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Une décennie perdue en vue ? Enseignements de la crise japonaise des années 90

Texte paru dans les Cahiers marxistes n° 240 (mai-juin 2010). Le Ce texte fera l’objet d’une intervention, le 23 septembre 2010, au Congrès Marx international VI organisé par l’université Paris X (Nanterre).

Sans doute le changement d’échelle peut-il impliquer un « saut qualitatif », du moins faut-il avoir pris bonne mesure du scénario japonais.

La crise japonaise a commencé par une immense bulle spéculative qui a porté principalement sur l’immobilier. L’éclatement de cette bulle en 1991 va amener les autorités japonaises à envisager comme seules réponses à la crise une baisse spectaculaire des taux d’intérêt et un creusement des déficits pour essayer, en vain, de redynamiser la croissance du PIB. L’absence de mesures de restructuration du secteur bancaire conduisit ce dernier à couper le robinet du crédit et à profiter de la liquidité mise en circulation par la Banque du Japon pour masquer les pertes de ses bilans.

A cet égard, la baisse des taux d’intérêt, lors de la crise japonaise, a joué comme une forme de subventionnement par les pouvoirs publics des pertes réalisées par les établissements financiers de l’archipel. Le climat économique dégradé du Japon des années 90 amena les pouvoirs publics nippons à multiplier les déficits et l’endettement publics. En vain tant le crédit à destination des particuliers et des entreprises était gelé.

Lorsque la crise financière actuelle a éclaté, en 2008, les Etats-Unis n’ont cessé de répéter qu’ils avaient retenu les leçons de la crise japonaise. Notre thèse, comme on le verra, est qu’il en va tout autrement.

Flash back

Après la défaite de 1945, les ménages japonais ont accumulé des surplus d’épargne. C’est à partir de ces surplus que l’économie japonaise a pu entreprendre sa reconstruction. Le dynamisme de l’économie nipponne a permis à l’archipel de disposer d’une balance commerciale positive. Ce qui a eu pour effet d’apprécier le yen par rapport aux monnaies étrangères. Cette appréciation du yen a rendu la possession d’actifs nippons particulièrement intéressante au milieu des années 80. A cette époque, les autorités monétaires du Japon, des Etats-Unis, de la RFA, de la France et de la Grande-Bretagne ont mis en œuvre une dépréciation spectaculaire du dollar, suite à l’’adoption des Accords du Plaza (1985).

Cette politique visait à réduire le déficit de la balance courante des Etats-Unis occasionnée par le cours exceptionnellement haut du dollar depuis le début de la décennie. Les Accords du Plaza répondaient également à une inquiétude des pouvoirs publics américains face à la dégradation constante de la balance commerciale (déficitaire) des Etats-Unis face au Japon. Du point de vue du cours du yen, les Accords du Plaza ont atteint leur cible. Aussi, la devise japonaise va-t-elle s’apprécier sensiblement par rapport au billet vert.

Une appréciation du cours du yen par rapport au dollar a pour conséquence de pénaliser les exportations japonaises vers la zone dollar. Et une récession se profile alors sur l’archipel. Pour faire face à ces menaces, la Banque du Japon va s’engager dans une politique de baisse des taux d’intérêt. Parallèlement, les Accords du Plaza entraînent un mouvement de rapatriement des capitaux japonais investis aux Etats-Unis. Ces capitaux, très réticents face à la baisse du dollar (qui entame la rentabilité de leurs investissements), vont doper les cours des actifs financiers cotés à la bourse de Tokyo et l’immobilier.

Car les banques nipponnes, profitant du confortable matelas d’épargne des ménages locaux et du faible niveau des taux d’intérêt, ont augmenté leurs prêts à risques. Ce qui a renforcé les activités à caractère spéculatif. Entre 1985 et 1989, la capitalisation boursière de Tokyo passe de 60 % à 150 % du PIB.

Ce déchainement de forces spéculatives va durer jusqu’au début des années 90, lorsqu’à l’échelle mondiale la hausse des taux d’intérêt réels entraîne un éclatement des bulles spéculatives au sein des nations développées. Le cycle d’euphorie entamé dans les années 80 prenait fin. Et les prix dans le secteur immobilier ont baissé sans discontinuer entre 1991 et 2006.

Les autorités japonaises ont peiné à assainir un système bancaire national dont la solvabilité était des plus fragiles. « L’attitude des autorités japonaises face à la crise générale de solvabilité du système bancaire national est au cœur de cette longue récession. Leur incapacité à assainir un système bancaire protégé mais sans contrôle a enraciné dans les pratiques de crédit un aléa de moralité qui n’a cessé de se développer avec le temps, accentuant les déséquilibres financiers et les propageant à l’ensemble de l’économie »1 .

La politique accommodante des autorités monétaires a permis d’éviter l’effondrement déflationniste de l’économie nipponne jusqu’à la fin des années 90. En allouant des crédits à bon marché à des banques passablement fragilisées, la Banque du Japon permettait à l’acteur bancaire national de se refaire à peu de frais. Le système bancaire, littéralement étouffé par ses pertes, était sous perfusion permanente de liquidités accordées inconditionnellement et à bon marché. Cette politique de crédit facile aura surtout permis au secteur bancaire d’éviter une douloureuse (mais nécessaire) restructuration.

