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Accueil du site > Actualités > Economie > Sortir de la récession : la Grèce antique entre « stasis » et « polémos » (...)

Sortir de la récession : la Grèce antique entre « stasis » et « polémos » 1/2

Nous abordons ici l'âge de la Grèce classique. Cette époque-clé de l'Histoire de la civilisation en Occident a déjà fait couler beaucoup d'encre. Mais ce sujet étant toujours ouvert à la controverse, ajoutons la notre.

Ce qui est novateur est la méthode d'analyse systémique que nous tentons d'appliquer. En effet par cette méthode pluridisciplinaire, nous estimons possible de reconstituer les conditions d'équilibre d'un système politique et social, compte tenu de son organisation et de son environnement. Evaluer un niveau de risque lors d'un fonctionnement régulier permet aussi d'envisager une suite de causalités provoquant le dysfonctionnement tragique d'une société.

Parvenir ainsi au décryptage de cette époque classique constiturait un véritable cas d'école de l'analyse systémique appliquée aux sciences humaines. Ce serait aussi proposer une explication réaliste du déclin qui jusqu'à présent nous semble énigmatique et sujet à spéculation.

Pour cela, cette évolution systémique de la Grece de l’age classique, il serait intéressant de la suivre jusqu’à l’aventure macédonienne et la domination romaine. Mais pour des raisons pratiques il sera abordé dans cette première partie la question du nouveau discours et consensus qui va bousculer l'ordre aristocratique. Dans une autre seront décrits les éléments-clés du nouveau système républicain et les circonstances qui vont venir déstabiliser ce projet d'une Cité harmonieuse.

Il peut paraitre superflu d'écrire une histoire de la Grece antique tant ce sujet a été déjà été décrit par des pléiades d'auteurs. Mais l'originalité de notre approche historique consiste à éclairer une mécanique sous-jacente : celle des systèmes. Nous avons réussi à identifier l'un d'entre eux dans la période archaïque de la Grèce. Il s'agit du système de l'Oikos qui offre à cette époque lointaine un modèle social, culturel, économique et politique presque cohérent. Mais cette cohérence va s'effriter face à de nouvelles conditions historiques. Ce paradoxe de l'abondance matérielle justaposée à la misère, dans le même espace-temps de la polis ou Cité-Etat, cause de graves troubles. La domination des maisons aristocratiques va être remise en cause. Dans la culture, des innovations et découvertes vont ébranler le système traditionnel et proposer une nouvelle vision du monde. De la société émerge un refus de la progression de la précarité, du chômage, de la menace d'esclavage pour dette et une exigence populaire de réformes. Dans l'économie, contre l'organisation de la pénurie et du chômage, de nouvelles dispositions doivent assurer l'approvisionnement, l'activité et le bien-être du peuple. Enfin dans le domaine politique un nouveau projet émerge : la République, en même temps qu'une lutte féroce s'engage pour savoir qui contrôlera ou parviendra à déstabiliser ce nouveau système.

Rappel historique

Nous nous inquiétions sur la capacité des tribus Héllènes à réaliser un modèle évolué de civilisation. Ces descendants des peuplades indo-européennes ou proto-celtes - et proches parents de nos gaulois - montés sur des chevaux asiatiques et équipés d'épées de bronze, nous ont surtout impressionné par la vigueur de leurs incursions guerrières, par leur soif de pillages, de courses au trésor métallique, au butin d'esclaves. Toute leur science semblait se résumer au clanisme, au culte du chef guerrier et à la glorification de ses abus sanglants (voir De Minos à Thésée et Ulysse : Relecture systémique du « choc de civilisation » en Grèce héroïque).

Mais nous avons suivi leur parcours de surprise en surprise. La première vague achéenne, aprés la conquête mycenienne des cités forteresses pélages, voit déferler avec horreur une seconde vague dorienne qui semble dévastatrice. Quelques rares abris sur des pitons rocheux à Corinthe ou Athénes voient affluer des réfugiés d'origine mélée qui se retrouvent acculés à la mer. Cette promiscuité imposée de force les contraint à la coopération, au partage des compétences et des savoirs. Il faut résister en construisant de hautes murailles et cultiver le sol, ce à quoi les anciens pélasges sont habiles. Ensuite on veut trouver des ressources au-delà de la mer et rétablir des routes de navigation par des contacts diplomatiques et commerciaux. Enfin il n'est plus question de dominer par la violence mais de trouver un consensus : une harmonie sociale pour former une communauté unie par la culture et les rites religieux ; une organisation complexe pour désamorcer les conflits fonciers extra-muros et intra-muros pour résoudre des problèmes de pénurie et d'injustice.

Ces grecs nous étonnent encore par leur capacité d'apprentissage à l'école minoenne et orientale où ils apprennent l'alphabet phénicien, l'urbanisme crétois, la science sumérienne, etc. Entre temps un statu quo s'établit avec les nouveaux arrivants doriens - ayant certainement d'autres difficultés pour pacifier leur immense territoire et policer leurs foules d'esclaves - qui renoncent aux pillages pour ne déclarer la guerre sainte qu'exclusivement sous les auspices et l'autorité du collège de l'Amphictionie de Delphes.

Ainsi la stabilisation du contexte militaire, l'élaboration d'une identité culturelle sont des facteurs qui permettent l'expansion démographique et une nouvelle vague d'essaimage sur le pourtour maritime sous la forme d'établissements coloniaux. Passée l'époque des premières colonies et de concurrence avec la puissance phénicienne : le système grec connait une prospérité nouvelle. L'extension de son réseau colonial permet un afflux de ressources et un renforcement des capacités de la métropole.

Plus loin nous constatons que la "modernisation" de l'institution politique n'est pas un processus paisible. Elle rencontre des résistances et soulève des conflits d'abord au sein même de la polis puis avec d'autres systémes concurrents. Les finalités qui sont attachées au systéme de Cité-Etat vont varier de la simple autarcie, à l'aide et assistance aux autres cités grecques contre le danger commun de l'Empire perse, jusqu'à une volonté d'hégémonie qui épuisera ses ressources dans des guerres fratricides. Toutefois avant atteindre ses limites et de se voir intégré manu militari dans le systéme monarchique macédonien ou dans le modèle d'hégémonique militaire et commercial romain, ce modèle de Cité-Etat métropolitaine permet le développement de brillantes innovations culturelles et de formules politiques originales.

Problématique

Il est peu contestable que le monde grec traverse une période de crise entre le 7ième et au début du 6ième siècle avant JC. La situation politique est instable et les premiers conflits ouverts entre l’aristocratie et le demos (le peuple) éclatent. A Athènes l'anarchie s'installe certaines années [1], à d'autres, l'archonte éponyme (ἄρχων ἐπώνυμος, árkhôn epốnymos) [2] reste inconnu [3]. Les grecs nomment eux-mêmes cette situation d'instabillité et de conflit : στάσις ou stasis [4].

