La construction bioclimatique : quelles perspectives ?

La nécessité de nous adapter aux bouleversements climatiques et environnementaux, qui deviennent de plus en plus prégnants et incontestables, ne doit pas se limiter aux seuls "petits gestes", comme on aime les appeler. Ces modifications subites et perceptibles du milieu nous montrent bien que l’humanité entière doit repenser son mode d’organisation et revoir en profondeur son rapport aux ressources naturelles. C’est trivial, mais on ne peut faire l’économie de rappeler que la Terre est un espace clos et limité, alors que nos besoins et notre pression sur les ressources, eux, ne cessent de croître.
Ainsi, il est urgent de s’intéresser également aux "grands gestes" :
- une meilleure gestion de l’énergie et de l’hyperdépendance aux ressources fossiles
- une maximisation du recyclage et de la valorisation des déchets
- la préservation des ressources hydriques
- la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES)
- la pollution environnementale
- la préservation de la biodiversité
Tous ces défis existent parce que l’impact de l’espèce humaine sur son milieu rend les réactions de la planète imprévisibles. Etant donné que l’humanité forme de vastes tissus planétaires en interaction les uns avec les autres, les solutions individuelles deviennent insuffisantes. C’est la civilisation humaine entière qui est en jeu, et pas seulement elle. Les acteurs économiques et institutionnels doivent impérativement intervenir par des mesures législatives, fiscales, voire politiques strictes. A ce niveau, on est en droit de prôner une forme d’ingérence écologique !.
La présente note se focalise sur l’un de ces grands gestes, qui concerne autant les individus que la société dans son ensemble. Il s’agit de la manière de concevoir l’habitat, le logement et, d’une manière générale, la construction.
Ces dernières décennies ont connu un boom colossal de la construction : habitat individuel, collectif, locaux industriels et commerciaux. Ce développement du logement s’est nécessairement accompagné d’un accroissement des besoins énergétiques, depuis la fabrication de multiples matériaux en amont jusqu’au chauffage et à la climatisation des logements en bout de chaîne. Jusqu’à présent, vu l’urgence qu’il y avait à loger rapidement une population en forte croissance, les concepteurs ne cherchaient pas à prendre en compte prioritairement l’optimisation énergétique d’une construction. Avec la raréfaction des ressources d’origines fossiles et la prise de conscience des défis climatiques et environnementaux, les concepteurs se penchent de plus en plus sur des solutions de construction efficaces sur le plan énergétique et respectueuses de l’environnement. Voici quelques pistes, leurs potentialités et les limites.
L’architecture bioclimatique
La démarche bioclimatique repose sur l’idée que l’édifice peut, par le choix de son orientation et par sa conception, tirer le maximum d’énergie des éléments naturels, et en particulier du climat et de la topographie locale. Une maison bioclimatique va chercher à exploiter le rayonnement solaire afin de diminuer autant que possible la nécessité de produire l’énergie nécessaire à un habitat confortable. On voit bien que le confort thermique des habitants est au coeur des attendus d’une maison bioclimatique.
Une construction bioclimatique repose sur quelques principes de conception de base :
- Capter le rayonnement solaire
- Conserver l’énergie captée
- Diffuser et réguler la chaleur dans le logement
- Limiter les déperditions thermiques
Pour atteindre ces objectifs, le logement moderne sera conçu en tenant compte du bon sens des anciens :
- orienter les pièces principales vers le Sud et le Sud-Est afin de bénéficier du maximum d’ensoleillement l’hiver. Cette partie de la maison sera agrémentée d’une véranda pour créer un "effet de serre" en saison fraîche
- planter des arbres caducs en façade Sud de l’édifice afin de bénéficier de l’ombre du feuillage l’été et des rayons du soleil en hiver
- recourir au relief et à la végétation pour se protéger des vents froids (en provenance du Nord et de l’Est dans nos régions)
- la partie Nord de l’édifice sera partiellement enterrée (ce n’est pas toujours possible)
- les pièces secondaires (garages, celliers) seront disposées au Nord afin de créer une zone tampon avec les pièces à vivre
- la façade Nord comportera le moins d’ouvertures possible
- la maison sera compacte plutôt qu’étalée afin de limiter les déperditions de chaleur et l’exposition aux vents froids
- l’isolation sera la plus complète possible (fenêtres, portes à double vitrage). