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Qui veut aider un spéculateur ?

Les baisses de taux quantitatives - c’est-à-dire les injections de liquidités massives combinées à un taux directeur proche du zéro - pratiquées aux Etats-Unis n’ont pas atteint le but escompté. Peu d’investisseurs empruntent en effet aux taux actuels insignifiants pour relancer l’outil de production pendant que l’Etat Fédéral, lui, se complait à accumuler des déficits pharaoniques dans l’espoir de relancer une économie criblée de dettes.

Le parallèle et la relation avec le Japon et sa monnaie - le Yen - sont saisissants.

Le Japon avait également pratiqué à outrance ces baisses de taux quantitatives après l’implosion de sa propre bulle immobilière et boursière toutes deux entretenues par du crédit excessif. L’argent facile avait certes autorisé la modernisation de l’outil de production mais il en avait également suscité une expansion permettant si besoin était de vendre des marchandises japonaises au monde entier ! L’endettement du pays était alors si excessif que la majorité des entreprises ayant profité de ce crédit n’avait pratiquement plus aucun retour sur investissement. Cette longue traversée du désert japonaise ponctuée de baisses quantitatives - et donc de quantités gigantesques de Yens en permanence imprimées et déversées sur l’économie - était une période marquée par un évènement crucial affectant toujours aujourd’hui le monde entier, à savoir l’usage systématisé au niveau global du Yen comme devise d’emprunt.

Dans un contexte où la devise nippone était - selon les termes de Friedman - larguée par hélicoptères et où les taux d’intérêts japonais étaient à ou proche du zéro absolu, la tentation était en effet compréhensible pour le monde entier d’emprunter en Yens pour placer dans des devises et dans des investissements qui ne pouvaient qu’être plus rentables !

Aujourd’hui, c’est un phénomène identique qui affecte le Dollar.

Contrairement à la période extrêmement tourmentée d’il y a une année où plus personne ne voulait prêter, pratiquement plus personne ne cherche aujourd’hui à emprunter pour investir dans l’économie réelle. En conséquence, le taux d’intérêt du Dollar à 3 mois enregistre des records de baisse et se situe de nos jours en-dessous de 0.30% induisant presque mécaniquement des comportements inédits vis-à-vis de la Devise des Etats-Unis d’Amérique. Une fièvre comparable à celle qui avait en son temps frappé le Yen s’est ainsi emparée du billet vert : en fait, le Dollar est devenue aujourd’hui la devise de prédilection dans laquelle les spéculateurs du monde entier s’endettent afin de parier sur des monnaies offrant des taux plus rémunérateurs et sur des papiers valeurs aux rendements attractifs émis par des Etats et des entreprises.

Comment s’étonner du reste de ce nouveau rôle du Dollar dans le microcosme de la spéculation alors que, pour la première fois depuis 1994, son taux d’intérêt à 3 mois est inférieur à celui du Yen et à celui du Franc Suisse, traditionnellement les deux principales monnaies d’emprunt dans le monde ? 

Le Dollar est donc le nouveau Yen !

Le ratio de Sharpe (qui mesure la performance rapportée au risque) du Dollar par rapport au Yen est aujourd’hui de 1.35 contre - 0.37 en 2004, démontrant ainsi qu’il devient nettement plus profitable de spéculer à la baisse avec la première devise de réserve mondiale ! Car c’est à l’évidence de profits qu’il s’agit : quand, selon Bloomberg, la vente à découvert du billet vert vis-à-vis d’un panier de 10 monnaies, incluant le Réal Brésilien et le Rand Sud Africain, réalisait 1.27% en Mars dernier, elle rapporte aujourd’hui le jack pot, c’est-à-dire 29% !

Ce cocktail nauséabond de taux Dollars proche du zéro combinés à des placements juteux exacerbe donc aujourd’hui la propension à la prise de risques des spéculateurs et investisseurs du monde entier. Il existe un indice pour mesurer cette appétence mondiale à la spéculation avec les instruments et la monnaie US, c’est l’indice TED qui atteint de nos jours ses niveaux les plus bas depuis 2004 explicitant un climat propice à la spéculation comparable à la période insouciante et faste de 2004...