Ce qui nous intéresse ici serait cette aptitude des grecs anciens à identifier les dysfonctionnements de leur propre système, leur capacité à formuler des propositions pertinentes et à appliquer ces réformes avec une grande efficacité. Nous observons cette maîtrise aussi bien dans les domaines culturel et politique, que dans ceux de l'économie et de la société. Ceci semble évident quand on prend la Cité-Etat d'Athènes comme modèle de référence ; toutefois sans négliger un effet de synergie et d'influence provenant de l'Asie mineure par exemple comme foyer d'innovation ou de la Grèce continentale dorienne comme contre-modèle aristocratique et conservateur.

Il s'agit d'éclairer cette problématique. Comment stabiliser un nouveau système politique dans un contexte de crise intérieure et de menace extérieure ? Dans l'Age classique on assiste à ce double mouvement : celui d'un processus de construction de l'Etat grec jusqu'au modèle d'emporium qu'illustre la cité d'Athènes à son "age d'or" ; d'autre part celui d'un contre-projet conservateur ou réactionnaire dont l'influence et la capacité de nuisance de ses partisans reposent sur les dispositifs économiques, politiques et sociaux du modèle traditionnel de l'Oikos. Il est nécessaire de mettre en évidence ces tentatives de déstabilisation du projet républicain du fait de cette opposition qui travaille en sape à l'intérieur de la Cité-Etat, en se faisant au besoin le relais de l'ingérence étrangère, en provoquant zizanie, désordre et guerre civile.

Ne serait-il pas utile de développer le sujet autour de ces questions :

  • Comment s'élabore ce nouveau discours et ce consensus républicain qui va bousculer l'ordre aristocratique et patrimonial de l'oikos ?

  • Comment présenter dans un tableau synoptique les éléments-clés de ce nouveau système de type républicain ?

  • Quelles sont les forces qui vont déstabiliser le système républicain et par quelle stratégie vont t-elles réussir à affaiblir ce projet pour n'en maintenir que les formules légales dans une organisation sociale inégalitaire, tyranique et instable ?

C'est en répondant à cette dernière question que l'on peut découvrir une distortion, voir une falsification dans la présentation de l'histoire grecque. Sinon comment expliquer - entre autres cas - que Clisthène dont les réformes permettront l'établissement des Clérouchies athéniennes, les victoires sur la Perse et l'avénement de la démocratie soit si souvent dévalué ou ait été désigné comme "tyran" et Périclès dont les orientations politiques aboutissent à l'épuisement des ressources, à l'isolement de la Cité, au déclenchement d'une sanglante guerre du Péloponèse et finalement le retour au pouvoir de l'oligarchie, soit toujours célébré comme "chef d'Etat" exemplaire ? [5]

L'intérêt évident de ce sujet se rattache à notre questionnement général : "Sortir de la récession". Si nous réussissons à décrypter cette période ancienne, avec ce recul et cette capacité d'analyse peut-être parviendrons-nous à mieux comprendre notre système civilisationnel actuel et le risque majeur d'une récession ? Comme citoyens actifs ne serons-nous plus aptes à faire face aux enjeux de notre époque ?

Ce défi est ambitieux puisqu'il faut décrire l'émergence d'une nouvelle organisation politique : la politeia (en grec ancien : πολιτεία) que l'on appelle aujourd'hui la République. Ceci tout en mettant en valeur tant ses origines et la diversité de ses formules qu'en mettant l'accent sur les réussites dans le domaine économique et social. Sans toutefois négliger le contexte de lutte acharnée entre puissances souveraines (Athènes, Sparte, Thèbes, les ligues grecques, l'Empire Perse, le royaume macédonien puis la puissance romaine) qui fragilisent ce modèle en exploitant ses faiblesses dus en particulier à l'isolement relatif de la Cité-Etat ou au clivage interne entre partisans de la démocratie qui souhaitent élargir la base du consensus politique et ceux de l'oligarchie qui veulent restaurer le modèle traditionel de l'oikos pour mieux garantir les droits et privilèges patrimoniaux.

Cette élaboration progressive du système de Cité-Etat se réalise donc au cours d'une première période de tyrannie où s'associent instabilité sociale, prospérité économique et innovation culturelle. Nous présenterons un tableau du modèle d'emporion athénien en particulier pour ensuite mettre en évidence l'action déstabilisatrice des conflits internes et l'échec final du modèle civilisationnel dans l'aventurisme macédonien, puis sous l'emprise romaine. 

La "révolution" républicaine

Un nouveau systéme va faire concurence au système traditionnel de l'Oikos. Il s'agit d'un bouleversement considérable qui va atteindre tous les secteurs de la société. Ce projet ne se construira pas en un jour, ni dans un grand soir. Il nécessite un long apprentissage collectif et réclame une maturation progressive et réaliste.

La notion de République ou politeia découle de l'organisation de la Cité-Etat ou polis [6] et trouve certainement ses origines dans une organisation plus archaïque encore que celle de l'Oikos puisqu'on en retrouve les traces dans le système palatial [7] minoen.

En effet lorsque les auteurs de l'Antiquité ont voulu expliquer la naissance de la Cité-Etat d'Athènes, ils ont évoqué la légende de Thésée [8] et la réforme du synoecisme [9].

Une réforme en liaison à plus d'un titre non seulement avec la société crétoise ou pélasge qui place l'organisation collectiviste de la société au-delà des privilèges personnels, familliaux ou claniques, mais par-là avec un modèle communautaire néolithique archaïque [10]. Ce lien avec le monde crétois semble si puissant à Athènes que lorsque l'autel d'Athéna s'est retrouvé souillé par le parjure et le sang [11], c'est un mage crétois [12] qui fut appellé pour purifier le lieu et rétablir l'harmonie et l'unité de la collectivité.

A cet héritage minoen ancestral, il faut ajouter l'influence déterminante de la région Ionienne en Asie Mineure [13]. L'Ionie permet la co-existence des peuples achéens, doriens et pré-helléniques et constitue un trait d'union avec l'Egypte et la Mésopotamie. De là viendront des influences culturelles déterminantes, les philosophes pré-socratiques, le bi-métalisme et la monnaie, etc. Des innovations qui ne sont pas sans rapport avec une science politique, un système d'Etat.

Alors que le système de l'Oikos prévaut dans tous les domaines, au sein de la Cité-Etat une lutte s'engage. Pour qu'un nouveau modèle de société émerge, il lui faut de l'espace, une marge d'autonomie, de nouvelles finalités, des ressources humaines et matérielles, etc. Mais, cela se traduit concrètement par un empiétement sur des positions acquises, des privilèges établis. Au nom de l'harmonie sociale compromise par l'urgence de la crise imposant sa priorité et exigant - par les moyens de la légalité - un nouveau partage des ressources, il s'agit de faire reculer le principe aristocratique et patrimonial typique du système féodal pour imposer celui de l'utilité commune qui justifie le systéme étatique.

Il est évident que cette révolution républicaine, ce projet d'un nouveau système d'organisation de la société va entrer en conflit avec l'ancien système traditionnel. Ce conflit doit logiquement s'immicer dans toutes les fonctions systémiques (c'est dire qu'il est prévisible que chaque sous-systéme, lié par synergie aux autres, sera confronté dans cette réorganisation à l'enjeu de retrouver une stabilité selon de nouvelles normes, de nouveaux critères de référence). Décrire donc la société greque antique ne peut se faire sans souligner ces impacts immédiats et contre-coups dans la culture, le vivre-ensemble, l'économique et le politique [14]. 