De 1990 à 1997, les autorités japonaises espèrent qu’une politique macroéconomique de relance par des taux d’intérêt bas soutiendra l’activité. Les pouvoirs publics nippons espéraient que ce soutien se traduirait par une progression des revenus de nature à amortir le choc subi par le secteur bancaire. Force est de constater que ce n’est pas exactement ce qui s’est passé dans la réalité.

La politique de relance par le crédit a surtout dopé l’activité spéculative du secteur bancaire japonais. Par ailleurs, les faibles pressions à la restructuration du secteur bancaire ne vont pas spécialement inciter les banques nipponnes à nettoyer leurs bilans. Dès lors, la politique de baisse des taux d’intérêt ne se propage pas de manière à doper l’économie nipponne.

Les banques japonaises empruntent, certes, auprès de la banque centrale à faible taux d’intérêt.

Mais, cas typique de trappe à liquidité, elles ne réinjectent pas ces fonds dans l’économie locale. Au sujet de la relance japonaise, le néo-keynésien Paul Krugman s’est montré explicite : « Les consommateurs et investisseurs japonais ne dépensent pas suffisamment pour maintenir en activité les usines et les magasins du pays en activité. Et les remèdes usuels (…) se sont avérés inopérants. Les taux d’intérêt ont, pourtant, été abaissés aussi loin que cela était possible »2 .

La distribution insuffisante du crédit crée un climat économique récessif. Et un cercle vicieux, sur plan macroéconomique, s’installe. Car la réaction de la Banque du Japon, face à la récession qui s’installe, se résumera de plus en plus à une politique de baisse continuelle des taux d’intérêt. Cette détente perpétuelle du loyer de l’argent fonctionnera in concreto comme une garantie (implicite, puis explicite à partir de 1997) sur les passifs des banques qui retardent de plus en plus la restructuration de leurs bilans. Et les baisses de taux d’intérêt s’avèrent de plus en plus inopérantes pour redynamiser l’économie nationale.

Le resserrement du crédit amène, en effet, progressivement les entreprises à réduire leurs investissements (de 20 % à 15 % du PIB entre 1990 et 1997). De plus, la demande extérieure est annihilée vu l’appréciation du yen par rapport au dollar. L’économie japonaise se caractérise donc à la fin des années 90 par une orientation structurelle à la baisse. Et l’adoption du taux d’intérêt zéro en 1999 ne fera que renforcer cet état de choses. Progressivement, la récession se mue en déflation au fur et à mesure que les profits des entreprises s’amenuisent et que les marchés (tant immobiliers que boursiers) continuent leur mouvement à la baisse.

Vu le caractère déprimé des marchés et de l’activité économique au Japon, les créances douteuses s’accumulent de plus en plus au sein des bilans bancaires. Et puisque, comme nous avons déjà pu le repérer, la politique de baisse continuelle des taux ne fait que renforcer l’irresponsabilité (l’impunité ?) de l’acteur bancaire japonais. « Plus le temps passe, plus les comportements se crispent, au niveau des banques comme des entreprises. Le système bancaire et financier répugne à se séparer de mauvaises créances ou à liquider des portefeuilles de titres sur des marchés déprimés pour ne pas avoir à réaliser des pertes encore dissimulées »3 .

Ce faisant, la liquidité du système économique se restreint de plus en plus. Et le crédit a de moins en moins de chances de parvenir aux ménages et aux entreprises. L’investissement et la consommation sont littéralement étouffés. Au total, les perspectives de reprise s’avèrent de plus en plus chimériques.

Qu’on se rassure ! Les baisses successives de taux d’intérêt dans le Japon des années 90 auront tout de même profité au monde financier. Via le carry trade, une opération qui, pour faire court, consiste à emprunter dans une monnaie dont les taux d’intérêt sont bas (comme le yen) et à placer cette somme dans des pays qui proposent des taux d’intérêt nettement plus rémunérateurs.

Au cours de la décennie 2000, la principale monnaie ayant servi de support à ce type d’opération était précisément le yen. La raison en est évidente. Elle repose sur le différentiel de plus en plus important entre les taux d’intérêt proposés par la Banque du Japon (1 à 0%) et ceux en vigueur, jusqu’en 2008, aux Etats-Unis et en Europe, ou encore dans la zone Pacifique (Australie et Nouvelle-Zélande).4

Au total, la politique de baisse des taux d’intérêt s’avère de plus en plus impuissante à empêcher la récession puis la dépression de l’économie nipponne. Ce qui, en soi, n’a rien d’étonnant. Dans la mesure où une baisse de taux d’intérêt constitue une politique de type conjoncturel. Or, les problèmes que traversait le Japon depuis les années 90 étaient de nature structurelle. L’incapacité évidente des autorités à adopter d’autres mesures que monétaires au sens strict du terme explique l’apparition d’une dépression au pays du soleil levant à la fin de la décennie.