En dépit d’une situation économique encore incertaine, de faillites bancaires encore d’actualité aux Etats-Unis, malgré un système financier international tout juste ramené à la vie, la spéculation – qui se maintient à des années lumière de la vraie vie - trouve des niches lucratives ... le tout dans un contexte où le déficit budgétaire Américain dépasse les 1’000 milliards de dollars et où la Réserve Fédérale US inonde les marchés de liquidités se montant à 1’750 milliards de dollars afin de relancer l’activité économique.

En réalité, ce phénomène sans précédent ayant transformé le Dollar Américain en monnaie de "carry trade " par excellence devrait servir d’alerte à la Fed et lui signaler qu’il est temps à présent, non de remonter les taux, mais d’interrompre sa politique d’expansion tous azimuts : le spéculateur tirant systématiquement profit du défaut de la cuirasse d’un marché ou d’un instrument donné, les injections massives de liquidités Américaines, après avoir sauvé le système financier US et mondial, pourraient bien le desservir...L’usage excessif du billet vert comme monnaie mondiale d’emprunt aujourd’hui prouve mathématiquement que l’excès de liquidités généreusement mis à disposition par la Fed et qui ne trouve pas de débouchés dans l’économie réelle est brillamment mis à profit par les spéculateurs.

La Réserve Fédérale souhaitait encourager les entreprises et les privés à s’endetter à un prix dérisoire afin d’investir dans l’économie mais, face au comportement frileux de ces derniers largement échaudés par la crise, c’est - une fois de plus - la spéculation qu’elle a encouragé ! Le triste exemple japonais nous démontre que le pays n’a pas bénéficié des baisses de taux quantitatives qui n’ont fait que favoriser l’émergence d’opérations spéculatives en quantités absolument phénoménales ayant consacré le yen comme la devise du carry trade ... jusqu’à ce que l’intégralité de ce système n’implose il y a deux ans dans ce qui a été appelé le "deleveraging".

Ce deleveraging se poursuit aujourd’hui d’autant plus spectaculairement que le Dollar a supplanté le Yen comme devise d’emprunt. En réalité, nous assistons à un double deleveraging : hors du Yen vers le Dollar et hors de l’économie réelle vers la spéculation effrénée. 


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8 réactions à cet article    


  • Le péripate Le péripate 21 septembre 2009 10:53

    L’ambiance est durablement à la déflation. Anticipations rationnelles ou psychologie des foules, quelqu’en soit la raison, les acteurs économiques ne croient pas que l’inflation monétaire et les déficits croissants soient un gage de sortie de crise. Pire, le système des prix, signaux indispensables aux investissement est faussé par trop d’interventions. La méfiance règne.
    Par contre, les billets « largués par hélicoptère » trouveront certainement un usage : les bulles spéculatives.

    Merveille que cet État qui suscite sans cesse les conditions qui demain justifieront un accroissement de son domaine d’intervention. L’ordre imposé qui crée le chaos.


    • perlseb 21 septembre 2009 13:08

      Je ne suis pas expert en « carry trade » mais j’ai l’impression qu’il va être beaucoup plus intéressant de le pratiquer avec le dollar qu’avec le yen ou le franc suisse. Si vous empruntez avec une monnaie comme le dollar, que vous achetez des euros plus rémunérateurs, lorsque vous remboursez votre emprunt, le dollar a, en plus, toutes les chances d’avoir dévalué par rapport à l’euro.

      Autrement dit vous avez gagnez sur les taux d’intérêts et sur le taux de change. Coup double non ? Cela n’était pas le cas avec le yen et le franc suisse (monnaies fortes où l’on pouvait peut-être reperdre en réévaluation ce que l’on avait gagner en taux d’intérêt).


