Vive la France !
« La France, c'est l'Allemagne en mieux ! » ("Der Spiegel" le 5 septembre 2023).
Non ! Je ne parle pas de la Coupe du monde de rugby qui commence ce vendredi 8 septembre 2023 au Stade de France, à Saint-Denis, mais de l'économie française. Aussi étonnant que cela puisse paraître, l'éditorial du très influent hebdomadaire allemand "Der Spiegel" (« souvent critique pour les travers et les échecs français », selon le journaliste économique François Lenglet) vient de rendre hommage, ce mardi 5 septembre 2023, à la politique économique de la France et la compare à celle de l'Allemagne en des termes élogieux. À la France le dynamisme économique, à l'Allemagne l'immobilisme économique !
Soyons clairs : tout ne va pas bien en France et on le sait bien, mais il est toujours rassurant de savoir que la France vue de l'extérieur est toujours plus belle que de l'intérieur. Pas par une méconnaissance de la réalité du pays (elle est multiple, contrastée, subjective), mais surtout par une question de perspective. Nous, peuple français, nous aimons bien nous autoflageller, nous ne voyons que nos défauts, jamais nos atouts, nous ne savons pas savourer nos réussites, nous râlons toujours, nous ne savons pas nous aimer, nous ne savons pas aimer la France, la patrie et nous sommes souvent dans l'autodénigrement permanent (ce qui profite à bien de nos partenaires internationaux !).
Alors, oui, nous avons toujours des raisons de nous inquiéter et en particulier des voyants comptables toujours au rouge (François Bayrou avait alerté dès la campagne présidentielle de 2002, il y a vingt et un ans !) : la dette publique est abyssale et le déficit annuel reste encore beaucoup trop élevé ; la balance du commerce extérieur est également profondément déficitaire (la crise de l'énergie n'aide pas)... Mais il y a des voyants qui, avant, étaient au rouge et qui sont maintenant au vert, et qui donnent des raisons d'être optimistes pour l'avenir : la croissance économique reste soutenue et le chômage poursuit sa baisse structurelle.
Et puis, il y a un élément majeur dont nous envient les Allemands : la France est devenu le premier pays de l'Europe pour les investissements extérieurs, et cela depuis plusieurs années consécutives. Elle est la plus attractive !
L'Allemagne, c'était le géant économique de l'Europe (elle le reste encore). Pendant une vingtaine d'années, tous les responsables politiques français se tournaient vers l'Allemagne pour prendre leurs références et leurs comparaisons économiques. L'Allemagne réunifiée a été plombée par l'absorption de l'Allemagne de l'Est avec la parité des deux monnaies de l'époque, ralentissement économique, chômage à 12%... et puis il y a vingt ans, le Chancelier (social-démocrate) Gerhard Schröder (aujourd'hui ex-oligarque pro-russe !) avait entrepris des réformes structurelles de fond avec les quatre lois Hartz (notamment sur la flexibilité du travail) au point que grâce à cet électrochoc social et économique, l'Allemagne a redécollé industriellement et plus généralement économiquement.
La comparaison avec l'Allemagne est donc étonnante : parce que c'est un pays de 80 millions d'habitants, elle est nécessairement plus importante en PIB que la France, mais aujourd'hui, la croissance allemande est négative tandis que la croissance française reste positive : « La performance économique de l'Allemagne est supérieure de plus de 40% à celle de la France, mais l'écart se réduit. ».
Il y a des raisons à cela, d'abord conjoncturelle : la crise de l'énergie et la guerre en Ukraine ont profondément impacté l'économie allemande qui avait abandonné l'énergie nucléaire à la suite de la catastrophe de Fukushima. Dépendante du gaz russe, elle bénéficiait d'une énergie bon marché jusqu'à il y a quelques années. Premier pollueur de l'Europe avec la reprise des centrales au charbon (une aberration écologique !), le pays est également victime de ses succès en commerce extérieur : le ralentissement durable de l'économie chinoise depuis la crise du covid-19 impacte lourdement les exportations allemandes.
Le journaliste allemand Michael Sauga qui a rédigé l'éditorial placé en une du période allemand (correspondant basé à Bruxelles) résume ainsi la situation des deux pays, la France et l'Allemagne : « Le Président Macron est impopulaire, mais obtient des succès. Ses réformes ont provoqué un essor qui manque cruellement à l'Allemagne. ». Selon le journaliste, la France est en train de rattraper son retard dans les classements mondiaux de compétitivité grâce à la politique du gouvernement français, alors que l'Allemagne recule.
En d'autres termes, l'hebdomadaire le plus lu en Allemagne reconnaît à la France une politique économique stable de faveur de l'offre depuis 2017, et cette politique donne des effets très positifs. Les critiques sur la dette et les déficits en France sont bien évidemment pertinentes mais ne donnent pas une idée de la bonne santé économique du pays qui se révèle surtout par les gains de compétitivité que la France a obtenus depuis six ans.
Dans une comparaison entre deux pays, il y a les plus et les moins, un pays peut être "meilleur" qu'un autre parce que ce dernier s'écroule. Ou parce que le premier s'améliore. C'est un peu les deux. La France s'adapte mieux aux nouveaux enjeux économiques et en particulier énergétiques : d'une part, le nucléaire (malgré une inquiétude ponctuelle à la fin de l'année 2022) donne à la France un avantage compétitif durable ; d'autre part, la France réussit mieux dans l'industrie décarbonée et en particulier dans le secteur des automobiles électriques (même si l'industrie chinoise a bien plus d'avance).
Depuis 2018, la croissance économique de la France est plus forte que celle de l'Allemagne, sauf lors de la récession due à la première année de la crise sanitaire où la France a subi un effondrement du PIB de près de 7% alors que l'Allemagne l'avait limité de moitié (3,7%). Mais sur la période des cinq dernières années, la croissance française a atteint 5,5% tandis que celle de l'Allemagne seulement 2,5%.
L'éditorialiste économique (que François Lenglet a qualifié en souriant sur RTL de « notre nouvel hagiographe teuton esbaudi ») alerte ainsi ses compatriotes sur l'absence de relance de l'économie allemande en constatant : « Ils ont tous de la croissance, mais pas nous ! ». Oui, l'Allemagne a encore de beaux atours : son excédent commercial, sa dette encore faible comparativement ("seulement" 66% du PIB) et un chômage très faible (5,6%, même s'il faudrait pouvoir mieux comparer les taux, les mères de famille sans emploi professionnel n'étant souvent pas comptabilisées dans les statistiques), mais le déclin économique risque d'être durable sans prise de conscience des dirigeants allemands aujourd'hui englués dans une coalition tripolaire (sociaux-démocrates, écologistes et libéraux-démocrates).
Il argumente ainsi : « Depuis des années, la République fédérale est à la traîne dans le classement mondial de la compétitivité, tandis que son pays voisin rattrape son retard. Il n'est pas étonnant que les entreprises internationales investissent désormais beaucoup plus souvent à l'ouest du Rhin, même dans des secteurs qui étaient jusqu'à récemment considérés comme du domaine allemand, comme l'industrie automobile ou la construction mécanique. ».
L'éditorialiste critique ainsi un pays qui s'est endormi avec la Chancelière Angela Merkel : « "Bien vivre en Allemagne" était la devise de Merkel, qui reflétait le mélange fatal d'arrogance et d'impertinence avec lequel la république a raté le tournant vers l'électromobilité ainsi que l'expansion de son réseau électrique et la numérisation de l'administration publique. Macron, en revanche, immédiatement après son entrée en fonction, a commencé à donner à ses compatriotes des médicaments amers mais curatifs. (…) Sa popularité a chuté, mais l’attractivité du lieu a augmenté. La France est soudain apparue comme un pays où les hommes politiques agissent comme ils parlaient. ».
À l'actif du Président Emmanuel Macron, il est énuméré de nombreuses réformes : la baisse de l'impôt sur les sociétés, la réforme du code du travail, la réforme des retraites, et il lui est rendu hommage pour un discours ouvertement pro-entreprises. Quand Emmanuel Macron reçoit tous les ans les investisseurs étrangers sous la bannière "Choose France", certes, quelques Français encore râlent sur cet écart linguistique en croyant soutenir notre (belle) langue française, mais l'emploi de l'anglais a démontré son efficacité pour convaincre les investisseurs d'aller entreprendre en France, et c'est une réussite aussi linguistique, car un pays qui ne serait plus la destination des flux économiques ou financiers perdrait en puissance une partie de son influence linguistique.
Michael Sauga dénonce aussi les errements du gouvernement allemand sur le nucléaire (à cause de la coalition composée des Verts) : « Pendant la phase de transition, il serait insensé de renoncer complètement à une source d’électricité fiable, largement nationale, comme le soutiennent aujourd’hui d’anciens partisans de la sortie. Olaf Scholz est désormais en Europe le conducteur fantôme qui, dans une attitude de je-sais-tout typiquement allemande, déclare que l'énergie nucléaire est un "cheval mort", alors qu'elle sautille allègrement dans le reste du continent. ».