Le premier des conflits concerne le cadre de Cité-Etat lui-même. Cette innovation politique est issue du synoecisme. Cette réforme annule de nombreux privilèges de l'aristocratie foncière. Par exemple elle interdit la justice privée et son cortège de désordres, d'arbitraire et de vendetta et oblige le recours à une justice prononcée par des magistrats publics. Le synocisme annule aussi l'autonomie de ces roitelets instigateurs de conflits claniques pour imposer l'autorité d'un Conseil et l'union des tribus sur le territoire de la polis. Cette réforme attribuée au légendaire Thésée aurait provoqué une révolte des aristocrates et l'exil du héro.

Il est révélateur que quelques siècles plus tard, l'historien Plutarque, héritier de l'aristocratie grecque, semble vouloir régler son compte au légendaire Thésée (mieux vaut plus tard que jamais). La critique paradoxale qui est faite reste hautement significative [15]. En rendant d'abord hommage au caractère désintéressé du héro, qui débarrasse le pays des tyrans et brigands au bénéfice du peuple opprimé, il lui reproche ensuite de n'avoir pas lui-même profité de sa popularité pour perpétuer un régime monarchique (fondé sur un droit personnel et patrimonial). Au contraire, Il voit "un excès de douceur et d'humanité" (et donc un manque d'amour-propre et de dureté) dans l'institution d'un Etat souverain, la soumission aux lois démocratiques et l'exil du héro fondateur. Ainsi l'abolition des royautés locales déclenche une réaction contre la nouvelle forme de pouvoir centralisé et vaut à Thésée d'être frappé d'ostracisme lors de la révolte des Dioscures [16]. Mais pour la période qui nous intéresse cette "légende de Thésée" est propagée par une poésie "la Théséide" [17] et la popularité du personnage ne fait que grandir...

Pourtant ce nouveau cadre de Cité-Etat se maintient. Mieux, il s'affirme dans cette période de crises. Ses compétences juridiques et administratives sont étendues pour renforcer une fonction de régulation systémique. Comme nous allons le voir. L'aristocratie qui s'était accomodée de ce dispositif politique, certainement dans l'intention d'y maintenir son influence et d'en faire l'outil de protection de ses privilèges, se retrouve exposée. Cette caste dominante devient la cible du mécontentement populaire, se voit acculée aux concessions face aux exigences de l'opinion et aux nécessités pratiques que la situation exige.

On réalise ce recul progressif du modèle politique aristocratique. A Athènes le roi légendaire est remplacé au cours de la guerre dorienne par un Archonte-roi puis un trumvirat où la fonction administrative (Archonte-éponyme) prend le pas sur la fonction militaire (Polémarque), judiciaire ou religieuse (Archonte-roi). [18] Ensuite la durée de ces magistratures se réduit et leur nombre augmente. A l'origine désignés à vie, leur mandat est réduite à 10 ans puis à un an (C'est alors que l'archonte-éponyme donne son nom à l'année administrative). D'une magistrature unique on passe à une forme de Conseil qui représente toujours les intérêts de l'aristocratie mais qui se voit assisté par l'Héliée : un tribunal populaire dont les membres sont des citoyens tirés au sort. Ainsi la contestation, les désordres civils, les périodes d'anarchie forcent à une évolution plus poussée. On arrive à la nomination de législateurs, puis à l'avènement de "tyrans", dont les propositions de réformes seront de plus en plus radicales.

En fait ce recul politique est annonciateur d'une mutation systèmique par la remise en cause de l'emprise du système de l'Oikos [19]. Or cette organisation reste profondément dysfonctionnelle [20]. Depuis l'émergence de la Cité-Etat ce modèle féodal ne fera que perdre sa position éminente que ce soit dans le sous-système politique, culturel, économique ou social.

La société grecque est profondément divisée par le clivage aristocratique. Il faut étudier cette sociologie urbaine et rurale dans ses composantes ethniques, linguistiques, religieuses caractérisées par le pluralisme et les contacts avec l'étranger (qui influe sur les représentations et pratiques collectives). On constate dans ce modèle social une grande diversité de situations, un faible niveau de consensus, une situation précaire de coexistence donc une société divisée et fragile. Mais au delà de ce constat, l'analyse systèmique propose en identifiant les acteurs-clés du sous-système social, d'en préciser les aspirations et les enjeux [21]. Cette démarche permet de comprendre les motivations ou les limites de compréhension des différentes problématiques ou d'acceptation des réformes, d'anticiper la capacité de mobilisation et finalement de prédire les attitudes de résistance/adhésion aux changements de chaque groupe social. 

Les guerriers conquérants d'hier sont les aristocrates de l'époque. Propriétaires fonciers, ils disposent d'une foule d'esclaves et de serviteurs au service de leur "maison". Leur position sociale éminente est reconnue et ils disposent d'un accès privilègié à toutes les opportunités sociales. Une nouvelle classe de négociants, instruits par de nombreux voyages et relations diplomatiques, aspire à la reconnaissance. Ils sont conscients de leurs talents et sont prêts à investir leur nouvelle richesse dans des fêtes, dons publics, et autres manifestations culturelles afin de favoriser leur popularité et garantir leur position sociale [22]. La classe populaire représente elle-même une diversité de situations par exemple entre des citoyens au bord de l'exclusion sociale et de la perte du statut d'homme libre et une foule d'esclaves. A Athènes les hommes libres sont une minorité. Le chiffre de 10% de la population a été avancé. Le reste est composé pour une fraction de négociants ou résidents étrangers - qui ne sont pas considérés comme citoyens à part entière - et une majorité d'esclaves. Cette population en état d'esclavage représente une proportion considérable. Au cours de la guerre du Péloponèse près de 20.000 esclaves s'échapperont de la mine d'argent du Laurion.

On peut regrouper ici les acteurs sociaux dans trois groupes homogènes. L'aristocratie désigne un groupe dominant dont la préoccupation est de maintenir une organisation traditionnelle et de nombreux privilèges. Elle s'inquiète de la contestation des autres groupes ainsi que des progrès obtenus. Une classe intermédiaire s'agite mais subit une distortion entre favorisés (tels que les marchands et nouveaux riches) qui aspirent à la reconnaissance et aux privilèges aristocratiques et défavorisés, petits agriculteurs, pêcheurs et artisans pauvres, hommes libres dont ce statut même semble précaire. Ces derniers aspirent à l'isonomie et prendront position en faveur de réformes politiques et économiques radicales. Le dernier groupe social, constitué par les serviteurs ou esclaves, bien que supérieur en nombre ne dispose pas de ressources culturelles et matérielles suffisantes pour intervenir comme acteur autonome. On peut penser qu'il sera utilisé comme moyen de pression ou de repoussoir par les autres acteurs. Quelques membres auront accès à l'émancipation et aux responsabilités sans pour autant permettre au groupe lui-même de devenir un membre à part entière de la société politique. 