      • nephilim 21 septembre 2009 14:17

        rhoooo mon intervention a disparu sic................
        Alors je vais l’ecrire autrement.
        Votre article ne vaut pas un pêt de lapin, que voulez que cela nous fasse !!!
        vous vous etes cru dans les pages economiques du figaro pfffff
        Votre article ne parle que d’une chose : votre dieu argent, que vous depensez joyeusement pendant que d’autres en crevent ..............
        Vous etes l’un de ceux qui favorisent les conflits, les haines que notre monde accumule depuis deja bien trop longtemps. Votre systeme touche à sa fin profitez en bien, nul ne sait ce que l’avenir lui réserve.
        Bonne planque en Suisse depensez moins gagner plus. 


        • wawa wawa 21 septembre 2009 15:04

          c’est absolument très rentable tant que ne survient pas un processus de deleavering comme celui a l’oeuvre fin 2008, ou les emprunteurs en yen ont été rincé par la remontée du yen provoqué par l’arrêt complet des emprunt yen et en ruflux de remboursement : quand on emprunte en yen il faut rembourser en yen. quand il y un excès de remboursement , trop de monde cherche à rachéter du yen pour payer ses traites,çà fait monté le yen, plus le yen monte plus çà fait mal.

          nombreux sont aussi, en europe de l’est les prêt libellés en francs suisse. même risque même punition. il y peut etre dans ces prets une bombe a tetardement pour l’europe !!!

          Il n’est d’ailleurs pas exclus qu’un nouveaux bloquage intevienne dans quelques mois faisant remonter abrubtement et provisoirement le dollars ; épisode que mettrait à profit le chinois pour refaire leurs empletes de MP


          • Pierre JC Allard Pierre JC Allard 21 septembre 2009 16:14

            Ne sommes nous pas dans la suite logique de tout ce qui pouvait et a été prévu il y a plus d’un an. On attend la nouvelle monnaie. On devrait en décider è Pitsburgh.... pas sûr qu’on nous le dira tout de suite, cependant. SIl reste un citron a presser.. . Je me demande si ’on laissera passer l’emprunt Sarkozy avant que la musique n’arrête..



            • fred 21 septembre 2009 18:29

              Plus un état est endetté, plus il est la proie à des négociations défavorables avec les puissants. Ces déficits sont donc voulus, souhaités, préparés et mis en place. Critiquez encore les conspirationnistes de tout poil et puis souriez en disant que les faits leur donnent raison. Et surtout, continuez à avoir l’air étonnés de la situation et pratiquez un optimisme béât. Un jour, vous vous réveillerez et trouverez la vie bien moche. Ben, il sera trop tard. Justice... justice... justice...


              • Internaute Internaute 22 septembre 2009 08:19

                La situation américaine n’est pas vraiment comparable à celle du Japon car, comme vous le dites au début, les japonais en ont profité pour moderniser leur appareil industriel.

                Depuis le début de l’année 2009, le dollar a perdu 16,6% par rapport à l’Euro et le Yen 17,4% par rapport à l’Euro. Les deux se tiennent donc à moins de 1%. La question que je me pose est pourquoi le QE japonais n’a pas débouché sur une dévaluation fatale du Yen et est-ce que le même phénomène se verra avec le Dollar ?


                • Michel Santi Michel Santi 22 septembre 2009 08:34

                  Il est vrai que le dollar n’a que peu baissé contre Yen, encore qu’il se situe dans des zones très dangereuses autour des 90 et qu’il est condamné à aller vers ses plus bas historiques dessous 80 dans les mois à venir.
                  Néanmoins, LA parité intéressante et révélatrice de ce deleveraging hors du Yen et vers le dollar est l’Euro Yen qui s’est effondré de 35 % en quelques mois révélant donc des achats massifs de Yen : Or comme l’Euro ne fait que s’apprécier vis-à-vis du dollar, je vous laisse deviner au détriment de quelle devise le yen s’apprécie...

                  Ensuite, si le Yen ne s’est pas effondré durant la période du QE, c’est parce que selon moi les exportateurs japonais convertissent et/ou rapatrient massivement une fois par an à la fin de chaque année fiscale ( fin Mars ) une partie substantielle de leurs dépôts en monnaies étrangères afin de les faire figurer à leur bilan en Yens.

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