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Accueil du site > Actualités > Economie > Pourquoi la scission des banques est-elle nécessaire ?

Pourquoi la scission des banques est-elle nécessaire ?

La scission des banques, l’une des réformes les plus importantes à mener dans le quinquennat de François Hollande, petit tour d’horizon sur la question …

« Je séparerai les activités des banques qui sont utiles à l’investissement et à l’emploi, de leurs opérations spéculatives », proposition numéro 7 du programme aux présidentielles de François Hollande. Vous souvenez vous de cette promesse phare de la campagne de notre président actuel ? Cette proposition avait reçu un écho plus que favorable dans l’opinion populaire et ce, à juste titre.

Pourquoi cette scission est-elle nécessaire ?

Revenons-en aux fondamentaux bancaires, par définition une banque exerce trois types d’activités : les activités de dépôt (reçoit et gère les dépôts), les activités de prêt que ce soit pour les ménages ou les entreprises et enfin les activités en rapport avec le marché (placement boursier, ingénierie financière, etc.). On parle aujourd’hui de banque dite « universelle » car elle exerce ces activités en son sein.

Or, aujourd’hui cette banque universelle dispose d’une garantie publique, c’est-à-dire qu’en cas de problème comme une crise économique par exemple, l’Etat viendra en aide à celle-ci. Ainsi la banque est protégée de son activité financière sur le marché et peut donc prendre des risques maximum puisque celle-ci jouit de cette « garantie publique ». Une banque d’investissement est forcément plus rentable qu’une banque de détail puisque celle-ci prend des risques en investissant dans les marchés alors cette dernière se contentera simplement de gérer votre argent et éventuellement de vous consentir des prêts. Ainsi, une banque peut prendre des risques sur le dos des épargnants pour privatiser les bénéfices (les primes par exemple) mais nationaliser les pertes. Le risque est donc maximum pour l’épargnant alors qu’il n’a pas droit aux profits qui peuvent s’engendrer des activités de marchés. Enfin, en cas de perte financière voir de faillite des activités de marché, la chute de celles-ci entraine forcément la chute des autres ce qui fait qu’aujourd’hui nous sommes dans une période de grande insécurité. A ce titre, M.Prot avait déclaré en 2008 « Si AIG tombe, on est tous mort » …

Par conséquent, cette scission entre banque de dépôt et banque d’affaire permettrait de garder la garantie publique au profit des banques de dépôt qui elles, s’occupent de nos besoins quotidiens ce qui constitue un intérêt général tandis que la banque d’affaire ne devrait plus bénéficier de cette garantie puisqu’elle ne remplit pas une telle mission. Cette scission a donc pour but de sécuriser les deux milles milliards d’euros de dépôts des français dans les banques mais aussi indirectement de protéger le financement de l’Etat.

Quel système avions nous avant la banque universelle ?

La banque universelle est apparue en 1984, mais avant celle-ci comment faisions nous ? Eh bien il y avait une scission tout simplement ! Par une loi du 2 décembre 1945, le législateur a d’une part nationaliser la Banque de France mais aussi les banques de dépôt pour leur attribuée une garantie publique pour leur activité d’intérêt général, et d’autre part a instauré le grand principe de spécialisation bancaire. Ainsi, un établissement bancaire ne pouvait appartenir qu’à une des trois catégories que sont le dépôt, les affaires et le crédit. Chaque banque était donc spécialisée dans son domaine. Nous étions donc confrontés à un texte cohérent avec la situation économique et donc protecteur des particuliers et petites entreprises.

C’est le 24 janvier 1984 que cette loi, qui jusque-là n’avait jamais montrée d’insuffisance, fut abrogée par une autre loi présentée par le ministre de l’Economie et des Finances de l’époque M.Delors sous la gouvernance de M.Mitterrand au nom de « la modernité ». Cette loi eut donc pour effet de faire disparaitre la triple distinction des banques au profit de la définition de banque universelle. La raison défendue par M.Delors était le fait que la séparation entravait le développement de la concurrence entre les banques, on peut dire aujourd’hui qu’il avait totalement faux puisque sa loi nous a entrainés vers un système oligopole …

Sommes-nous les seuls à envisager cette scission ?