Par ailleurs, le journaliste allemand insiste sur l'influence de la France en Europe (au détriment de l'Allemagne), notamment sur la notion d'autonomie stratégique et de souveraineté européenne mise en avant systématiquement par Emmanuel Macron. Ce dernier veut que l'Europe se montre offensive contre l'agressivité commerciale américaine et chinoise : « Après que le Président américain Joe Biden a assez brutalement bloqué l’accès des entreprises européennes au marché américain avec sa loi sur la réduction de l’inflation, Macron a immédiatement appelé à des contre-mesures, notamment sous la forme d’une réglementation "Acheter européen". L’Allemagne est contre. Mais comme la coalition des feux tricolores n’a pas d’alternative à proposer, ce n’est probablement qu’une question de temps avant que la politique européenne ne s’oriente également vers la ligne de Paris sur cette question. ». L'éditorialiste évoque même un « feu d'artifice de propositions » de la France pour renforcer la combativité économique européenne, face au vide allemand.
En France, il y a ce sentiment de naviguer à vue, sans vision, avec une succession de polémiques politiciennes sans lendemain, mais la réalité, mise en évidence par ce numéro de ce magazine allemand "Der Spiegel", c'est que, depuis six ans, la France a une vision économique stable, claire et efficace, et les investisseurs étrangers ne s'y trompent pas.
La France se trouve ainsi projetée à une place décisive au sein de l'Europe, tant politiquement qu'économiquement. Le Royaume-Uni, qui a quitté l'Union Européenne, est en pleine difficulté économique. L'Allemagne peine à rebondir à la suite des différents chocs économiques des dernières années (covid-19, Ukraine, bouleversement climatique). La France, pays qui est loin d'être politiquement paisible malgré sa stabilité institutionnelle héritée heureusement des bientôt soixante-cinq ans de Cinquième République, a tous les atouts en main pour devenir ce que Bruno Le Maire imaginait le 7 juillet 2023 à Marseille, dans une interview au quotidien "La Provence" : « La France doit devenir la première puissance économique en Europe à l'horizon 2050 ». Je ne connais pas l'avenir, mais le retour à la puissance économique de la France, c'est aussi ce qu'a aussi imaginé le romancier Michel Houellebecq dans son (excellent) livre "Anéantir" sorti le 7 janvier 2022.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (07 septembre 2023)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Der Spiegel : "La France, c'est l'Allemagne en mieux".
L'inflation en 2023 selon Michel-Édouard Leclerc.
La France des investissements productifs félicitée par Emmanuel Macron.
Faut-il encore polémiquer sur le RSA ?
Emmanuel Macron : "J'appelle à la pause réglementaire européenne".
La repentance nucléaire.
Réforme des retraites : feu vert (sans surprise) du Conseil Constitutionnel.
Faut-il interdire les démarchages téléphoniques purement et simplement ?
La baguette magique.
Le Black Friday.
Pouvoir d’achat : l’idée révolutionnaire de Jean-Louis Bourlanges.
L'homme le plus riche du monde.
L’homme qui valait 30 milliards.
8 milliards de Terriens, et moi, et moi, et moi...
28 juillet 2022 : jour du dépassement de la Terre.
Essence : le chèque de 100 euros.
Heure d’hiver : le dernier changement ?
L’industrie de l’énergie en France.
Le scandale de Volkswagen.
Le Jour du Seigneur.
L'aspirine, même destin que les lasagnes ?
Le Plan France 2030 qui prépare l’avenir des Français.
Le plan quantique en France.
Jouer avec les Lego.
Xi Jinping et la mondialisation.
La génération du baby-boom.
La réforme des sociétés anonymes.
L’investissement productif en France.
La France est-elle un pays libéral ?
La concurrence internationale.
François Bayrou et la préservation du modèle social français.
Ségolène Royal et la baisse du chômage…
Les gilets jaunes, alibi à la violence haineuse ?
Assurance-chômage : deux mauvaises idées du gouvernement.
L’inversion de la courbe.
La crise de 2008.
Faut-il toucher aux retraites ?
Le statut de la SNCF.
La réforme du code du travail.
La loi El Khomri.
La France archaïque.
La grève et la colère silencieuse des citoyens.
Le brevet européen.
Le keynésianisme.
La loi Macron.
L’unité nationale.
Une chef d’entreprise…
Le secteur des taxis.
Jacques Rueff.
Maurice Allais.
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