Sur le plan du processus économique cette abondante "ressource humaine" permet à l'aristocratie la mise en valeur de sa propriété agricole, de participer à l'entreprise coloniale, de dégager des revenus de la production artisanale et du commerce. Face à cette concurence du travail servile et des importations, les citoyens pauvres sont non seulement confrontés au chômage, mais l'exportation des produits de nécessité courante leur fait aussi connaître des pénuries. De plus, ils sont placés au quotidien sous une perspective sinistre : sous la menace de l'esclavage pour dettes.

De plus l'organisation clanique en tribus représente une force militaire et politique considérable. Une force qui se retourne cependant contre ses maitres comme on le voit lors du coup d'Etat de -632 à Athènes où Cylon "cède face à la détermination des Athéniens, principalement ceux des campagnes". Cette tentative de tyrannie est vue par beaucoup comme "la résistance de l'aristocratie athénienne au courant réformiste qui aboutira aux décrets de Solon". Le risque de déstabilisation que présente ces quatre tribus ioniennes sera réduit par la réforme administrative de Clisthène (en -508).

Fait notable, la vie sociale est rythmée par les fêtes religieuses et processions qui manifestent un attachement pour la beauté et l'harmonie [23] qui ne peuvent s'exprimer que dans le cadre d'un consensus civil.

Sur le plan culturel de profondes mutations se réalisent. Rappelons-nous que le système culturel grec est un syncrétisme. Une association parfois paradoxale de mythes et de croyances qui permet la diversité des cultes. Cette abondance des ressources mythologiques et religieuses permet une certain climat de tolérance et un pluralisme culturel où vont puiser les auteurs pour produire de nouvelles oeuvres. Ces productions en répondant aux commandes aristocratiques, puis ensuite à celles d'un nouveau personnel politique [24], finissent par répondre aux attentes populaires. Elles offrent un ensemble de représentations et miroirs à la société grecque lui permettant de trouver des interprétations de sa réalité et par prise de conscience, d'envisager de nouvelles alternatives.

Parmi cette diversité culturelle, il y a la cosmogonie d'Hésiode et les mythes aristocratiques, dont le cycle homérique, qui tiennent la première place. Mais on assiste à une popularité croissante de la Théséide, de ce héro ennemi des tyrans et des brigands... Puis sous l'influence ionienne et orientale d'autres récits suscitent l'intérêt.

Par exemple l'émergence du mythe d'Orphée indique la recherche d'une nouvelle spiritualité, moins rituelle et collective, plus intime et profonde. L'Orphisme donne accès à une "théologie initiatique" : "La doctrine orphique est une doctrine de salut. Marquée par une souillure originelle ; l'âme est condamnée à un cycle de réincarnations dont seule l'initiation pourra la faire sortir, pour la conduire vers une survie bienheureuse où l'humain rejoint le divin." [25] Orphée est ce héro pacifique et solaire, proche d'Apollon, en affinité avec la spiritualité orientale, voir pré-christique, qui lutte en secret pour la libération spirituelle de la part obscure de son être, réconcillier son âme-soeur perdue dans l'obscurité et l'angoisse.

Ce pluralisme et ce climat de tolérance vont servir à l'inovation artistique et à une révolution de la pensée. C'est à l'occasion du culte de Dionysos [26], sous le prétexte de cette fête populaire des Dionysies placée sous le signe de la communion dans l'ivresse sacrée que les auteurs vont réformer la tradition et ouvrir une réflexion sur le sens de la liberté humaine et du destin collectif [27]. Ils donnent en spectacle le héro aristocratique et tragique, motivé par sa passion égocentrique, mû par sa colère et son ignorance, entrainant vers le drame sa maison, son peuple passif. "Cette fatalité n'est pas immuable" semblent-ils insinuer. "Prenons garde de suivre ce chef aveugle et dangeureux, mais pesons d'abord - ensemble - le Pour et le Contre de toutes nos initiatives". Du choeur populaire se détachent des voix originales, des protagonistes posent des questions, se répondent, ouvrent un dialogue, prennent le public à témoin. Une révolution de l'intelligence collective est en marche.

C'est cette irruption d'une responsabilité populaire, puisqu'elle brise ce cadre avantageux de la légalité traditionnelle et impose par des réformes drastiques de nouvelles finalités politiques, qui semble être "tyranique" pour les tenants du système aristocratique.

On vient de voir le "tyran" Pisistrate (-561) instaurer la fête populaire des Dionysies dans le but de renforcer la conhésion sociale et le consensus. Avant lui les législateurs Dracon (-621) et Solon (archonte en -594) ont tenté des réformes qui s'avèrent insuffisantes. L'un rédige un premier code de loi pénale [28] "connaissable par tous ceux qui ont appris à lire, au lieu d’être oral, connu et interprété par quelques-uns", l'autre réforme le code civil par l'abolition de l'esclavage pour dettes, libère de cette peine ceux qui y ont été condamnés et annule, pour partie, dettes privées et publiques. Solon réforme aussi l'institution politique par l'Héliée, tribunal du peuple et cour d'appel dont les membres sont tirés au sort. Mais sa réorganisation des classes sociales sur une base censitaire (capacité de production agricole) et son refus de redistribution des terres par réforme agraire, épargne les intérêts de l'oligarchie, maintient le mécontentement populaire. Une instabilité qui ouvre la voie à Pisistrate [29] qui appliquera des mesures opportunes d'ordre systémique [30] : "Par là, il devient le prototype des futurs hommes d'État, en ce sens qu'il montre que gouverner une cité, c'est prévoir et calculer des fins et des moyens à long terme." En cela il sera imité par le "tyran" Clisthène (-508) [31] dont les réformes, notamment celle territoriale [32], vont venir saper le pouvoir local des aristocrates et instituer une véritable communauté politique basée sur l'égalité citoyenne ou isonomieL'autorité de l'assemblée populaire ou Ecclésia va alors s'imposer aux collèges de la Boulè et de l'Aréopage.

On note dans ce tableau des réformes que la question agraire posée ne sera jamais résolue. La redistribution des terres (ou capital foncier) [33], qui aurait sapé les bases économiques du système aristocratique, privé cette classe des ressources de son influence déstabilisatrice, n'atteindra pas ces objectifs. Au moins trois raisons se présentent spontanément : d'une part le fait que les réformateurs appartiennent à l'aristocratie foncière et n'ont pu renoncer à cet avantage famillial et social ; d'autre part les superficies sont relativement faibles. Une propriété de 20 hectares est considérée comme importante, ce qui pose un problème épineux sur la taille des lots à redistribuer. Enfin la question de la réforme agraire rejoint celle de l'esclavage. La mise en question du servage impliquait une monétarisation accrue de l'économie, de même qu'un progrès de la productivité grâce à la mécanisation. Or la monnaie reste longtemps rare et thésaurisée (sous forme de lingot) comme réserve de valeur et l'innovation technique se maintient au point-mort dans la Grèce antique. Tout progrès de l'isonomie impliquait aussi - pour stabiliser un format plus égalitaire de la société - une plus grande intégration de la jeunesse défavorisée dans les forces armées (or la dernière classe sensitaire des Thètes reste exclue) et donc un accès plus général à l'émancipation et la citoyenneté. Autant de points sur lesquels un consensus n'a pu être trouvé. [34]

Pour résumer cette révolution républicaine ressemble plutôt à une évolution sur plusieurs siècles. Elle intervient aussi bien sur le plan des idées, dans l'évolution des mentalités, dans la prise de conscience du caractère dysfonctionnel du système aristocratique (oikos), que dans la mise en oeuvre de solutions raisonnées appliquées aux sous-systèmes social, économique, culturel ou politique.

