Nicolas Sarkozy, l’Europe et l’Euro
La France est incapable de respecter ses engagements européens en terme de réduction des déficits publics (retour à un excédent après 2010). Se pliera-t-elle finalement aux exigences de ses partenaires ou fera-t-elle fausse route toute seule ? Contexte et enjeux d’un conflit d’interêts potentiellement dangereux.

C’est l’histoire de 13 pays qui, après un passé conflictuel, ont choisi d’avoir un futur commun. 13 pays qui partageant aujourd’hui une même monnaie : l’euro. 13 pays qui, après quelques années de croissance molle et les déficits élevés qui vont avec, connaissent depuis 2006 une croissance forte et des déficits qui se réduisent. D’ailleurs, en avril à Berlin, les 13 se sont à l’unanimité engagés à ramener leurs finances à l’équilibre en 2010. Tous les 13 devraient y arriver... ah non, 12 (la belle histoire s’arrête là) : un petit village gaulois résiste encore et toujours à la raison ("l’envahisseur" ?) !
Les 13 se sont retrouvés vendredi dernier à Porto, pour voir où ils en étaient par rapport à cet objectif. La France, c’est-à-dire Nicolas Sarkozy représenté pour l’occasion par Christine Lagarde, a présenté deux scénarios : un optimiste (2,5 % de croissance => retour à l’équilibre en 2012) et un totalement farfellu (3 % de croissance => retour au quasi-équilibre en 2010). Face à ses projections peu réalistes et donc peu convaincantes, les ministres des Finances des 12 autres pays de la zone euro ont exorté la France à réduire ses dépenses publiques puisque, vu le niveau des prélèvements obligatoires actuels, on ne peut pas les augmenter.
Face à eux, Nicolas Sarkozy représente son électorat (attention, je risque de légèrement caricaturer) : les Français aux tempes grisonnantes qui ne connaissent rien à l’économie, qui n’ont que faire du long terme (ils adorent la maxime de Keynes "A long terme on sera tous morts") et qui ont élu Sarkozy uniquement pour que les jeunes travaillent plus, tout ça pour assurer le paiement des généreuses retraites et des soins complets qu’on leur a promis, ainsi que la prolongation - pour quelques années de plus - des services publics obsolètes qu’ils aiment tant.
On a donc un clash évident entre les Français très heureux de leur déficit de 2,5 % du PIB et le reste de l’Europe qui veut profiter de ces belles années de croissance pour mettre des noisettes de côté pour plus tard (la cigale et la fourmi). Comment cela peut-il se résoudre ? Je vois deux scénarios.
Scénario rose : les dirigeants européens et français font preuve de pédagogie (aidés en cela par des experts et autres grands hommes indépendants : économistes, président du MoDem ou nouveau président du FMI par exemple), expliquent que c’est la réduction des déficits qui est la bonne solution et que cela passe par un amaigrissement de l’administration française. Dans la partie la plus rose du scénario, les Français seraient d’accord et les syndicats soutiendraient même ces avancées... Je vous l’accorde, ce scénario a peu de chances de voir le jour, donc...
Scénario noir : Sarkozy, face à son déficit qui repassera la barre des 3 % du PIB et aux sanctions européennes qui l’accompagneront, caresse son électorat dans le sens du poil, aidé par les démons nationalistes de Villiers et Le Pen qui en seront ravis, en soutenant l’argumentation suivante : "la politique de hausse des taux de la BCE, qui entraîne la hausse de l’Euro, et de réduction des déficits publics (associé pour l’occasion à "démantèlement des services publics") ne convient pas à la France ; nous devons donc sortir de la zone euro, dévaluer le franc, pour y revenir peut-être plus tard une fois la dette réduite et la compétitivité en apparence restaurée".
Cette argumentation simpliste plaira sans doute à nombre de Français, alors que les conséquences désastreuses de ce choix (baisse du pouvoir d’achat, hausse des taux d’interêts sur la dette publique, hausse des risques cycliques de récession, hausse des risques de change, perte de confiance des investisseurs étrangers pour la France ; sortie de l’Italie de l’euro aussi et risque d’un abandon complet de la monnaie unique à terme pour l’Europe) sont beaucoup plus compliquées à appréhender.
Espérons que la réalité se situera plus près du scénario rose que du noir.
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