Dépression et décennie perdue

Au troisième trimestre de l’année 1997, le poids des créances douteuses va provoquer la faillite d’établissements financiers prestigieux, la Hokkaido Takushoku Bank et la maison de titresYamashi5 . La faillite de Yamashi a entraîné une réaction en chaîne particulièrement brutale. Pour comprendre l’importance de ce choc, il nous faut revenir sur l’importance des kereitsu et du système de « convois » au Japon6 .

Le système de convois impliquait le sauvetage d’entreprises en difficulté par des compagnies issues du même secteur industriel au sein de regroupements de type kereitsu. Quant aux kereitsu, il s’agit de conglomérats au centre desquels on retrouve une grande banque dont la mission consistait à fournir du capital à bon marché aux autres composantes de l’ensemble. Les compagnies composant le kereitsu remplissent les unes vis-à-vis des autres des fonctions mutuelles de clients et de fournisseurs. L’effondrement de Yamashi trouve son explication dans le refus de la banque du kereitsu (dont, précisément, la maison de titres faisait partie) d’intervenir. Le traumatisme est profond dans la mesure où la prise de risque sur des projets (notamment immobiliers) de long terme reposait précisément sur la possibilité de faire appel aux banques, clé de voûte du système de kereitsu. Le cœur du système était en péril à travers sa composante de financement de l’activité économique.

La peur s’empare alors d’une partie des agents économiques. Aussi, dès l’annonce du lâchage de Yamashi, pouvait-on constater une augmentation importante de liquidités sur le marché monétaire. Dans un premier temps, la Banque du Japon ne va pas répondre. Or, le système bancaire japonais était à ce point étouffé par des créances douteuses qu’il ne pouvait fonctionner longtemps sans un approvisionnement à bon marché en liquidités en provenance de la banque centrale.

Dès lors, s’aggrave le problème de solvabilité des banques nipponnes. C’est ici que le passage de la récession à la déflation s’installe. La Bourse de Tokyo finit par baisser fortement. Dès lors, les titres des portefeuilles d’actions qui permettaient aux ratios de solvabilité bancaire de garder la tête au-dessus de l’eau s’effondrent. La panique s’installe au point que des mouvements de retraits des dépôts font leur apparition.

La situation des établissements financiers japonais finit par alerter l’ensemble de la communauté financière internationale. La notation des établissements bancaires japonais se dégradant de plus en plus, ces derniers sont amenés, restauration de leur image oblige, à liquider des portefeuilles de titres et à resserrer le robinet du crédit pour rééquilibrer leurs bilans truffés de créances douteuses.

Les entreprises et les ménages n’ont plus accès au crédit. L’investissement et la consommation plongent drastiquement. Et au cours de toute l’année 1998, la dépression frappe durement l’économie japonaise. A partir de mars 1999, la Banque du Japon lance la politique de taux zéro. Les tensions financières se calment momentanément. Peine perdue.

En 2001, l’économie japonaise pique à nouveau du nez. Et le pays va sombrer dans la déflation. Le poids littéralement asphyxiant des dettes au sein des bilans bancaires conduit les établissements financiers à se désengager des secteurs les plus endettés (parmi lesquels l’immobilier et les services financiers). Les faillites se multiplient. Le chômage augmente fortement.

Ce qui amplifie le poids des créances douteuses pour les banques. Et aussi leur aversion au risque. Les établissements bancaires concentrent, dès lors, leur offre de crédit sur leurs clients présentant un faible risque de défaut. Les banques utilisent de plus en plus les liquidités fournies par la banque centrale afin d’acheter des obligations publiques jugées plus sûres. Le taux d’intérêt zéro ne génère plus d’effets sur le niveau des prix. La trappe à liquidité fonctionne à plein. L’offre massive de liquidités à coût nul par la banque centrale n’a plus d’effet sur le niveau d’activité et des prix.

« Le coût social de la crise est élevé. Le rôle assuré par les grandes entreprises japonaises dans le domaine de l’emploi (maintien des effectifs en surnombre, formation des salariés) devient de plus en plus difficile à assumer, d’autant plus que la pénétration des firmes étrangères au Japon s’intensifie et que le renforcement de la représentation des actionnaires externes au sein des conseils d’administration pousse à relever la rentabilité. Si le modèle social japonais rend le recours au licenciement encore difficile au début des années 2000, l’augmentation des mises à la retraite anticipée, (…) la montée de la part des contrats à durée déterminée attestent d’une évolution du rôle de l’entreprise. C’est ainsi que les grandes entreprises remettent en question leur pratique de l’emploi à vie et, surtout, de ‘salaire à l’ancienneté’ qui était bien adaptée à la jeunesse de la population et à la période de forte croissance des années 50 à 70 mais ne correspond plus au contexte actuel. En 2001, environ 25 % des salariés ont un statut précaire, contre 12 % en 1990 »7 . Via des déficits importants qui vont entraîner un endettement public important, le gouvernement japonais va combattre l’effet dépressif de la crise financière. Mais vu la profondeur des déséquilibres et de la correction qui s’en est suivie, le Japon va entrer dans une période de léthargie économique.