A ce stade ultime nous pouvons schématiser cet empiètement général du système oikos (dont nous connaissons mieux les finalités et dispositifs) par le modèle de politea (qu'il nous reste à décrire).

Ce schéma illustre le système original de l'Oikos. Les sphères représentent les différents sous-systèmes, les traits les inter-relations. Par exemple, la fonction culturelle impose ses mythes et représentations au modèle politique en légitimant la prépondérance aristocratique, le droit coutumier, etc. Par rapport au modèle social, elle entretient une vision clanique et féodale de la société, son modèle d'exclusion sociale. De même pour le modèle économique elle soutient l'organisation féodale de la grande propriété foncière, l'esclavage, l'héritage patrimonial, l'épopée coloniale, etc. En retour le dispositif culturel reçoit une protection politique, des subsides, une reconaissance sociale des autres sous-systèmes. 

Par réformes successives, un système républicain (de politeia) se sur-impose au système dysfonctionnel de l'Oikos. L'empiètement des nouveaux dispositifs sur les anciens traduit une conquête réalisée au nom de l'utilité commune et par le moyen de l'arbitage politique ou de la réquisition. De cette substitution incomplète résulte une dualité organisationnelle et un double réseau d'allégeance : patrimoniale et républicaine [35]. Par exemple au collège des 9 archontes aristocrates on adjoint un tribunal populaire : l'Héliée. Avec les Dionysies on substitue à une cérémonie archaïque un nouveau théatre populaire, qui répond mieux aux aspirations sociales et à la recherche d'un consensus politique. Par la réforme de l'isonomie ou l'abolition de l'esclavage pour dettes, on tempère la prépondérance aristocratique et le modèle d'exclusion sociale, tout en évitant une réforme agraire (anadasmos) ou une taxation du patrimoine, ce qui contribue à maintenir la grande propriété et certains privilèges économiques, etc.

On observe alors que le dispositif politique s'affirme comme un outil de réalisation des réformes et des utopies sociales, selon un rôle déterminant d'initiative et de ré-organisation systèmique. L'intervention réfléchie, délibérée de la fonction politique vise désormais la mutation des sous-systèmes en fonction d'objectifs à atteindre et en vue de finalités, dont la plus évidente est celle d'un équilibre global du système.

[fin de la 1ère partie]

[1] ex. en -590, -580/-578, etc.

[2] L’archonte éponyme est, dans l'Athènes antique, le magistrat suprême, et le magistrat principal dans de nombreuses cités de la Grèce antique. Athènes comportait toutefois un conseil d'archontes formant une sorte de gouvernement exécutif. L'archonte éponyme1, ou tout simplement l'archonte sans autre précision, préside les réunions de la Boulè, de l'ecclésia, anciennes assemblées athéniennes ; l’instruction des procès de droit privé incombe également à l'archonte. Archonte éponyme http://fr.wikipedia.org/wiki/Archonte_%C3%A9ponyme

[3] ex. entre -667 et -664,-614 et -605, etc.

[4] "La stasis, est le terme par lequel les anciens Grecs désignaient une crise politique, morale et sociale qui résulte d'un conflit interne à une cité-état, souvent entre les riches et les moins riches, notamment à Athènes entre les Eupatrides (les « bien-nés ») et ceux que l'aristocratie désigne sous le nom de kakoï. Le nom « Kakos », qui signifie non seulement "mauvais", mais également "bête", "laid" et "honteux", laisse entendre que leur champ d’action est restreint et qu’ils ne se manifestent que par des nuisances occasionnelles, qu’il convient d’éviter en faisant l’une ou l’autre libation. (d’après Les Mythes grecs, Robert Graves [Fayard, 1968])" Stasis http://fr.wikipedia.org/wiki/Stasis

[5] Il est interessant de révéler cette zone d'ombre et d'ouvrir ce débat particulier autour de la notion de légitimité. En effet les réformateurs républicains se voient contraints - par loyauté patriotique et sage administration - de faire éclater les limites d'un système juridique et institutionel clos, dégénérescent et nocif pour élargir la base populaire d'un nouveau consensus politique. Alors que les partisans d'un modèle patrimonial traditionnel s'en gardent bien, mais exigent le respect de valeurs trop souvent contraires au bien commun, de normes inadaptées ou garantissants nombreux privilèges et intérêts abusifs. C'est ce conflit entre régression et progrès que nous retrouverons bientôt à Rome entre un droit privé jus dont bénéficie les familles aristocratiques dont César fait partie et une lex publica favorisant le principe républicain d'utilité commune dont Cicéron sera le plus fervent défenseur. L'histoire écrite de ce conflit latent ne transmettra qu'une version édulcorée et biaisée qui sera répétée à l'envie par les milieux accadémiques. Or il serait précieux que l'analyse systémique parvienne à en révéler et dénoncer les paradoxes. Ceci permettrait d'actualiser ce débat entre légalité et légitimité, entre droits patrimoniaux et bien commun, liberté commerciale et devoir citoyen, intérêt privé et volonté générale, individualisme et responsabilité. Cette démarche renouvellerait une histoire du droit et des institutions dont la finalité serait désormais de faciliter le dépassement d'une situation de stagnation, voir de récession culturelle, sociale, économique et politique.

[6] La polis est placée sous la protection d'une divinité tutélaire, est délimitée par une frontière garantie par un système militaire défensif, une organisation administrative ("Durant la Grèce antique, la chôra ou khôra (χώρα) désignait le territoire de la polis. La polis se composait en effet de la ville elle-même (astu ou asty) et de la chôra" http://fr.wikipedia.org/wiki/Ch%C3%B4ra) et une nouvelle organisation politique et juridique plaçant à égalité chaque tribu

[7] Voir extrait "Les « prétendants de Pénélope » constituent une opposition politique dont la valeur est sous-évaluée. On dit qu'ils se nourrissent des troupeaux d'Ulysse, qu'ils festoient dans son palais et qu'ils envisagent ensemble de prendre le contrôle politique de l’île. Outre le biais culturel qui provoque notre indignation, ces éléments sont significatifs : car dans la culture minoenne le palais est le lieu de dépôt des productions de tout le territoire, il est aussi un lieu de rassemblement et de festivité et enfin un lieu de décision pluraliste et consensuelle qui associe les savants, les magistrats et autres spécialistes de l'urbanisme, de l'artisanat, du commerce maritime, etc. Ulysse représentant de la culture achéenne militaire, hiérarchique et clanique - engagé dans des activités de piraterie - ne voit pas l’intérêt d'une telle profusion de compétences, ni le potentiel d'une diversité complémentaire des activités en vue de la stabilité et la prospérité de la Principauté - considérée comme propriété patrimoniale et non comme État."

