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RATP : la stratégie du quitte ou double

Le projet de réglement européen sur les obligations de service public dans les transports est actuellement en phase finale de discussion. Il n’y a pas grand-chose à en attendre en France, sauf en Ile-de-France... La SNCF freine, c’est habituel, mais la RATP semble partante : est-ce raisonnable ?

Dans l’année qui vient, le Parlement européen et le Conseil examineront une nouvelle proposition de règlement « relatif aux services publics de transports de voyageurs ». Cette nouvelle mouture assume l’échec de la précédente, en adoptant un point de vue résolument moins dogmatique.

Ce texte propose de généraliser la délégation des transports collectifs urbains, à peu près dans les termes de la loi de 1982 qui les organise en France (sauf en Ile-de-France, région qui relève d’un décret de 1959). Il accorde aussi le droit aux autorités compétentes de procéder sans appel d’offres, si le réseau de transports urbains est exploité par une régie municipale (7,5% des réseaux urbains français en 2002). Donc pas de quoi s’enflammer, a priori.

A Paris, unique agglomération française dont l’environnement institutionnel risque de changer vraiment, la RATP affirme sa stratégie d’ouverture par la voie de sa présidente A.-M. Idrac : "Devenir une entreprise engagée dans la compétition européenne". La RATP se résout à être mise en concurrence à Paris, n’étant pas une régie municipale, et à s’exporter dans d’autres villes européennes. Autrement dit, la RATP souhaite « sortir par le haut », ce qui n’est pas le cas de toutes les entreprises publiques (la SNCF notamment). Ce choix peut toutefois être très dangereux, tant la RATP n’est pas bien positionnée en termes de coûts et de productivité. Et en première analyse, on imagine mal comment la RATP peut gagner un appel d’offres concurrentiel à Paris, sans une profonde remise en cause. Dans ce cas, lorsqu’il s’agira de réorganiser l’entreprise pour améliorer la productivité, les conflits sont plus que probables. Est-ce du suicide ?

L’opérateur public des transports de Berlin a réagi d’une tout autre manière. Après négociations paritaires, la collectivité berlinoise a obtenu l’assurance que les transports collectifs seraient moins coûteux. Les syndicats se sont engagés à des efforts de productivité et à une baisse de la masse salariale. En échange, l’accord qui vient d’être signé permet aux salariés de conserver leur statut public (plus avantageux que le statut privé allemand correspondant). Ils ont aussi reçu l’assurance que le réseau berlinois ne serait pas mis en concurrence avant 2020. Contrairement à la RATP, l’opérateur de Berlin a donc choisi d’éviter la concurrence (même si c’est la perspective de la concurrence qui a dynamisé la situation...).

Ceux qui aiment les clichés concluront que les Allemands choisissent le compromis social, et les Français l’affrontement. Mais que se passera-t-il, si le réseau parisien est mis en concurrence par appel d’offres ? Qui dispose des ressources nécessaires pour proposer ses services en remplacement de la RATP ? Le récent renouvellement du contrat de délégation de Lyon nous a appris que plus de 800 000 euros étaient nécessaires pour formuler une offre crédible. Paris a un trafic de voyageurs dix fois supérieur à celui de Lyon. Donc, en réalité, si le réseau parisien ne fait pas l’objet d’appels d’offres par lots (allotissement), seule la RATP sera candidate, et elle conservera sa tranquillité et ses coûts.

Voilà donc une carte que peut vouloir jouer la RATP. L’argumentaire généralement développé contre l’allotissement est celui de l’intégration tarifaire. En effet, la carte orange et la tarification unique sont essentiels pour favoriser les transports en commun, c’est vrai. Mais cela ne veut pas dire que l’entreprise qui fait rouler les métros et les bus doive être unique. De Stockholm à Melbourne, en passant par Londres, les exemples de structures organisationnelles compatibles ne manquent pas. La région Ile-de-France, qui vient juste de prendre les commandes, aura-t-elle la capacité de renouveler la gouvernance de 1959 que lui a léguée l’État ?

Une période de remise à plat des transports parisiens s’annonce. Le mauvais scénario serait que rien ne change ; le bon, que les impulsions européennes conduisent à un renouveau du transport collectif à Paris.


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1 réactions à cet article    


  • Sylvain Reboul (---.---.151.146) 20 janvier 2006 18:57

    Vous posez bien le problème : si la RATP s’autorise la concurrence à Londres, ce qui est déjà fait, elle ne peut prétendre s’en préserver à Paris sans justement fausser la concurrence en Europe. À partir du moment où la RATP, la SNCF, EDF... investissent à l’étranger, elles ne sont plus des services publics à mission uniquement française, monopoles justifiés de l’état français, elles deviennent des entreprises concurrentielles qui ont (peuvent avoir) une délégation de service public en France, ce qui n’exclut pas en principe la concurrence, y compris à Paris avec appels d’offre et cahier des charges.

    À quand la Deutche Bahn à Paris et/ou à Marseille ? Et pourquoi pas jusqu’à Madrid ? Nous avons bien déjà le Thalys entre Paris et Bruxelles qui concurrence la SNCF. Le voyageur français doit-il s’en plaindre, alors que, faut-il le rappeler, il utilise un service payant donc marchand (ce qui n’est pas le cas de l’Education Nationale par exemple) ?

    De la libre concurrence en Europe

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