COP21 : climat et démographie
Nous n’étions qu’un milliard de terriens il y a 2 siècles, nous sommes aujourd’hui 7,3 milliards et selon les dernières projections de l’ONU, nous serons probablement 11,2 milliards en 2100. Ajoutons que l’humanité avait mis de l’ordre de 100.000 ans pour atteindre son premier milliard et qu’il lui a suffi de 12 ans pour "gagner" le dernier ! On mesure dès lors l’extrême accélération de ce phénomène de croissance.
Or nous vivons sur une planète aux dimensions finies et il va bien falloir que notre expansion s'arrête un jour, ne serait-ce que pour une question de place, de ressources ou simplement du fait de notre empreinte excessive. Parmi tous nos impacts négatifs, dont la liste exhaustive serait interminable, il en est un qui tient le devant de la scène aujourd’hui à l’occasion de la conférence climat : les émissions de CO2 et sa concentration dans l’atmosphère.
Alors que celle-ci fluctuait avec une remarquable régularité sur des périodes allant de 100 à 150 mille ans, à partir de 1950 les 300 ppm (parties par millions) ont été irrémédiablement franchies et le processus s'est emballé. Si l’on se concentre sur l’intervalle allant de 1900 à 2010 les émissions de CO2 ont été multipliées par 16. Or, dans le même temps, la population mondiale a été multipliée par 4. On en déduit que la consommation individuelle moyenne a, elle aussi, été multipliée par 4. En première analyse, on peut dire que consommation et population se partagent, à part égale, la responsabilité du réchauffement climatique. Les conférences sur le climat considèrent depuis leur création que l’augmentation incessante de la population n’est pas un problème, qu’il faut "simplement" réduire les rejets de GES et donc in fine la consommation des pays riches. Imaginons l’inverse, c’est-à-dire qu’une institution internationale considère qu’on ne peut pas agir sur les GES, qu’on peut donc les laisser croître et que c’est la population qu’il faut réduire. Quel tollé ce serait… et à juste titre d'ailleurs.
En fait, il s'agit d'une moyenne. La consommation per capita a été multipliée par 4, mais elle a plus augmenté dans certains pays que dans d'autres. Il n'empêche, prenons le cas des États-Unis. Si la consommation individuelle y a évidemment été augmentée par plus de 4, il se trouve que leur population a néanmoins été multipliée aussi par 4 sur la même période. Et donc, on peut dire que si la population n'avait que peu (ou pas) bougée, la consommation globale des USA serait 4 fois moins importante : même dans le grand pays le plus pollueur, il est évident que l'augmentation de la population a joué un rôle majeur. On peut bien entendu considérer que tout ceci est du passé et qu'il faut maintenant regarder vers l'avenir... et c'est tout-à-fait vrai. Il n'empêche qu'il est important de tirer les leçons des évènements antérieurs pour éviter de reproduire les mêmes erreurs.
Après avoir regardé la responsabilité historique de l'augmentation de la population, on s’intéresse maintenant à la situation actuelle. Les pays les plus émetteurs par habitant appartiennent à un groupe restreint qui comprend essentiellement les monarchies du Golfe. Pour la suite, il est intéressant de se souvenir que les habitants de ces pays émettent en moyenne autour de 20 tonnes de CO2 par habitant (t/hab). De toute évidence, ces pays doivent drastiquement baisser leurs émissions et ce serait, entre autre, l'intérêt de cette COP21 de les amener à prendre des engagements fermes.
Viennent ensuite les États-Unis avec leur 17 t/hab. Or, il faut savoir que ce pays va encore gagner 130 millions d'habitants d'ici à 2100. Dès lors, même en descendant les émissions des USA au niveau de celles actuelles la France (5 t/hab), cela correspondrait néanmoins à 2 fois nos émissions et mettrait sérieusement en cause nos efforts et ceux de plusieurs autres pays.
Regardons maintenant à l’autre extrémité, chez les pays les moins émetteurs. On y trouve 36 pays d'Afrique subsaharienne dont les émissions de CO2 individuelles sont nettement inférieures à 1 t/hab et qui totalisaient 800 millions de personnes en 2011 (date des statistiques utilisées pour les émissions). A noter que le total des émissions de cet ensemble de pays était à cette date de seulement 213 millions de tonnes, ce qui est inférieur aux émissions de la France (333) ! On pourrait donc penser que cette région du monde ne pose aucun problème, et certaines personnes ne manquent pas de le proclamer. Or c'est justement la marge colossale de progression qui doit nous inquiéter. Progression en termes d'émissions individuelles bien sûr, mais aussi et surtout en termes de population.
En effet, selon l'ONU, la population de cette région va littéralement exploser puisqu’elle pourrait en effet "gagner" à elle-seule 3 milliards d'habitants, soit l’équivalent de la population de la planète toute entière en 1960 ! Ça, c'est pour la population. Mais d'autre part, la consommation et donc les émissions de CO2 sont tellement basses qu'elles ne peuvent qu'augmenter. On entend souvent dire que le développement est la clé pour la baisse de la natalité. Ça n'est pas faux, mais le développement, c'est aussi une augmentation des émissions de CO2.
Voici quelques hypothèses d’augmentation. Tout d'abord à minima : si cette région du globe ne changeait pas ses émissions, eh bien cela équivaudrait à 3 fois celles la France et donc cela supprimerait les efforts de notre pays, mais pas seulement puisque cela supprimerait par exemple les efforts de 6 pays comme la France qui réussiraient à diviser par deux leurs émissions. Maintenant, si les émissions individuelles atteignaient en 2100 celles d’un pays d’Afrique australe tel que la Namibie et ses 1,2 t/hab, ce qui n'est vraiment pas grand-chose, la région citée émettrait déjà autant que l’Union Européenne. A 1,5 t/hab, ce qui est considéré par certains auteurs comme étant un « objectif » pour seulement 2050, on dépasserait déjà les USA. Ces chiffres extrêmement élevés ne doivent cependant pas nous étonner, c’est la conjugaison de deux croissances simultanées qui en est la cause.
A noter que la comparaison avec la FR, l'UE ou les USA utilise les émissions actuelles de ces entités étatiques. Mais en fait, en 2100, il y a fort à parier que, grâce aux différentes COP, les efforts de réduction des émissions de CO2 des occidentaux auront porté un minimum de fruits. Et donc ça sera bien pire que les émissions de ces pays en 2100. Cette région d'Afrique est donc ce qu'on pourrait appeler une bombe à retardement climatique pour la planète en général, mais aussi et surtout pour elle-même à cause de son exposition particulièrement forte aux changements climatiques.
L’influence passée, présente et à venir du facteur population sur les émissions, et donc sur le climat, une fois mise en évidence, il est clair que la COP21 devrait de toute urgence proposer un certain nombre de mesures pour stopper l’inflation démographique. A cet égard, on connait les vertus de la Planification Familiale, de l’éducation (en particulier des jeunes filles) et des campagnes de sensibilisation avec leurs multiples facettes. Sans politiques démographiques ambitieuses, il est malheureusement à peu près certain que tous les efforts consentis par ailleurs seront en grande partie anéantis.
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