[8] Thucydide rapporte : « En effet, au temps de Cécrops et des premiers rois jusqu'à Thésée, les habitants de l'Attique étaient répartis par bourgades, dont chacune avait son prytanée et ses archontes. En dehors des périodes critiques, on ne se réunissait pas pour délibérer aux côtés du roi ; chaque bourgade s'administrait et prenait des décisions séparément. On en vit même faire la guerre aux rois, comme il arriva aux gens d'Eleusis conduits par Eumolpos contre Erechthée. Mais quand Thésée fut devenu roi, quand par son habileté il eut conquis le pouvoir, entre autres améliorations il supprima les consuls et les magistratures des bourgades ; les concentra dans la ville actuelle où il fonda un conseil et un prytanée uniques et forma avec tous les citoyens une seule cité. Pour ceux qui continuèrent comme avant à cultiver leurs terres, il les contraignit à n'avoir que cette cité. Tout dépendant d'Athènes, la ville se trouva considérablement agrandie, quand Thésée la transmit à ses successeurs. La fête du syncecisme date de ce moment et les Athéniens maintenant encore la célèbrent aux frais de l'État en l'honneur de la déesse. » THUCYDIDE, HISTOIRE DE LA GUERRE DU PÉLOPONNÈSE LIVRE 2 Chap.15 http://remacle.org/bloodwolf/historiens/thucydide/livre2.htm#136

[9] "Dans l'Antiquité, le synœcisme (en grec ancien συνοικισμός / sunoikismós, dérivé de σύν / sún « avec » et οἰκία / oikia « maison », soit « communauté de maisons ») est l'acte fondateur d'une cité. C'est en général la réunion de plusieurs villages en un nouvel État. C'est donc de l'époque du synœcisme que datent ─ toujours en Grèce ─ l'aménagement d'une agora, le choix d'une divinité protectrice et l'édification de son temple ainsi que la construction de murailles urbaines. [...] Il s'agit réellement de constituer un ensemble plus vaste et plus fort, qui remplace l'ancien système de tribus territoriales ou gentilices comme moyen privilégié d'action politique. [...] telle serait la raison d'être, dans le nom « Athènes », d'un pluriel qui renverrait à la pluralité des villages regroupés par Thésée en une seule cité" Synoecisme

[10] Nous avons déjà évoqué le fait que la société minoenne entretenait une origine avec la culture de Mureybet. Cette culture se développe autour d'une organisation communautaire, une économie agricole et pastorale et selon des rites religieux autour de la dévotion à la déesse-mère et au dieu-taureau, maître des animaux.

[11] L'Archonte Mégaclès fit mettre à mort Cylon et ses partisans, auteurs d'un coup d'État manqué en -632 et qui s'étaient pourtant réfugiés sur l'Acropole, auprès des autels des dieux. Les Alcméonides furent plus tard bannis de la cité pour ce sacrilège.

[12] « Mandé par eux [en 595 av. J.-C.] vint de Crète Épiménide de Phaestos, considéré comme le septième des Sages par certains de ceux qui ne reconnaissaient pas Périandre. De plus, sa réputation était celle d'un homme cher aux dieux et savant dans les choses divines, dans la connaissance inspirée et initiatique. » Plutarque, Vies parallèles

« Épiménide le Crétois ne devinait point les choses futures, mais celles du passé qui étaient inconnues. » Aristote, Rhétorique Epiménide http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89pim%C3%A9nide

[13] voir : Ionie http://fr.wikipedia.org/wiki/Ionie

[14] On ne peut non plus occulter - depuis cette nouvelle aptitude à penser, à transformer le réel et de ces réformes drastiques - l'effet sur l'environnement proche et plus lointain sur l'évolution de la civilisation occidentale

[15] "Thésée, qui pouvait succéder à son aïeul dans un assez grand royaume, et vivre tranquillement à Trézène, se porta de son propre mouvement, et sans que rien l'y obligeât, aux plus grandes entreprises. [...] les victoires sur Sciron, Sinnis, Procruste et Corynètes, que Thésée fit périr, pour ainsi dire, en chemin faisant, ne furent que les préludes de son courage. Par leur punition et par leur mort il délivra la Grèce de ces tyrans cruels avant même qu'il fût connu de ceux dont il était le libérateur  ; et ce qui ajoute à sa gloire, c'est qu'il pouvait, en prenant le chemin de la mer, voyager en sûreté, sans avoir rien à craindre des brigands. [...] Une grande preuve de la supériorité de Thésée, c'est que, sans avoir reçu aucune insulte de ces brigands, il alla les attaquer pour l'intérêt des autres. [...] Thésée et Romulus étaient nés tous deux pour gouverner ; mais ils ne surent ni l'un ni l'autre conserver le caractère de roi. Ils firent dégénérer la royauté, l'un en démocratie et l'autre en tyrannie ; ils tombèrent tous deux dans la même faute par des passions contraires. Le premier devoir d'un roi est de conserver son état ; et pour cela, il doit autant s'abstenir de ce qui n'est pas convenable que s'attacher à ce qui est décent. S'il relâche ou s'il roidit trop les ressorts du gouvernement, il cesse d'être roi : il n'est plus le chef de son peuple ; il en devient le flatteur ou le despote, et s'attire infailliblement sa haine ou son mépris. De ces deux défauts, l'un semble venir d'un excès de douceur et d'humanité, l'autre de l'amour-propre et de la dureté." Plutarque LES VIES DES HOMMES ILLUSTRES

[16] Il est possible qu'il s'agisse d'un coup d'Etat militaire organisé par de jeunes aristocrates. "Les Dioscures sont le symbole des jeunes gens en âge de porter les armes. Ils apparaissent comme des sauveurs dans des situations désespérées." v. Dioscures Castor, "dompteur de chevaux", et Pollux, "le pugiliste" seraient alors l'un chef de cavalerie, l'autre d'infanterie. Leur divinisation par la poésie homérique aurait eu pour fonction de légitimer cette révolte aristocratique. Ce coup d'Etat à Athènes se situe chronologiquement comme le point de départ d'une réaction féodale mycénienne qui aboutit à la guerre de Troie, au massacre du parti minoen et pélasge à Ithaque et ailleurs, à un effondrement de l'autorité politique dont les vestiges sont balayés par l'invasion dorienne, etc.

[17] "Les origines du mythe remontent au VIIe siècle av. J.-C., notamment d'une épopée archaïque appelée la Théséïde [...] comme en témoignent les nombreux vases à son effigie datés de cette période, et son apparition dans les tragédies attiques. C'est dans le courant du Ve siècle que le personnage de Thésée est récupéré par l'idéologie civique athénienne, qui fait de lui le fondateur de la cité, de son calendrier, de ses fêtes religieuses, et même de la démocratie." Thésée

[18] Dans ce Conseil restreint, l'archonte-roi est "en charge des affaires d'homicide et les crimes d'impiété", l'archonte-éponyme "avait en charge l'administration civile et la juridiction publique" et le polémarque (ἄρχων πολέμαρχος / árkhôn polémarkhos), il avait en charge les affaires militaires. "En 683 avant JC, est institué un collège annuel de neuf archontes, dont les trois premiers se partageaient les anciennes prérogatives de la royauté."Archontat

[19] Ce système implique une organisation féodale de la société où des "maisons" aristocratiques se livrent à une permanente lutte d'influence, tempérée à l'occasion par l'arbitrage royal. En Grèce on voit ce sytème comme un héritage des invasions des bandes de guerriers indo-européens, ailleurs il résultera de l'effondrement de l'autorité centrale ou étatique.