La réponse est bien évidemment négative, les E-U et l’Angleterre ont même déjà demandés à des commissions d’établir un rapport sur la situation actuelle et la solution pour parvenir à cette scission. De même, l’UE se penche également sur le sujet.

Parlons tout d’abord du rapport Volcker de juillet 2010 pour la réforme américaine. Il parle d’un modèle d’interdiction. Une banque ne pourra pas s’impliquer dans de la spéculation pour son compte mais en revanche pourra le faire au nom de son client et donc lui prêter de l’argent pour cela. On entre à nouveau dans le cercle vicieux. Ainsi, on peut dire que cette réforme entend organiser mais pas scinder véritablement la banque universelle puisque le risque est toujours présent pour l’épargnant de voir une faillite de l’activité d’affaire entrainant celle de dépôt. La Fédération des Banques soutient forcément activement cette réforme.

Le rapport anglais Vickers de juin 2010 quand à lui repose sur un modèle de cloisonnement. Ici la banque de détail va être séparée légalement des autres activités et devra respecter des contraintes règlementaires fortes. Là encore on ne remet pas en cause le système de banque universelle mais on essaie d’éviter qu’une éventuelle faillite de la banque d’investissement entraine celle de la banque de détail. On se retrouve encore dans la même situation où on range telle activité dans telle catégorie mais en cas de problème, la faillite de l’une entrainera forcément la faillite de l’autre puisqu’elles dépendent de la même banque universelle.

Le rapport Liikanen d’octobre 2010 remis à la commission européenne repose lui aussi sur un modèle de cloisonnement or ici on ne cherche pas à isoler la banque de dépôt mais plutôt la banque d’investissement. Comme toujours, on ne remet pas en cause l’idée de banque universelle cette fois au motif qu’il faut « maintenir la capacité des banques à fournir efficacement un large éventail de services à leurs clients ».

Est-ce que le projet de loi sera à la hauteur de l’attente qu’il suscite ?

Même si les réformes que nous venons d’étudier paraissent légitimement insuffisantes, elles ont tout de même le mérite d’aborder le sujet et, espérons-le, de voir à terme s’opérer une véritable scission entre les banques de dépôt et d’investissement. Qu’en est-il du projet de loi du gouvernement français dont le président avait fait l’un des projets phare de son programme présidentiel ?

M.Moscovici a présenté en Conseil des Ministres son projet le 19 décembre 2012, un projet bien fade, sans aucune saveur, qui aura du mal à passer auprès des nombreuses personnalités du monde économique en faveur d’une scission. En effet ce projet est sans doute le moins évolué de tous ceux que l’on a vu, on ne parle pas d’interdiction, de cantonnement mais de … filialisation ! Là où la réforme Volckers interdit la spéculation à son compte propre, notre projet l’interdit pour une petite partie de celui-ci. C’est donc un projet soft Volckers, du recyclé en moins bien. Le défaut principal du projet ? Tout simplement ce principe de filialisation, une filiale d’investissement peut être en lien avec une filiale de l’activité de dépôt. Autant dire qu’en cas de faillite … Je crois que vous avez compris inutile de se répéter ! Les autres « filiales » de l’établissement bancaire devront assumer les pertes et feront très certainement faillites elles-aussi.

Toutefois, on peut tenir compte de la pression exercée par les lobbys bancaires sur le gouvernement pour défendre le concept de banque universelle. N’oublions pas que c’est ce système de banque universelle qui a fait qu’en 2008, l’Etat a dû intervenir et mettre un plan de soutien en place de 360 milles milliards ! L’argument principal contre cette séparation des banques est que celle-ci n’empêche pas forcément la faillite des autres banques si l’une d’entre elles s’effondre car elles interagissent beaucoup ensemble. Ceci est bien évidemment une référence à la faillite de Lehman Brothers et bien entendu une simple scission ne permet pas de garantir la protection des épargnants. Derrière cette scission il faut réorganiser le système bancaire pour empêcher les banques d’investissements d’avoir trop d’engagements sur le compte des banques de dépôts et donc tout faire pour que la faillite d’une banque d’investissement n’ait pas de conséquence sur celle de dépôt. La scission des banques d’investissement et de dépôt est la première marche vers un système plus sûr et plus protecteur de l’épargne des citoyens, et de toute évidence, M.Moscovici l’a ratée.

