Retraites et travail : des idées reçues
La révolte a grondé en France ces dernière semaines, et même si tout le monde n’avait pas les moyens d’y participer (une journée de grève, ça coûte cher), le mouvement fut soutenu par 55 à 70 % des personnes interrogées par les instituts de sondage.
La dissipation du brouillard sur les chiffres des manifestations (les chiffres de la police seraient donc vrais ?) ne doit pas faire oublier qu’elles sont les plus importantes depuis 1995 et témoignent d’une insatisfaction générale.
Cependant sans les retraites, situées au carrefour des représentations qu’une société se fait d’elle-même, le mouvement n’aurait peut-être pas décollé.
Je voudrais dire ici qu’il n’en est rien ! La seule chose à craindre est l’impéritie des gouvernements qui se succèderont dans les années à venir, sapant progressivement ce fragile édifice.
Le chiffre hautement discutable sur lequel on se base pour faire de sombres prophéties est l’augmentation régulière de l’espérance de vie à la naissance. Ce chiffre est à prendre avec des pincettes car il est le résultat de calculs complexes et d’hypothèses, et ne prévoit en rien l’évolution de la démographie.
Une pyramide des âges, malgré ses limitations (elle ne dit pas comment natalité et mortalité vont évoluer), serait sans doute plus riche en enseignements.
Sur cette pyramide des âges de la France en 2005, le baby-boom, "rattrapage" de la baisse de natalité éprouvée par la France pendant la guerre, et conséquence de la croissance soutenue des 30 glorieuses, est bien visible.

Evidemment, dans ce contexte, une augmentation de la durée de cotisation a quelque chose d’injuste et d’inefficace.
Une retraite par répartition qui dise enfin son nom, plus égalitaire, avec des cotisations modulées année par année en fonction des besoins en pensions serait sans doute une solution satisfaisante, mais le gouvernement, et le PS - qui ne semble pas trouver la méthode abjecte, préfèrent faire passer une baisse générale des pensions - car le taux de chômage des 18-25 et 55-60 ans rend irréaliste l’espoir d’obtenir tous ses points pour une majorité de la population - touchant surtout les plus pauvres, pour un allongement de la durée du travail dans la vie.
Travail et "travail"
Les grèves emmerdent bien des gens :
- Ceux qui veulent aller travailler, et qui adoptent un discours neutre du genre "je veux simplement pouvoir continuer à gagner ma croûte, ils m’emmerdent ces grévistes"
- Ceux qui critiquent le fond même de la protestation "bah quoi, moi j’adore travailler, ceux qui manifestent ne sont que de gros feignants, voilà tout"
- Et celui qui dit "on n’a pas le droit de prendre un pays en otage". Il est bien placé pour en parler...
Les grèves emmerdent bien des gens, et c’est leur but. Sinon, à quoi serviraient-elles ?
On remarquera que ceux qui critiquent les motivations des grévistes sur le fond sont presque toujours en haut de l’échelle. Ce petit micro-trottoir de Arte-Radio résume à merveille la situation :
On découvre ici que sous un vocable courant se cachent en fait deux activités qui n’ont absolument rien à voir entre elles.
Les Romains, à l’époque de l’Empire l’avaient bien compris, puisqu’ils distinguaient le labeur, apanage des artisans et ouvriers, qui commençaient au lever du jour et le quittaient le plus souvent vers 12-13 heures de notre système horaire, pour aller aux thermes et aux jeux, et les "affaires", domaine réservé aux patriciens, hommes politiques, grands seigneurs, hommes de loi, lesquels pouvaient y vaquer 12 voire 14 heures par jour .
Il est à noter que tous les plébeïens percevaient une pension mensuelle à vie, à laquelle s’ajoutaient leurs revenus. A méditer... (voir à ce sujet "La vie quotidienne à Rome sous à l’apogée de l’empire, de Jérôme Carcopino)
Grâce au débat sur la pénibilité, nos politiques ont découvert avec stupeur que certains métiers pouvaient être exercés sans encombre jusqu’à 75 ans, tandis que d’autres cassaient les corps au bout de 20 ans de labeur.
Cela pose deux questions :
- La pénibilité est-elle inhérente à chaque travail, ou plutôt le résultat de procédures où l’humain est traité comme une machine ?
- Tandis que les manutentionnaires, ouvriers du bâtiment, éboueurs, serveurs, employé de ménage, souvent surdiplômés pour ces postes (nombreux sont les détenteurs de licences et masters dans ces professions), s’épuisent dans leur travail, les employé(e)s de bureaux suent sur des machines au son des tubes du moment entre 18 et 20h pour "garder la forme" et "se défouler" après une journée trop sédentaire et stressante. On continue ou on évolue enfin ?
Il y aurait de nombreux avantages à établir des parcours professionnels qui permettent de concilier "physique" et "tertiaire" en des sortes de postes hybrides.
- Les travaux "physiques" feraient l’objet de véritables améliorations en matière d’ergonomie et de confort, tout simplement parce qu’un regard à la fois critique et concerné aura été porté sur leur organisation.
- Les travaux de type tertiaires, souvent très sédentaires, facteurs de maladies cardiovasculaires, seraient contrebalancés par des activités physiques régulières.
Ce serait pour le coup, une vraie révolution !
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