Erin Brockovich en Seine-Maritime ?
Un produit potentiellement cancérigène a été découvert dans l'eau potable sur le secteur de Bolbec en juillet dernier. Une usine pharmaceutique fondée en 1988 est en cause.
Depuis 1988, la société ORIL industrie, des laboratoires Servier, fabrique des principes actifs pharmaceutiques dans son usine de Bolbec (76). Employant 800 personnes, pour une production de 2000 tonnes (chiffres de 2008 : lien), cette usine utilise notamment de la morpholine, solvant couramment employé dans différents process, qui, au contact des nitrites, peut former de la N-Nitrosomorpholine, ou NMOR (C4H8N2O2). D'après l'industriel lui-même (lien), c'est probablement ce qui s'est passé dans la station d'épuration de l'usine de Bolbec et qui a conduit à des rejets de NMOR dans le milieu naturel, pour finir par couler du robinet des habitants du secteur.
Cette situation a été découverte tardivement, et il n'y a aucun moyen de savoir depuis quand elle dure. Probablement des décennies, d'après Europe Ecologie Les Verts, qui dénonce que "la Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement (...) sait depuis longtemps que l’usine ORIL est un pollueur potentiel rejetant dans la rivière (...), mais rien n’a été fait qui aurait pu contrarier son activité" (lien). La NMOR est pourtant réputée "cancérigène probable" et, même si elle ne fait l'objet d'aucune réglementation particulière, il est avérée qu'une consommation quotidienne d'eau du robinet est à terme potentiellement dangereuse pour les populations (source Agence Régionale de Santé : lien).
D'après le Ministère (lien), c'est l'Agence Nationale de Sécurité Sanitaire (ANSES) qui, dans le cadre d'une campagne de recherche de "produits émergents" dans les captages d'eau potable, a découvert cette pollution chronique et a donc alerté l'ARS, en mai dernier (lien). Le 23 juillet les autorités alertent finalement la population. Les 22000 personnes concernées sont dès lors alimentées en bouteilles plastiques par la communauté de communes, avec pour consigne de ne pas boire l'eau du robinet (lien). En complément, le 12 septembre, l'ANSES remettait un avis relatif à "l’impact éventuel d’eau contaminée par la N-nitrosomorpholine (NMOR) sur la qualité sanitaire de certains produits agricoles" (lien). Ce document met surtout en évidence le manque de connaissances dans le domaine, mais précise tout de même que "la présence de NMOR dans la viande, l’œuf ou le lait de vache ne peut être exclue".
Près de 4 mois plus tard, la situation est toujours préoccupante : la plupart des habitants sont toujours alimentés en bouteilles et la nappe concernée est sans aucun doute inutilisable pour longtemps. L'industriel, après 1 mois d'arrêt de son usine et 1 M€ de dépenses pour nettoyage de l'installation et traitement de 9000 m3 d'effluents (lien), a repris son activité.
A noter en passant que des traces de NMOR ont également été retrouvées dans la nappe alimentant une partie de la ville du Havre, à plusieurs dizaines de kilomètres de Bolbec, témoignant des interconnexions naturelles entre les différents captages (lien).
Originaire du coin, je me pose pas mal de questions, d'autant qu'une personne de ma famille habitant sur ce secteur a été touchée par un cancer du rein il y a 2 ans. Ce genre de raccourci est bien entendu trop facile pour être objectif, mais les citoyens (dont moi !) sont en droit de se poser des questions sur le prix que nos industriels et nos décideurs accordent à nos vies.
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