[20] On a envisagé qu'elle était à l'origine de l'instabilité, de la fragmentation et dégradation de la société mycénienne entre la conquète du territoire et l'irruption dorienne.

[21] "Qui sont les acteurs du système, que veulent-ils, que pensent-ils ? Le savoir permettra d’éclairer les décisions ultérieures. On procède généralement en faisant la liste des personnes et des populations potentiellement affectées par un projet. On identifie les enjeux potentiels de chacun ainsi que présupposés qu’il est susceptible de projeter sur la situation (“frames of mind” en Anglais). Selon les cas, l’analyse est esquissée, comme ici (on ne regarda que 3 populations) ou poussée de façon plus méthodique."  “La méthodologie systémique : Présentation des outils systémiques à partir du récit d’un projet en Préfecture” H. Roux de Bézieux, 2004

[22] Voir évergétisme

[23] "Il est en effet bien connu aujourd’hui, grâce aux travaux des sociologues, que, tout comme les sociétés ne sont pas des corps homogènes mais se voient constituées d’interférences multiples entre sous-groupes, de même il ne saurait être question d’un groupe social unique et soudé que l’on dénommerait “élites”. Désigner par le vocable “élites” ceux que l’on regroupait volontiers sous l’étiquette de “classe dirigeante” ne fait, à vrai dire, guère progresser let al.2004 ; Chankowski 2005. multitude de petits groupes qui auraient pour point commun de “donner le ton” à diverses catégories sociales qui entretiennent des relations variées – et pas toujours hiérarchiques – les unes avec les autres, formant ce que l’on appelle un tissu social. L’étude des “élites” implique donc aussi, en fin de compte, la détermination des “groupes qui comptent” dans ce réseau complexe. Or, depuis les travaux de Walter Burkertou de Claude Calame, entre autres, on reconnaît sans problème le rôle de miroir social de la fête et singulièrement de la procession. On peut donc légitimement supposer que la pompè – ce déplacement groupé et ordonné, d’un point précis à un autre, en vue du transport d’un objet ou de l’accompagnement d’une personne ou d’un animal –, qui constitue une manifestation sociale commune à toutes les cités grecques, traduit assez fidèlement la nature du tissu social et l’importance relative des différents corps d’une société. Et ceci d’autant plus que la procession en question sera censée représenter l’ensemble de la cité et attirera un large public. De nombreux travaux ont fortement insisté sur la puissance d’évocation symbolique des manifestations civiques, dont les processions, et leur relative efficacité dans le gouvernement des cités. Dès 1981, Edward Muir soulignait, à propos de la Venise renaissante, le fait que les rituels civiques constituaient de véritables “commentaires sur la cité, sur ses dynamiques internes et ses relations avec le monde extérieur”. En “commentant” de la sorte les réalités civiques, les processions illustrent un ordre idéal et procurent aux différents corps de la société une base d’échanges et de dialogue dans des sens très variés. Et c’est souvent l’image d’une forme de “consensus de la représentation sociale” qui est dépeinte par la procession" Didier VIVIERS Élites et processions dans les cités grecques : une géométrie variable ?

[24] Par ex. Pisistrate "voit la nécessité de créer un évènement extraordinaire avec une participation collective, afin d’intégrer les citoyens au nouveau système représenté par la tyrannie." cf. Dionysies

[25] http://fr.wikipedia.org/wiki/Orphisme_%28religion%29

[26] "Dionysos, c’est la figure de l’autre. Cela veut dire que dans un monde grec où les divinités elles-mêmes s’insèrent dans un certain ordre, lui n’incarne pas le désordre comme les bêtes monstrueuses dont nous avons parlées, il incarne toujours l’ailleurs. C’est un dieu que l’on ne peut pas localiser, il n’est nulle part. Il est né à Thèbes, nous le verrons, mais c’est un dieu en même temps de l’errance. C’est un dieu vagabond. Il arrive dans les villes comme une maladie, une épidémie. Détienne dit que le Dionysos est un dieu épidémique. Cela veut dire quoi ? Cela veut dire que quand il arrive dans une région, dans une cité, comme une maladie qui se répand, les femmes vont être prises d’un délire dionysiaque. L’idéal grec, c’est la sophrotuné, le bon sens, le contrôle de soi, la raison, le juste-milieu."Jean-Pierre Vernant http://www.fabriquedesens.net/Dionysos-par-Jean-Pierre-Vernant

[27] Au cours du VIe siècle av. J.-C. et du Ve siècle av. J.-C., le théâtre est né et s'est développé à partir des dithyrambes, des processions, des danses, des chants et des paroles chantées à la gloire des héros grecs. Ces spectacles ont lieu autour des temples consacrés au culte de ces figures illustres ou sur l'agora dans la région de Corinthe. Lentement, un lieu spécifique s'intègre au temple pour les représentations proprement théâtrales. La tradition rapporte que Thespis, auteur du VIe siècle av. J.-C. qui se produit près d'Icaria, révolutionne le dithyrambe : il y introduit le premier acteur, le protagoniste. Pendant que le chœur chante les dithyrambes, l'acteur soliste, Thespis en l'occurrence, intercale des vers parlés. Le protagoniste joue alors tous les rôles. C'est la forme primitive du théâtre, qui connaît dès lors un développement très rapide. Phrynichos, poète tragique du VIe siècle av. J.-C., dont l'œuvre se résume aujourd'hui à quelques fragments, exerce ensuite une influence notable sur le développement du texte et sur les premiers grands dramaturges. Le récit dramatique, au lieu de raconter et de résumer les faits, permet bientôt de représenter en temps réel le déroulement des actions des héros. Dès 538 av. J.-C., Pisistrate organise le premier concours athénien de tragédie. Eschyle introduit le deutéragoniste (deuxième acteur) et Sophocle le tritagoniste (troisième acteur). Les Perses d'Eschyle, écrite en 472 av. J.-C., est la plus ancienne tragédie entièrement conservée.

