Plutôt que de se focaliser sur les taux de TVA, comme le font les britanniques, pourquoi ne pas s’intéresser à l’assiette de cet impôt qui représente la principale contribution au budget le l’Etat. La fin de l’exorbitant privilège d’exemption dont bénéficient les opérateurs et opérations de haut de bilan permettrait, sauf erreur de ma part, de retrouver d’appréciables marges de manœuvre, à l’entier bénéfice de l’économie et des citoyens...
La crise financière que nous subissons semble nous laisser collectivement sans voix et surtout sans imagination. Tout se passe comme si le seul consensus portait sur la nécessité de stopper l’avalanche provoquée par l’accumulation d’argent virtuel, fut-ce en en créant d’avantage, gagé cette fois sur les ressources fiscales à venir. Pourtant, cette crise constitue possiblement une opportunité de recadrer l’influence des financiers qui régissent la vie de la planète depuis des siècles, et de mieux les intégrer dans une société qui, faute leur proposer les moyens de se réinsérer, risque de leur tenir grief des douloureuses récessions en cours et à venir.
Dans ce but, il suffit peut-être de les prendre au mot : Ils prétendent créer de la Valeur, beaucoup plus que n’en crée l’économie réelle, laquelle, à les entendre, leur doit tout. Dans ces conditions, comment ne pas penser à une mesure simple et immédiate : assujettir à la Taxe sur la Valeur Ajoutée l’ensemble des transactions financières, ce qui revient à en finir avec une étrange anomalie fiscale obtenue par les milieux financiers dans les années 50, à l’époque où cet impôt a été inventé, et qu’un lobbying redoutablement efficace a permis de faire perdurer.
Pour mémoire, la TVA représente 46 % des recettes de l’état soit 133 Md€ par an. En y assujettissant les activités financières, dont on sait qu’elles pèsent plusieurs fois les activités de production et de services, Bercy pourrait constituer une provision (réelle cette fois et non plus virtuelle) supérieure aux 360 Md€ annoncés avant fin 2009 et rembourser la dette nationale avant fin 2012. L’Etat français et les collectivités locales pourraient également dégager immédiatement les moyens de payer leur dette court terme : c’est parce que la puissance publique est chroniquement à court de trésorerie que la France pratique le crédit inter-entreprise au-delà du raisonnable. En temps normal, cette pratique est désastreuse. Dans une période où l’argent ne circule plus, elle est suicidaire : les défaillances d’entreprises en cascade sont d’ores et déjà en cours, et pas seulement dans le bâtiment. Et ce ne sont pas les parachutes plombés dont disposent les salariés qui amortiront le choc : La survenance d’une situation insurrectionnelle est donc probable. Seule une réinjection immédiate des sommes dues et non encore réglées peut arrêter l’hémorragie et permettre d’y voir clair dans les situations patrimoniales des entreprises.
L’objection prévisible : "Les transactions étant internationales, c’est irréalisable" peut être facilement balayée : rien n’empêche un Etat de décider que les capitaux et produits financiers émis ou achetés par ses ressortissants seront soumis à la TVA, avec les mêmes exonérations pour les transactions avec l’étranger que pour les autres produits et services.
Rien n’empêche non plus de rendre la TVA verticale du haut en bas des bilans, sauf pour les salaires et charges, et transversale par rapport aux personnes morales qui présentent ces bilans, à l’exception des acteurs de la santé. Rien n’empêche enfin de durcir les conditions de remboursement de crédits de TVA non imputables, dans le but de freiner la spéculation. Restera à traiter le cas des paradis fiscaux. Une bonne solution pourrait être à terme que cette TVA "financière" soit partiellement reversée à un organisme supranational, donnant ainsi naissance à une super et très efficace taxe TOBIN.