Cette situation sociale est emblématique d’un changement structurel de l’économie japonaise. Jusqu’au début des années 90, le modèle régulatoire de l’économie nippone reposait sur un modèle associant un Etat réglementariste, de grands conglomérats industriels et des ménages fortement incités à l’épargne vu l’insuffisance de la protection sociale. Les objectifs du modèle japonais étaient centrés sur l’option de rattrapage de l’Occident. Ce qui passait par une croissance forte et d’importants investissements (notamment industriels). L’organisation du secteur privé en keiretsu diversifiés assurait le financement de chacun à partir d’un cœur financier fonctionnant comme banque de groupe.

Cette dernière, en échange de leur fidélité, assurait aux autres sous-composantes du kereitsu une stabilité de financement sur le long terme. Ce mode d’organisation constituait la pratique dite « du convoi ». Le caractère central du financement de l’activité économique par le prêt bancaire au détriment de la levée de capitaux via la Bourse faisait revêtir au système japonais les caractéristiques d’un capitalisme managérial ambitionnant davantage l’augmentation du chiffre d’affaires que la maximisation du profit. Ce qui créait les conditions de possibilité du plein emploi.

Dans un tel contexte, les revenus réels des ménages progressaient régulièrement. Cette progression permettait de maintenir un effort d’épargne élevé et à celui-ci de combler les lacunes sociales du modèle en finançant, par exemple, des plans d’épargne retraite. Cette épargne était constituée auprès des banques occupant une position centrale au sein des kereitsu.

Le mouvement de dérégulation financière qui a caractérisé les années 80 dans les pays de l’OCDE a allégé la cadre contraignant entourant les banques. Les pays anglo-saxons, immédiatement suivis par le Japon, se sont, les premiers, à partir de 1980, engagés dans la libéralisation financière (l’Europe continentale à partir de 1985).

Ce mouvement a totalement perturbé la manière dont le secteur bancaire nippon était encadré par les pouvoirs publics. La libéralisation financière a miné en son fondement un système qui reposait sur un jeu de coopération entre les banques, les entreprises et l’Etat. Ainsi la libéralisation des années 80 va-t-elle modifier profondément les stratégies bancaires au Japon. Les établissements japonais, vu l’environnement davantage concurrentiel du secteur, ne vont pas hésiter à augmenter significativement leur offre de prêts. Les secteurs privilégiés sont l’immobilier et la finance. Le prix des actifs va connaître une courbe ascendante. Comme les banques nippones sont souvent détentrices de titres et propriétaires de biens immobiliers, le prix croissant des actifs va doper artificiellement leur solidité bilantaire ainsi que la solvabilité de leurs emprunteurs. C’est le mécanisme classique de formation d’une bulle spéculative.

Or l’objectif de croissance forte du modèle japonais impliquait des taux d’intérêt particulièrement bas. Depuis le lancement des junk bonds dans les années 80, on s’aperçoit que les grandes stratégies spéculatives partent toujours d’une baisse des taux d’intérêt. Au cours de ces années 90, le Japon a maintenu intacte une politique macroéconomique caractérisée par un accès facilité au crédit. Ce qui a renforcé l’accès à la liquidité de secteurs bancaires et d’agents spéculatifs dont il aurait mieux valu, au contraire, limiter les marges de manœuvre. Ce qui ne passait pas nécessairement par un resserrement des taux d’intérêt dont l’effet déprimant sur la croissance n’est plus à démontrer.

Au début des années 90, la Suède eut à se débattre avec l’éclatement de sa bulle immobilière. Le gouvernement, en entrant dans le capital de certaines banques, choisit de sauver les banques plutôt que leurs propriétaires en en devenant actionnaire. Le ciblage de l’opération était parfaitement réussi. Seules les banques ayant urgemment besoin de cash firent appel au gouvernement. Les banques les moins mal en point, pour ne pas changer leur actionnariat, se sont abstenues de demander de l’aide aux pouvoirs publics. L’Etat suédois n’a donc pas subventionné des banques qui n’en avaient pas besoin. Ce que précisément le gouvernement japonais n’a pas fait. Et cela lui a coûté cher.

Question : qu’a-t-on retenu de l’expérience japonaise dans le traitement de la crise financière de 2007-2009 ?

Qu’a-t-on retenu de la crise japonaise ?

Depuis le début de la crise financière américaine en août 2007, les autorités américaines n’ont eu de cesse de seriner qu’elles ne répéteraient pas les erreurs commises par Tokyo au cours des années 90. Donc pas de décennie perdue en vue. Cependant, l’étude des mesures prises par Washington afin de résoudre la crise financière nous incite à penser le contraire.

D’évidence, face à la débâcle de leurs établissements financiers, les Etats-Unis imitent le contre-exemple japonais. Ainsi, comme au Japon en 1999, la principale réponse des Etats-Unis pour faire face à la crise a consisté en une détente spectaculaire des taux d’intérêt et en uns socialisation des pertes bancaires. Et le retour de la croissance se fait toujours attendre.