Au temps du développement de la philosophie, de la sophistique et de la démocratie, le théâtre devint sujet à des interrogations politiques ou éthiques, mais, puisqu'on célèbre toujours Dionysos au temple, son culte demeure étroitement lié au théâtre. Non seulement les représentations théâtrales content-elles des mythes et des fables, mais elle se déroulent pendant les Dionysies et les Lénéennes. En outre, le théâtre est organisé de manière à instaurer un support pour la communication avec les dieux, et avec Euripide, pour remettre en question la valeur de leurs attitudes et de leurs actions sur les hommes et leur condition. http://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9%C3%A2tre_grec_antique

[28] Cette évolution juridique semble illustrer la transition entre une justice immanente, "naturelle" qui consacre le pouvoir clanique où le criminel bénéficie de l'impunité par la protection clanique et féodale, vers une justice civile qui assume la responsabilité publique d'une régulation des troubles par la condamnation indifférenciée des fauteurs. On peut aussi y voir une transition entre la coutume de vendeta vers l'attribution à l'institution d'une souveraineté judiciaire. Antagonisme entre Thémis et Diké. "Thémis désigne le droit familial et s’oppose à dikè qui est le droit entre les familles de la tribu (...) De plus, la thémis est d’origine divine". Benveniste, Le vocabulaire des institutions indo-européennes, II, 2, ch. 1 ("Thémis"), p. 102-103. "Le sens du mot thémis se limite plutôt à l’autorité judiciaire (...) tandis que dikè équivaut à la contrainte légale exercée par la justice. Au cours des luttes menées par une classe qui toujours s’était vue dans l’obligation de recevoir la justice comme thémis — c’est-à-dire comme une autorité inéluctable et dominatrice — on voit comment le mot de dikè devint un cri de guerre (...). Le mot de dikè comportait une autre signification qui le rendit encore plus utile dans ces luttes de classes : il voulait dire égalité." Jaeger, Paideia, Gallimard, 1964, ch. VI ("La cité-État et son idéal de justice")

[29] Comme chef des Diacriens ou de la paysannerie pauvre

[30] "Il s'attaque aux privilèges des riches, résout la question agraire en instaurant dans l'Attique une sorte de crédit agricole, favorise l'industrie et le commerce maritime : les finances sont assainies grâce aux mines d'or du Pangée et à la mise en valeur des mines d'argent des Mines du Laurion [...] Un impôt de 5% sur le revenu permet de financer l'Etat. Pour payer le blé vendu à bas prix, il encourage le développement de la céramique athénienne, fait frapper les premières monnaies de l'Attique connues sous le nom de monnaies à blasons. Il permet l'établissement de colonies militaires sur l'Hellespont, entreprend la conquête des Cyclades, de Naxos, où Pisistrate établit la tyrannie de son ami Lygdamis, et de Délos, centre religieux et commercial. Ainsi, il s’assure l'approvisionnement en blé qui, aux Ve et IVe siècles av. J.-C., alimentera Athènes."

[31] "La figure de Clisthène est paradoxale : il a établi les fondements de la première démocratie au monde, or c'est un personnage qui a laissé peu de traces dans les sources hellènes, contrairement à Solon par exemple. Pour Claude Mossé, cette énigme historique résulte d'une « conspiration par le silence ». La tradition écrite a gommé systématiquement l’œuvre de Clisthène ; ainsi les raisons de la réforme, son contexte, les faits du personnage n'apparaissent que dans deux sources qui ne sont pas contemporaines." v. Clisthène d'Athènes

[32] "En 508 av. J.-C., Clisthène élimina les derniers vestiges de l'organisation politique fondée sur les groupes familiaux, et en particulier sur les quatre tribus ioniennes. Le principal problème de cette division est qu’elle renforçait le pouvoir politique des citoyens de la ville et des factions régionales dominées par des aristocrates qui contrôlaient le reste du territoire. [..] Clisthène divisa l’Attique en plus d’une centaine de dèmes, environ cent trente-neuf, de population inégale. Un dème pouvait représenter un quartier, une ville ou un village. Ces petits territoires devinrent l’unité de base des réformes. [...] Clisthène regroupa ensuite tous les dèmes dans 10 nouvelles tribus, de telle sorte qu'aucune tribu n'eût un territoire d'un seul tenant ou ne représentât une force locale. Grâce à cette répartition, des groupes de gens venus des différentes parties de l'Attique, donc d'origine et de culture différentes furent obligés d'agir en commun. Malgré la division géographique, chaque tribu avait un rôle spécifique. Elle était le lieu de recrutement de la majorité des magistrats d’Athènes, des juges, de l’armée, etc. La naissance de ce véritable corps civique repoussa les limites imposées par la somme des intérêts locaux et familiaux des cités, et forma alors une communauté politique contrastant avec les réalités de la communauté archaïque, désormais dépassée."

[33] L'anadasmos était une réforme qui consistait à partager les terres entre les paysans, de manière à abolir la domination des grands propriétaires. L'un des premiers à l'avoir pratiquée était Clisthène l'Athénien. On peut considérer cette réforme comme l'ancêtre du programme des Gracques plus de trois siècles plus tard, voire comme la base du communisme tel que Lénine le promet aux paysans russes dans ses thèses d'avril. http://fr.wikipedia.org/wiki/Anadasmos Cet anadasmos implique aussi une nouvelle conception collectiviste et un fonctionnement coopératif (peut-être sous incitation politique et juridique telle qu'on la trouve dans la culture asiatique dans la notion de responsabilité villageoise) qui ne s'inscrit pas ni dans la pratique, ni dans la culture grecque classique. Cette collectivisation n'était applicable que dans le cadre une vaste réforme sociale et économique. Emancipatrice en faisant des esclaves une classe de paysans/ouvriers, mais responsabilisante en faisant de ces affranchis des coopérateurs selon les termes d'une responsabilité solidaire dans la contribution productive au profit de la Cité-Etat (sur le modèle de l'administration Qin).

[34] "surtout à partir du VIIe siècle av. J.-C., on constate l'émergence de revendications récurrentes des groupes sociaux inférieurs, visant à une redistribution générale des terres et à une annulation des dettes.

Cet état de stasis (« désordre civil », voire « guerre civile ») entre l'aristocratie foncière et le reste de la population est d'autant plus violent, que la terre apporte bien davantage que la possibilité d'avoir sa propre exploitation agricole. Sa possession constitue en effet souvent une condition indispensable pour disposer des droits politiques jusqu'ici accaparés par les grands propriétaires : en réclamant un partage des terres, c'est aussi une démocratisation du fonctionnement politique de la cité qui est visé." [...] "Cette situation foncière et sociale est « stabilisée dans une inégalité que l'accession du dèmos à l'égalité politique [notamment à Athènes] rendit sans doute supportable puisque l'exigence d'une redistribution du sol disparaît de notre documentation »" Agriculture en Grèce antique Wikipédia

[35] Il s'ensuit une confusion certaine. Lorsqu'on parle de culture grecque antique, il faut préciser si l'on parle de celle afférente au modèle de l'oikos ou celle de la politeia, tant ces modèles diffèrent l'un de l'autre autant par leur nature que par leur finalité propre. De même qu'un monde sépare, entre la recherche de l'isonomie et la tradition aristocratique, deux modèles de société qui vont s'affronter. Un conflit irréductible dont nous percevons encore l'actualité à notre époque.


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1 réactions à cet article    


  • zygzornifle zygzornifle 31 juillet 2015 13:19

    Stasi ?? Le trio Satanique Valls-Cazeneuve-Hollande est en train de la mettre en place tranquillement  : Dieudonné, Soral, Zemmour, la loi sur le renseignement n’est qu’un amuse bouche le pire est a venir ......

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