 

http://www.contrepoints.org/?p=111927

 


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14 réactions à cet article    


  • Quentin Georges Quentin Georges 21 janvier 2013 10:43

    J’ai oublié de mettre le lien de mon article originel ...
    Lien raccourci : http://www.contrepoints.org/?p=111927


    • ZEN ZEN 21 janvier 2013 11:29

      Bonjour

      La volonté politique n’est pas là...Malgré les promesses
      Le problème est aussi celui du gigantisme des banques, surtout américaines, qui finissent à imposer leur loi.
      Un membre de la FED sonne le tocsin
      Faut-il que ce soit grave...


      • Aldous Aldous 27 janvier 2013 10:51

        en d’autres mots, il faut d’abord créer la scission entre les banques et le pouvoir.




      • Luc le Raz Luc le Raz 21 janvier 2013 14:29

        « lobbys bancaires » ou plutôt cartels financiers ? Quand je pense que certains établissements font appel à des financements auprès de banques off shore pour financer des dettes d’états, ça laisse rêveur. D’où viennent ces fonds ? Comment s’assurer de leur propreté et qu’ils ne sont pas, tout simplement lavés ? Si un organisme ou même un particulier planque son fric dans ce genre de « laverie » c’est évidement qu’il ne sent pas très bon... les marchés de la drogue, du sexe, des armes, des évasions fiscales, etc... etc... s’en servent comme tirelires et font grossir le cochon avec les intérêts sur les prêts...

        Bref, pour en revenir sur le fond, bien sur qu’il ne faut pas filialiser les banque d’affaires. Cela ne supprimera, en aucun cas, le levier du chantage. « Vous nous laissez couler ? Bon, éh bien, nous devrons faire face pour renflouer la filiale et risquons d’entraîner dans notre chute la partie dépôts détenue par vos électeurs » Quel politicard ne serait pas sensible à un tel argument ?


        • robin 21 janvier 2013 15:33

          La scission fonctionnelle des banques bien que nécessaire ne se fera jamais pour la bonne et simple raison que ce sont elles qui dirigent le monde.....point barre !


          • chmoll chmoll 21 janvier 2013 17:00

            faut écarté le gouv ,il n’a pas on mot a dire

            de toute façon la finance vas le lui rappeler


            • Yvance77 21 janvier 2013 18:05

              « Je séparerai les activités des banques qui sont utiles à l’investissement et à l’emploi, de leurs opérations spéculatives »

              JFK avait ce projet insensé de rendre la fabrication de la monnaie US au peuple américain... on sait depuis comment il a fini. Toucher au au SYSTEME équivaut à signer son arrêt de mort.

              Alors le coup de bluff de Flamby à d’autres, il sait à quoi il s’expose et ne fera rien par conséquent.


              • kéké02360 21 janvier 2013 18:36

                Puisqu’il n’y a rien à attendre du système (banques et politiques ) ne serait-il pas judicieux que les citoyen(ne)s créent leur Banque Citoyenne des Dépôts !!! Y-a-t-il un obstacle juridique pour le faire !!!!????????


                • fb 21 janvier 2013 20:35

                  Argent réel : 5% de la masse monétaire, argent virtuel 95%. La séparation entre banque d’affaire et de dépôt est juste cautère sur une jambe de bois.
                  Bref cette mesure « révolutionnaire » ne va strictement rien changer. Pour information les banques (de dépôt) en Europe sont tenues d’assurer à hauteur de 12000 € chaque compte en cas de faillite.


                  • Roosevelt_vs_Keynes 21 janvier 2013 21:46

                    Le tout sans oublier que le Glass-Steagall sans émission de crédit productif public souverain... les banquiers vont adorer !