Il y a un an, le spectre de la déflation hantait les nations dites développées et plus particulièrement, les Etats-Unis. La peur d’une répétition du scénario catastrophe de 1929 était, à cette époque, dans les esprits. Force est de constater que la contraction qui s’est opérée au lendemain du krach d’octobre 2008 n’a pas laissé les mêmes séquelles que le lundi noir du 28 octobre 1929.

Au lieu de répéter l’erreur de l’administration Hoover qui, en 1929, s’était abstenue de toute intervention significative, les USA, touchés de plein fouet par la crise, ont mené des politiques de relance, quitte à creuser les déficits, et d’abaissement spectaculaire des taux d’intérêt qui sont aujourd’hui proches de 0%. Les autres nations développées ont, au passage, emboîté le pas aux Etats-Unis.

Le résultat de cette politique : une reprise en demi-teinte de la croissance au sein de certains pays riches. Selon le FMI, alors que des pays comme la France, l’Allemagne ou les Etats-Unis connaîtront une reprise « modeste », d’autres Etats (Italie, Royaume-Uni, Espagne) continueront à vivre avec une croissance négative.

En fin de compte, les annonces sur la reprise US ne doivent pas faire illusion. La première économie mondiale n’a, à ce jour, pas encore levé un certain nombre d’hypothèques qui conditionnent profondément son avenir.

American way of life

Parmi lesquelles, l’insolvabilité des ménages. Le rôle du secteur immobilier dans la crise trouve son fondement dans l’insolvabilité croissante des ménages américains. Les crédits subprime représentaient 21.5% de l’ensemble des prêts immobiliers en 2006, contre 7.4% en 2002. L’endettement a constitué le mécanisme qui a permis le maintien de la consommation états-unienne. Les crédits « neutron »8 (dont font partie les subprime et qui se sont multipliés) avaient pour propriété de détruire les débiteurs sans affecter leur patrimoine et la possibilité de se le réapproprier et le revendre.

Ce système ne peut s’auto-alimenter que si les défaillances des emprunteurs restent à un niveau relativement faible et que si le nombre de ménages insolvables est, au minimum, compensé par un nombre plus important d’entrants dans le système. Ce système, pas besoin de le rappeler, s’est effondré comme un jeu de cartes avec la multiplication des crédits impayés, notamment dans le secteur immobilier en 2008.

Il se trouve que les possibilités d’endettement des ménages américains sont directement déterminées par la valeur des actifs qu’ils détiennent. Plus la valeur de l’immobilier monte, plus les ménages voient leur patrimoine croître en valeur et peuvent donc contracter des crédits gagés sur ce patrimoine. De la relance du crédit dépendra l’avenir de la consommation et de la croissance de la production aux Etats-Unis.

L’économiste hétérodoxe James Galbraith établit que « 2/3 des Américains sont des propriétaires. Or, la valeur de leur maison s’est effondrée, mais pas le coût de leur hypothèque. Il faut absolument sortir de cette impasse, arrêter les saisies qui se poursuivent par centaines, apurer les dettes des particuliers et solder leurs dettes. (…) Une possibilité (…) serait que les gens se fassent désaisir de leurs droits de propriété tout en continuant d’habiter dans leur logement, mais cette fois en tant que locataires (...) d’une nouvelle agence qui pourrait être créée avec des fonds fédéraux »9 .

La fragilisation des ménages américains est amplifiée par cette autre hypothèque qu’est le chômage de masse. En novembre 2009, le taux de chômage US dépassait les 10% et la Fed (banque centrale US) misait sur un taux de chômage de 8% en 2012. Le taux de chômage US n’avait plus été aussi élevé depuis 1983.

Environ un tiers des 15 millions de chômeurs américains sont sans emploi depuis au moins six mois. On n’avait plus connu une situation aussi préoccupante aux Etats-Unis depuis 1948. L’emploi à temps partiel a tendance à se généraliser. Les personnes au travail voient leur temps de travail raboté à 33 heures par semaine en moyenne.

Or il se trouve qu’aux Etats-Unis, il faut, pour pouvoir bénéficier des allocations de chômage, avoir travaillé à temps plein au cours de l’année précédente. Cette politique organisée de non-indemnisation affecte naturellement la consommation US.

Six millions d’Américains dépendent, pour survivre, des tickets alimentaires. Officiellement, on trouve, aux Etats-Unis, six candidats pour une offre d’emploi. Les statistiques officielles laisseraient de côté environ 2 millions de travailleurs découragés qui n’ont plus cherché d’emploi depuis un mois10 .

L’existence d’une armée de réserve de travailleurs excédentaires nourrit déjà un mouvement de réduction des salaires aux Etats-Unis. Et comme les prévisions du FMI laissent entrevoir, pour 2010, une « croissance sans emploi » aux Etats-Unis comme en Europe, la « re-solvabilisation » des ménages de même que la relance de la consommation et du crédit n’ont absolument rien d’évident dans un avenir proche.

On peut, à peu de choses près, reproduire ce type de constat pour l’Europe. « La France comptera, elle, pas moins de 3.5 millions de chômeurs en 2011. On comprend dans ces conditions que, la même semaine, les responsables de la Réserve fédérale américaine et ceux de la Banque centrale européenne aient affirmé très clairement qu’ils ne voyaient pas de raison de relever leurs taux directeurs avant longtemps. Cela signifie sans équivoque que, d’un côté de l’Atlantique comme de l’autre, on est d’accord pour mener une politique monétaire accommodante le plus longtemps possible »11 . A quel prix ?

Enlisement bancaire et nouvelle bulle

Point noir majeur à l’agenda de l’administration Obama et des gouvernements européens : le secteur bancaire. Un an après la faillite de Lehman Brothers, le secteur des banques apparaît de plus en plus dualisé. Aux Etats-Unis, à côté des performances des banques d’investissement comme Goldman Sachs, on voit clairement que des banques de détail (notamment Citigroup) demeurent fragiles. Fondamentalement, ces différences de performances s’expliquent par la dégradation de la solvabilité des ménages états-uniens.

Les banques d’investissement ont bénéficié de la nouvelle santé des marchés financiers. Par contre, les banques de dépôt ont souffert de la forte augmentation du chômage aux Etats-Unis. En effet, le marché de l’emploi particulièrement déprimé multiplie les défauts de paiement de certains ménages surendettés. C’est ainsi que Citigroup a essuyé une perte de 8 milliards de dollars dans le secteur « prêts » au troisième trimestre 2009.

Par ailleurs, JP Morgan, qui annonçait un bénéfice de 3.6 milliards USD au troisième trimestre 2009, a enregistré une perte de l’ordre de 700 millions de dollars de pertes sur les cartes de crédits. Les pertes liées à des défauts de remboursement équivaudront à un milliard de dollars supplémentaire au premier semestre 2010. Même son de cloche du côté de Bank of America, où l’on redoute une multiplication des défauts de paiement pour l’année 2010.

En Europe, alors que BNP Paribas annonçait un bénéfice en forte hausse pour le troisième trimestre 2009, la Royal Bank of Scotland et la Lloyds Banking recevaient une injection de capital du gouvernement britannique pour un montant minimum de 35 milliards d’euros12 . En cause, dans le cas des deux banques britanniques, une surexposition aux actifs toxiques. « D’après les estimations du FMI, les actifs dépréciés par les banques des Etats-Unis et de la zone euro sur les années 2007 à 2010 devraient représenter 7% du PIB … contre 43% au Royaume-Uni »13 .

Le rebond des activités des banques d’investissement a directement trait à la stratégie spéculative du carry trade, par laquelle les investisseurs empruntent des dollars américains, cette fois, à faible taux pour les réinvestir dans des pays qui offrent des taux d’intérêt plus intéressants. La formation d’une nouvelle bulle ne fait aujourd’hui plus aucun doute pour l’ensemble des analystes. D’un point de vue macroéconomique, l’essentiel des bénéfices réalisés par les sociétés US relève du secteur financier. Sur les trois premiers trimestres de l’année 2009, les profits financiers ont rebondi pour plus de 189.2% (soit 246.5 milliards de dollars) « du jamais vu depuis que ces données ont commencé à être récoltées en 1948, contre une hausse de (+ 5.5%) 41.1 milliards de dollars pour le secteur non financier »14 .

Fragile, la reprise US l’est au regard de cette autre donnée importante. Les entreprises non financières ne connaissent la croissance qu’en réduisant leurs coûts de production. Ce qui exclut, pour l’heure, toute stratégie d’augmentation des salaires permettant une reprise de la consommation et des investissements selon un schéma keynésien.

Ce climat morose n’incite guère les banques à délier les cordons de la bourse en faveur des industries US. Alors que la banque de dépôt US reste fragile, c’est son secteur trading qui a le vent en poupe. Les grandes manœuvres spéculatives portent, cette fois, sur les matières premières et les marchés émergents. « Le hic, c’est que le renchérissement de nombreux marchés est le fait d’un regain de la demande des investisseurs mais pas d’une véritable reprise des acteurs économiques »15 .

Et question (légitime) dans la foulée : quand donc cette nouvelle bulle va-t-elle exploser ?

Un certain nombre de nations émergentes commencent à voir d’un mauvais œil l’afflux de capitaux spéculatifs occidentaux sur leurs marchés. Par exemple, le Brésil. Au cours de l’année 2009, le real s’est apprécié de 23% en termes réels (c’est-à-dire compte tenu de l’inflation). Tant et si bien qu’en janvier 2010 et pour la première fois depuis 2001, le Brésil enregistrait un déficit commercial. Aussi, à la même époque, le gouvernement brésilien décidait-il de frapper d’une taxe les investissements étrangers sur les marchés boursiers et en bons du Trésor.

Taxer les flux de capitaux constitue aujourd’hui, de la part d’un certain nombre de gouvernements du Sud, l’unique alternative crédible à une baisse des taux d’intérêt qui, d’évidence, ne servirait pas à grand-chose. Car si le Sud détendait ses taux d’intérêt aujourd’hui, on pourrait redouter un emballement du crédit à l’échelle mondiale. Ce qui ne réglerait en rien la problématique de l’excès de liquidités et, partant, la formation de nouvelles bulles spéculatives.

L’engouement des capitaux occidentaux pour les émergents relève, au demeurant, plus d’une stratégie défensive qu’offensive. En effet, les bilans bancaires en Amérique du Nord et en Europe laissent apparaître une pléthore d’actifs toxiques. Ainsi, les bilans des banques US contiennent-ils la « bagatelle » de 4.458 milliards de dollars d’actifs cotés F par les agences de notation, soit la note de risque maximal16 .

Pour en revenir aux ratios de solvabilité des années 90, les banques devraient, dès aujourd’hui, procéder à de massives opérations de recapitalisation pour un montant équivalent à 1.700 milliards de dollars. Jusqu’à présent, un dixième de cette somme seulement (soit 135 milliards de dollars) a été réuni.

En Europe, la situation n’est guère plus brillante. Par exemple, les banques allemandes n’ont toujours pas dûment enregistré, dans leur comptabilité, les centaines de milliards d’euros de pertes liées à la dépréciation de leurs créances « pourries ». Et ce phénomène s’observe également au Japon.

L’actuelle vague spéculative permet aux banques de rééquilibrer leurs bilans mais sur une base, hélas, trop fragile. Lorsque la bulle éclatera, on peut, à l’instar de Tony Jackson du Financial Times17 , redouter un nouveau resserrement du crédit. Ce qui aurait, pour effet, de plonger les économies occidentales dans une nouvelle période de turbulences. En attendant, la recapitalisation des banques et les mesures de stimulation des économies ont creusé les déficits dans la plupart des pays avancés du G-20, qui verront leur dette publique passer de 78.8% de leur PIB en 2007 à 119.7% en 2014. Pendant ce temps, les émergents membres du G-20 feront légèrement baisser le poids de leurs dettes (37.5% du PIB puis 36.4% en 2014). La dette publique des USA dépassera les 112% du PIB en 2014 et ne commencera à se stabiliser qu’à partir de 201918 .

Une décennie perdue en perspective ?

 

Notes :

Evelyne DOURILLE-FEER et Cyrille LACU, La crise japonaise, ou comment un pays riche s’enlise dans la déflation, Editions La Découverte, collection Repères, Paris, 2002, p.76.

Paul KRUGMAN, "Setting sun", mai 1998 in http://web.mit.edu/krugman/www/japtrap.html (site du Massasuchets Institute of Technology – date de consultation : 18 février 2010). Traduction de l’auteur.

Evelyne DOURILLE-FEER et Cyrille LACU, op.cit.

Fin 2006 début 2007, le taux d’intérêt au Japon équivalait plus ou moins à 0,7% à un an) alors que les taux d’intérêt US étaient de 5%. Puisque la banque du Japon vendait des yens sur le marché des changes, achetait des dollars et maintenait des tauix d’intérêt bas afin d’aider ses exportateurs, rine n’indiquait un risque de revalorisation du yen par rapport au dollar.

5 Une maison de titres est un établissement chargé de gérer pour le compte de particuliers leurs portefeuilles boursiers. Contrairement à une banque privée, la maison de titres ne propose ni compte d’épargne ni compte courant. Ce n’est donc pas l’équivalent d’une banque privée. Contrairement à une banque d’investissement, la maison de titres ne propose pas ses services aux entreprises. Par exemple, il n’entre pas dans les fonctions d’une maison de titres d’organiser le montage d’une opération de fusion-acquisition.

6 Eric SEVERIN, “La renégociation financière des entreprises en difficulté” in Revue française de gestion, 2006/7 (no 166), passim.

7 Evelyne DOURILLE-FEER et Cyrille LACU, op.cit.

8 L’expression « crédits neutron » a été formée par référence à la bombe à neutrons, qui a pour propriété de détruire des vies humaines sans trop endommager les infrastructures et les bâtiments.

9 James-K. GALBRAITH, « Les Etats-Unis ne sont pas à l’abri d’un scénario à la japonaise », Les Echos, 2 et 3 octobre 2009.

10 Données chiffrées citées par Mort ZUCKERMAN, « The free market is not up to the job of creating work », Financial Times, 06/10/09.

11 Le Figaro, édition mise en ligne en date du 07/11/09.

12 L’Echo, édition mise en ligne en date du 16/10/2009.

13 Les Echos, 4 novembre 2009.

14 L’Echo, 26 novembre 2009.

15 Ibid.

16 Tony JACKSON, “Maybe the banks are in worse trouble than we realize”, Financial Times, 21 septembre 2009.

17 Ibid.

18 Mark HORTON, Manmohan KUMAR, Paulo MAURO, "The state of public finances : a cross country fiscal monitor", IMF staff position note, 30 juillet 2009, p.26.


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4 réactions à cet article    


  • Nemo8 Harry Tuttle 22 septembre 2010 14:50

    Il est curieux de constater que les déboires Japonais commencent à la chute de l’empire soviétique. Le Japon, tout comme l’Europe occidentale servait d’appartement témoin, il fallait montrer que le système capitaliste était en tout point supérieur. Quand l’épouvantail a disparu, l’argent a commencé à se faire beaucoup plus rare. Seuls s’en sortent ceux qui possèdent des ressources naturelles : par exemple les minerais pour l’Australie, ou une main d’œuvre quasiment gratuite. La Corée semble se maintenir car elle se situe au front de la guerre froide que se livrent E-U et Chine, pour la possession des ressources de la planète. Mais même pendant la guerre, les affaires continuent (La Chine est l’atelier du monde et elle possède la dette US).


    • xavier dupret xavier dupret 8 octobre 2010 21:53

      effectivement, la fin de la guerre froide doit y être pour quelque chose


    • fifilafiloche fifilafiloche 23 septembre 2010 11:40

      L’analogie entre la situation Japonaise et la situation Américaine est pertinente mais a ses limites, essentiellement culturelles.


      L’importance du secteur financier dans l’économie américaine, comme vous le démontrez au début de votre article, amène des priorités différentes. Au Japon, l’essentiel de l’épargne des ménages était placé sur des bons du trésor, le gouvernement n’avait donc pas de raison d’intervenir prioritairement pour maintenir les marchés action. Aux Etats Unis, une part importante des retraites dépend des niveaux de capitalisation des bourses. Il serait plus coûteux de subventionner les pertes de capital par un système de redistribution que d’inciter les banques à intervenir pour maintenir le marché sur les niveaux atteints par l’effet de levier du crédit.

      Avec des taux d’intérêts négatifs en valeur réelle, l’outil monétaire n’est plus utilisable. Comme affirmé hier par le gouvernement Obama, tous les moyens de COURT TERME (le temps d’une écheance électorale) seront pris pour éviter la déflation. Les Etats Unis ont ce privilège par rapport au Japon de pouvoir imprimer de la monnaie sans subir nécessairement la contrepartie d’une dévaluation pour tout autre acteur, leur monnaie servant d’instrument prioritaire pour les échanges mondiaux. 

      En France, la capacité d’influence de l’Etat sur le marché de l’immobilier, à travers la socialisation des risques par les incitations fiscales à l’investissement, a évité un retour à des valorisations en rapport avec le revenu des ménages. Cette interventionnisme, salutaire sur le court terme, les banques Européennes n’auraient pu absorber des dépréciations immobilières des pays méditerranéens alors qu’elles étaient saturées des créances douteuses des pays anglo saxons, créée cependant un retard de cycle qui s’avérera délétaire sur le moyen terme. On peut en effet douter que les banques américaines et anglaises montreront le même entrain à acheter nos actifs toxiques que celui que nos banques, avec une certaine naiveté, ont montré en achetant leurs produits non garantis. Nous sommes donc bien plus exposés au risque déflationnistes que nos partenaires d’outre atlantique, qui eux, pourront s’appuyer sur un marché immobilier assaini pour relancer la machine à crédit avec plus de confiance.

      Il reste que notre histoire coloniale nous donne malgré tout un avantage indéniable sur les pays surendettés à qui nous avons imposé des régimes drastiques à la fin des années 90 pour protéger nos investissements. Nous avons un quasi monopole sur les institutions internationales qui nous permet de pouvoir envisager de flouer nos créditeurs. Mais l’état de décomposition avancé de nos équilibres financiers devrait remettre en cause cette avantage historique à relativement court terme.

      Il ne s’agit pas uniquement d’une crise du crédit, il s’agit avant tout d’un déplacement du centre de gravité géopolitique vers les zones géographiques à plus fortes densités de population. On peut le regretter pour nos propres intérêts (confort social) mais après tout au niveau planétaire, notre ancien ilot de prospérité n’était il pas provocateur pour le reste de l’humanité que nous avions asservi à nos égoïsmes.

      • xavier dupret xavier dupret 8 octobre 2010 14:38

        Bonjour Gérard Filoche,


        La comparaison faite dans cet article portait sur la situation japonaise et l’ensemble du monde industrialisé (Europe + USA + japon). Il est effectivement clair que les privilèges léonins du dollar permettent aux Américains d’aller plus loin dans les politiques de relance que de ce côté-ci de l’Atlantique. C’est évidentissime. Cependant, à un niveau d’analyse plus strictement économique, on voit se constituer les mêmes phénomènes que dans le Japon des années nonante. A commencer par la trappe à liquidité. La Fed a beau déverser du cash à tire-larigots, le crédit est gelé et l’activité économique est en berne. Le capital se dirige vers les pays émergents. C’est pour cela que les autorités monétaires US achètent des titres à long terme. Ils font tout pour reflater leur économie. Sur le déplacement de pouvoir dans l’économie mondiale, c’est patent. L’ancien espace transantlatique est en passe d’être remplacé par un espace transpacifique. Mais cela fait déjà 20 ans qu’on l’annonce. La question la plus intéressante à ce sujet concerne le volontarisme politique qui doit envisager de lutter contre ce déclin. Mon indécrottable humanisme m’amène, en effet, à penser qu’aucune tendance lourde ne constitue une détermination au sens strict du terme.

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