Pour que le plan de relance ne soit pas une politique passive
De nombreux griefs sont formulés à l’encontre du plan de relance décidé par le gouvernement, au premier rang desquels l’adoption d’une politique de l’offre au détriment d’un encouragement de la demande. Mais dans un contexte de libre-échange, on ne peut négliger les phénomènes de contagion. Les politiques économiques de relance ne peuvent plus être globales, elles se doivent d’être ciblées. Et compte tenu de la profonde restructuration de l’économie mondiale engendrée par la crise, les gouvernements occidentaux ont la lourde tâche de jongler habilement entre mesures thérapeutiques et vision stratégique à moyen-terme.
Concevoir la relance : pas si facile !
Deux raisons essentielles peuvent avoir, à juste titre, incité nos décideurs à privilégier le soutien à l’industrie. D’abord, hors inflation, le niveau des revenus salariaux est garanti en France, et le ralentissement de la consommation tient davantage au pessimisme ambiant qu’à une baisse substantielle du pouvoir d’achat. L’indice des prix à la consommation a même légèrement reculé à la fin de l’année 2008. La seconde raison tient au fait qu’une injection d’argent supplémentaire au profit de la demande se traduirait probablement par une fuite de revenus vers les pays producteurs à bas coût. Or ce sont bien les marges de compétitivité des entreprises françaises qu’il convient de restaurer, avant qu’elles ne licencient davantage. Frappées par la crise de confiance des investisseurs, voire même par la faillite de certains d’entre eux, elles souffrent de répercussions notables sur leurs niveaux de trésorerie. Ce qui signifie pour nombre d’entre elles : cessation de paiement et risque de liquidation judiciaire. Le plan de relance, donc, doit être clairement distingué de la politique de traitement social du chômage, qui n’en sont pas moins tous deux complémentaires et urgents... C’est désormais l’épouvantail de la déflation qu’agite la BCE, et qu’elle seule semblerait à l’heure actuelle pouvoir endiguer. Une déflation, aussi timide soit-elle, aurait un effet catastrophique sur nos entreprises à deux points de vue : compression des marges d’une part, et baisse mécanique de la rentabilité financière des fonds propres d’autre part. De quoi dissuader encore bien des investisseurs potentiels. Le traitement de la crise actuelle est donc délicat à mettre en oeuvre pour le gouvernement, dont les marges de manoeuvre sont pour le moins réduites. L’étau se resserre constamment autour des prérogatives économiques de l’Etat. L’efficacité d’un plan de relance est grandement tributaire de la politique monétaire menée par la BCE, tandis que les mesures d’ordre budgétaire sont contraintes par l’édiction réglementaire de Bruxelles qui, malgré l’absence factuelle de convergence économique entre les états, revêt un caractère peu discriminant...
Restaurer les marges de compétitivité des entreprises
La relance par la demande est une mesure d’ordre purement conjoncturel. Or la crise financière a mis en exergue la vulnérabilité de la structure capitalistique des entreprises. Dans bien des cas, c’est la chute du prix des actifs qui met les sociétés cotées au bord du gouffre : les faillites de certains investisseurs spéculatifs et la dégradation des perspectives d’activité (dissuadant les banques d’émettre davantage de liquidités) privent de nombreuses entreprises de la trésorerie indispensable au maintien de leur niveau productif. Le cercle vicieux est enclenché, et les impayés conduisent les producteurs défaillants vers une inévitable liquidation judiciaire. Le blocage réside essentiellement du côté de l’offre, a fortiori dans les secteurs des biens de consommation et d’équipement nécessitant des approvisionnements à terme souvent coûteux. C’est en finançant l’activité productive, et en y maintenant un certain niveau de valeur ajoutée que la France préservera ses entreprises les plus performantes. Observons que ces dernières sont peut-être les plus en difficulté, dans la mesure où ce sont celles qui ont manifesté des besoins de financement importants induisant le recours à l’aide de certains fonds spéculatifs. La convoitise de ces investisseurs a souvent été attisée par l’internationalisation et le caractère stratégique de certaines PME innovantes.
Eviter que l’histoire ne se reproduise
C’est là que réside tout le sens du plan de relance initialement annoncé : sauver les entreprises affectées par des facteurs d’ordre purement financiers, pas celles souffrant d’une dégradation de leur niveau de demande. Un tel cas de figure traduirait plutôt un manque de viabilité de l’offre que les conséquences directes de la crise (hors équipement des ménages en biens durables peut-être, compte tenu des anticipations des consommateurs...). Intervenir dans le capital d’entreprises stratégiques est donc pour l’Etat un moyen de sécuriser leurs actifs, à plusieurs titres : éviter que des entreprises innovantes ou en forte croissance ne soient bradées à l’étranger, détruisant des emplois et provoquant des transferts de technologies stratégiques. Cette menace porte un nom : les fonds souverains. Ceux-ci ne connaissent pas vraiment la crise. Ils disposent encore d’un substantiel stock de liquidités provenant de l’excédent de leur balance commerciale ou de la rente procurée par l’exploitation de matières premières. Autrement dit, bien des technologies françaises ayant nécessité des investissements de long terme risquent d’être chinoises, russes ou qatariotes d’ici peu. Ce sont justement ces technologies à haute valeur ajoutée qui produiront les emplois de demain. Dès lors, le fonds stratégique d’investissement conjointement détenu par l’Etat et la CDC aura probablement un effet décisif sur les conséquences de la crise financière : il permettra de conserver dans le giron français les entreprises les plus saines, celles qui demain exporteront et contribueront fortement à l’accroissement de la richesse nationale par l’innovation.
En conclusion pourtant, deux éléments freinent l’adoption d’une attitude proactive de l’Etat en matière de relance. D’abord, la virulence du débat doctrinaire entre les tenants du libre-échange, de l’interventionnisme budgétaire, et du patriotisme économique, contraint le gouvernement à prendre en considération la relance par la demande, au risque de voir la confiance des ménages se détériorer davantage. Ensuite, il n’y a de fonds d’investissement « stratégique » que celui qui fait montre d’un certain degré de réactivité face aux évènements. Et on constate que malgré toutes les menaces qui pèsent sur nos entreprises, le fonds créé il y a bientôt deux mois n’a pour l’heure alloué que 1% de sa dotation...
Plus d’infos :
http://www.challenges.fr/magazine/analyse/0150.018212/le_fonds_strategique_peine_a_emerger.html
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