Stress tests bancaires : résultats dans 10 jours...
Dans dix jours, l'ABE et le BCE rendront publiques leurs conclusions portant sur les stress tests auxquels ont été soumis 124 banques européennes. De ces futures informations dépendent bien des évolutions de la conjoncture sous douze mois.
La vulnérabilité éventuelle des banques n'est pas une mince affaire : elle doit être traitée avec précautions et même prévenance tant les enjeux sont d'importance. Or, il est probable que sur l'échantillon d'établissements soumis à " une revue de la qualité des actifs " (AQR ), tant l'ABE ( Autorité bancaire européenne ) que la BCE risquent de hisser un pavillon rouge sinon orange ce qui démontrera leurs rectitudes, leurs efficacités de contrôleurs de dernier ressort mais induit le risque réel et tangible d'envoi aux marchés de signaux négatifs à fondement auto-réalisateur.
De mauvais bruits ont ainsi circulé concernant une banque italienne mais aussi une importante banque allemande. Selon une dépêche Reuters ( Rome/Francfort, 25 Septembre ) : " L'Autorité européenne des marchés financiers (Esma) a demandé aux banques de la zone euro de traquer toute rumeur sur les résultats des tests de résistance que la Banque centrale européenne (BCE) leur fait subir, a-t-on appris de sources au fait du dossier "
Le 26 octobre, nous saurons de quoi il retourne. Nous aurons la liste des banques dont l'exposition aux risques est potentiellement excessive et obère leurs facultés de résistance aux chocs exogènes, qu'ils soient économiques ou financiers.
Nous avons déjà eu l'occasion d'exprimer notre pleine approbation quant au système de supervision bancaire
qui est un outil de type premium pour qui veut être assuré de la qualité du bilan d'un établissement financier. Tel est bien le prix à payer face à la défiance consistante et persistante de certains investisseurs depuis 2008. Défiance qui rejaillit sur nos vies du quotidien car une banque plongée dans le nombrilisme légitime de l'assainissement de la qualité de ses créances n'est pas un acteur promouvant pour le financement de l'économie réelle d'où les foyers repérés de "credit-crunch" dénoncés ici et là, y compris par une autorité telle que le gouverneur Christian Noyer. " Nous avons fait beaucoup de réformes mais le crédit, en tout cas le crédit bancaire n'est pas au rendez-vous (...) Mais le crédit bancaire reste atone. " ( C. Noyer : Aix-en-Provence, le 5 juillet 2014 ).
Formons donc le vœu que la transparence améliorée qui viendra du 26 octobre permette d'enclencher une spirale vertueuse vers la confiance et non l'application de la théorie du cygne noir du fait de banques au comportement contestable. Ceci a existé et l'Espagne de l'affaire Bankia aussi.
A ce sujet, il est parfois commis une commodité de langage : on parle de risques " assez provisionnés " ce qui n'est plus le cadre que les normes IFRS imposent. Il convient en effet de se référer à la notion de pratiques de dépréciation. En France, l'article 322-5-1 du PCG ( Plan comptable général ) définit les conditions de constatation des dépréciations. Clairement, il doit y avoir engagement d'un test de dépréciation quand des indications de perte de valeur se font jour.
Mais nous sommes ici au nœud gordien de la question. La combinaison des articles 322-5-3 du PCG et R 123-178-5° du Code de commerce impose de constater une dépréciation si la valeur actuelle ( le plus haut des valeurs vénale et d'usage ) est " notablement inférieure " à la valeur nette comptable. Or ce vocable n'a pas, à ce jour, donné lieu à un encadrement règlementaire. Oui, il y a donc marge d'interprétation possible et marge conséquente pour un éventuel jongleur par opposition à un établissement rigoureux.
15 jours après le 26 octobre, d'aucuns auront une pensée émue pour le premier anniversaire du départ de l'estimé grand auditeur français que fût Edouard Salustro. De mes travaux avec lui ( qui accepta de préfacer mon premier livre public de libres contributions économiques ), je retiens que nous étions à l'unisson sur le caractère non vertueux de cette souplesse rédactionnelle. " Notablement " n'est guère précis et il faut de surcroît le remettre dans le contexte moderne de la dématérialisation de la tenue des comptes qui peut porter atteinte à la sécurité des procédures. ( Comptabilité et Droit comptable, Edouard Salustro et François-Denis Poitrinal, page 689 ).
De surcroît, les praticiens de l'audit bancaire savent bien que le bilan n'est qu'une partie de l'exposition aux risques. La question de la supervision et de sa puissance investigatrice se jugera, au long cours, sur ses capacités à éclaircir le hors-bilan des banques dont un expert a écrit en termes aussi précis qu'incontestables.
"Une activité notable du banquier est la prise ou réception d'engagements significatifs (opérations de hors-bilan) sans qu'il y ait transfert de fonds. Il peut en découler que ces engagements ne génèrent pas d'écritures comptables dans les systèmes généraux. La non-prise en compte de ces éléments peut être difficile à déceler", Jean-Luc Siruguet, in "Le contrôle comptable bancaire" (Revue Banque Édition : page 86).
Avec ce genre d'épée de Damoclès, cela nuance la portée des exigences de ratio de fonds propres dits durs ( CET1). Or, les tests de résistance sont principalement des revues d'actifs ( y compris sur l'ensemble des détentions de dettes souveraines ? ), des examens de conformité aux dispositifs règlementaires ( Bâle II puis Bâle III ) et des analyses d'impact de chocs exogènes.
S'agissant des chocs exogènes, il convient de rappeler, en ces temps hélas heurtés de géopolitique, que les tests micro-prudentiels enregistrent les risques d'atteinte à l'intégrité de la banque ( cyber-attaques, intrusion terroriste ) et la pertinence des PRA ( plan de reprise d'activité ) qui sont un coût croissant.
A ce stade, deux points d'importance sont livrés à la sagacité du lecteur.
D'une part, beaucoup a été écrit sur le risque systémique mais rien ne permet de l'appréhender avec un vrai niveau de précision. D'abord, parce que la propagation est une notion complexe en économie ouverte et interdépendante. Puis, parce que selon mes travaux, le risque systémique est consanguin de l'effet de bord. " Il s'agit de la modification d'une propriété lors de l'approche ( au propre ou au figuré ) d'une valeur. Bien souvent, l'étude des phénomènes se fait en négligeant l'effet de bord ". ( citation Wikipédia ). D'autre part – et c'est un point capital – les conclusions des stress tests vont nécessairement faire évoluer les modèles économétriques de la BCE voire des autres banques centrales. En clair, la cartographie du 26 octobre sera un élément de reparamètrage des DSGE : dynamic stochastic general equilibrium models.
Convenez que c'est une affaire d'importance en ces temps d'atonie du crédit, de " panne d'activité " ( Ministre Sapin ) et de menaces déflationnistes persistantes.
26 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON