Requiem pour la profession d’économiste
Un intéressant débat entre économistes Américains a été récemment lancé par Paul Krugman, Nobel d’économie et chroniqueur au New York Times, qui expliquait en substance que la crise avait été en grande partie déclenchée car les économistes contemporains avaient rejeté Keynes au profit de l’école de Chicago incarnée par Milton Friedman.
Consommer toujours, investir encore plus et payer plus d’impôts en dépit d’un revenu statique sont donc les encouragements et les tuyaux de sortie de crise de Keynes (et de Krugman ) dans une pièce qui, si l’on en croit le dernier Nobel d’économie, se jouerait dans un univers théorique stérilisé dont les Banques seraient étrangement absentes ... alors qu’elles y ont le premier rôle ! Selon Krugman, la crise actuelle serait en effet une crise "classique " au sens Keynésien alors que l’implosion de la bulle immobilière ayant dévalorisé les titres hypothécaires détenus par des Banques ayant immédiatement fait sombrer les économies dans la récession en asséchant le crédit fait de cette crise un épisode fondamentalement financier.
L’effondrement de la demande ne fut en effet qu’un dégât collatéral tout à fait accessoire dans une conjoncture marquée, elle, par une série de micro facteurs déclencheurs, comme la notation des titres subprimes ou les ratios capitalistiques des Banques, micro facteurs ayant eu pour conséquence presque "naturelle " l’accumulation par les établissements financiers de ces titres tout juste bons pour la poubelle...Les enseignements macro économiques sont certes valables pour étudier la Grande Dépression en s’adossant sur la théorie des cycles d’activité mais analyser la crise actuelle déclenchée à l’été 2007 à l’aune de ces mêmes critères - en dépit de leur élégance intellectuelle - aurait pour conséquence dramatique de commettre toujours les mêmes erreurs.
Les économistes ont oublié que l’économie doit d’abord servir l’homme et la société car l’univers de la science économique contemporaine est envahi par les Mathématiques financières qui exercent une tyrannie ne laissant plus aucune place aux sciences sociales ! L’économiste Heilbroner disait malicieusement que les Mathématiques avaient insufflé une rigueur à la science économique avant de la tuer ! A moins que ce ne soit l’usage qui en a été fait qui a abouti aux dérives actuelles car - et c’est là aussi que Krugman se trompe selon moi - la condamnation des adeptes de Chicago au profit de Keynes ne permet pas de progresser : C’est l’ensemble de la profession qui se doit aujourd’hui de reconnaître qu’elle s’est fourvoyée dans son appréciation d’un système extrêmement complexe qu’elle ne comprend toujours pas complètement du reste...
Cette crise raconte d’abord l’échec de toute la caste des économistes n’ayant pu alerter contre la formation ni contre l’implosion d’une bulle dévastatrice.
Aujourd’hui, nous avons beaucoup appris. Que notre système financier est ainsi d’autant plus dangereux que certains Banquiers se complaisent à pousser leurs bilan, hors bilan et ratios au risque de voir leur mécanique exploser à tout moment. Nous savons également que cette mauvaise gestion n’est pas un hasard - ou un accident - mais plutôt la résultante d’une pression perverse qui s’exerce en permanence sur une profession dont on demande encore et toujours du chiffre...Pour autant, et c’est un enseignement majeur de cette crise, cette gestion déficitaire n’a été possible que grâce au laxisme - ou à la complicité ? - du régulateur et du législateur qui étaient persuadés que ce qui était bon pour les Banques serait bon pour le pays.
De son point de vue, Krugman a raison de défendre Keynes car il se conforme ainsi au credo en vigueur parmi les élites Washingtoniennes et qui consiste à dépenser sans compter afin de sauver une profession et un système sans lesquels eux-mêmes n’existeraient plus ! Ce que Greenspan a fait, Bernanke et sa planche à billets salvatrice l’entreprennent aujourd’hui à très grande échelle préludant ainsi de tous types de comportements à risques à venir.
Le système financier de demain sera nettement plus dangereux que celui d’hier.
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