était, bien au contraire, d’un intérêt
direct pour la fraction de la bourgeoisie qui gouvernait et
légiférait au moyen des Chambres. C’était
précisément le déficit de l’État, qui
était l’objet même de ses spéculations et
le poste principal de son enrichissement. A la fin de chaque année,
nouveau déficit. Au bout de quatre ou cinq ans, nouvel
emprunt. Or, chaque nouvel emprunt fournissait à
l’aristocratie une nouvelle occasion de rançonner
l’État, qui, maintenu artificiellement au bord de la
banqueroute, était obligé de traiter avec les banquiers
dans les conditions les plus défavorables. Chaque nouvel
emprunt était une nouvelle occasion, de dévaliser le
public qui place ses capitaux en rentes sur l’État, au moyen
d’opérations de Bourse, au secret desquelles gouvernement et
majorité de la Chambre étaient initiés. En
général, l’instabilité du crédit public
et la connaissance des secrets d’État permettaient aux
banquiers, ainsi qu’à leurs affiliés dans les Chambres
et sur le trône, de provoquer dans le cours des valeurs
publiques des fluctuations insolites et brusques dont le
résultat constant ne pouvait être que la ruine d’une
masse de petits capitalistes et l’enrichissement fabuleusement rapide
des grands spéculateurs. »
«
Le
Gouvernement provisoire pouvait, sans recourir à la violence
de façon légale, acculer la Banque à la
banqueroute ; il n’avait qu’à observer une attitude
passive et à abandonner la Banque à son propre sort. La
banqueroute de la Banque, c’était le déluge
balayant en un clin d’œil du sol français l’aristocratie
financière, le plus puissant et le plus dangereux ennemi de la
République, le piédestal d’or de la monarchie de
Juillet. Une fois la Banque en faillite, la bourgeoisie était
obligée de considérer elle-même comme une
dernière tentative de sauvetage désespérée
la création par le gouvernement d’une banque nationale et la
subordination du crédit national au contrôle de la
nation.
Le
Gouvernement provisoire, au contraire, donna cours forcé
aux billets de banque. Il fit mieux. Il transforma toutes les banques
de province en succursales de la Banque de France, lui
permettant de jeter son réseau sur le pays tout entier. Plus
tard, il engagea auprès d’elle les forêts domaniales
en garantie de l’emprunt qu’il contracta envers elle. C’est ainsi
que la révolution de Février consolida et élargit
directement la bancocratie qu’elle devait renverser.
Entre-temps,
le Gouvernement provisoire se tordait sous le cauchemar d’un déficit
croissant. C’est en vain qu’il mendiait des sacrifices patriotiques.
Seuls, les ouvriers lui jetèrent leur aumône. Il fallut
recourir à un moyen héroïque, à la
promulgation d’un nouvel impôt. Mais qui imposer ? Les
loups-cerviers de la Bourse, les rois de la Banque, les créanciers
de l’État, les rentiers, les industriels ? Ce n’était
point là un moyen de faire accepter en douceur la République
par la bourgeoisie. C’était, d’un côté, mettre en
péril le crédit de l’État et celui du commerce,
que l’on cherchait, d’autre part, à acheter au prix de si
grands sacrifices, de si grandes humiliations. Mais il fallait que
quelqu’un casquât. Qui fut sacrifié au crédit
bourgeois ? Jacques Bonhomme, le paysan.
Le
Gouvernement provisoire établit un impôt additionnel de
45 centimes par franc sur les quatre impôts directs. La presse
gouvernementale essaya de faire accroire au prolétariat de
Paris que cet impôt affecterait de préférence la
grosse propriété foncière, les possesseurs du
milliard octroyé par la Restauration. Mais, en réalité,
l’impôt atteignit avant tout la classe paysanne,
c’est-à-dire la grande majorité du peuple français.
Ce sont les paysans qui durent payer les frais de la révolution
de Février, c’est chez eux que la contre-révolution
puisa son principal contingent. L’impôt de 45 centimes, c’était
une question de vie ou de mort pour le paysan français,
il en fit une question de vie ou de mort pour la République.
La République, pour le paysan français, ce fut
désormais l’impôt des 45 centimes, et dans le
prolétariat de Paris, il vit le dissipateur qui prenait du bon
temps à ses frais. »
Morpheus