                    • millesime 22 janvier 2013 15:00

                      1) les banques sont les serviteurs de l’économie « réelle » et non les maîtres. Les banques fournissent les capitaux aux entreprises selon leurs besoins et sont rémunérées en fonction des services qu’elles rendent. Ce n’est pas aux entreprises de fournir des profits en fonction des exigences des banques et des marchés financiers.
                      2) les banques ne participent pas à la création et à l’alimentation des bulles spéculatives. Même si des profits exorbitants peuvent être réalisés sur la pente ascendante d’une bulle, les risques lors de l’éclatement et ses effets nuisibles pour la société entière interdisent que les banques y participent. Ainsi les banques ne fournissent pas de crédits à but spéculatif et n’engagent pas leurs fonds propres dans la spéculation.
                      3) les banques cessent toutes activités avec les paradis fiscaux. (simple à réaliser..voyez l’Iran)
                      4) les banques calculent leurs systèmes d’incitation sur un rendement à long terme des activités de leurs employés et dirigeants.
                      5) la titrisation des créances et l’achat de tels titres est interdite.
                      6) les banques respectent scrupuleusement le ration de Bâle III entre fonds propres et engagements, toute activité hors bilan est interdite.

                      un début de projet non ? il y faut une VOLONTE politique
                      l’argent publique doit servir à préparer l’avenir de tous, et pas seulement celui des élites financières ;
                      Les traders spéculent pour leur propre compte avec leurs propre argent et NON les banques.. !

                      http://millesime.over-blog.com


                      • millesime 22 janvier 2013 15:06

                        selon la BRI la banque des banques, Banque des Règlements Internationaux,il circulent au quotidien sur les marchés financiers mondiaux de l’ordre de 4000 milliards de dollars.. !
                        Sur cette masse colossale, seulement 10% servent aux échanges de biens et services entre Etats et entreprises, le reste, soit 90%, vont sur les marchés financiers et dérivés soit « le virtuel »
                        Cela DOIT changer.. !


                        • Cassiopée R 22 janvier 2013 15:59

                          La banque par l’intermédiaire de sa banque des dépôts utilise l’argent déposés des citoyens dans les banques, puis le mets en bourse pour faire plus de profits, sans le redistribuer ou laisser les clients-citoyens sans argent en cas de perte, ce qui n’empêche pas aux gérants des banques et autres spéculateurs d’avoir mis de côté.

                           

                          On retrouve ce même type de profits dans les syndicats lors de polémique financière sur les financements, lorsque les cotisations des syndiqués arrivent à un certain niveau, les chefs des syndicats ont mis cet argent en bourse pour produire encore plus de richesse, qu’ils n’ont jamais redistribuer aux syndiqués qui ont cotisés.

                           

                          Pour les banques ce sont des profits colossaux qui tombent quotidiennement et qui concerne l’argent mis de côté par les citoyens dans les nombreuses banques. Pour ce faire une idée, la dette des banques représentent plus de 900% du PIB de l’ Etat (renflouer par les contribuables par la suite), c’est à dire que les richesses financières sont 9 fois plus importante que les richesses d’un pays créer chaque année. Les banques affichent régulièrement des chiffres très élevés de bénéfices, qui sont redistribués aux propriétaires et aux actionnaires pour augmenter de nouveau dans les paradis fiscaux.


                          • Dominique TONIN Dominique TONIN 27 janvier 2013 10:07

                            @ l’auteur,

                            Mis à part qques noms en face de projets de réorganisation des banques, votre article, intéressant au demeurant, ne m’a rien appris de nouveau sous la grisaille ambiante !
                            Au contraire, il me conforte dans l’idée qu’HOLLANDE comme SARKO sont gangrenés par la haute finance et qu’ils sont à genoux devant eux !
                            Because ? Financement des campagnes électorales et corruption en tous genres !
                            Il ne vous paraît pas étrange qu’HOLLANDE remette à demain le cumul des mandats, la mise en règle de son ennemi- la finance-, la lutte contre les paradis fiscaux etc....
                            Pour conclure mon propos, politique et banquiers vivent dans la même sphère et sans foutent royalement de ceux qui crèvent ! CQFD

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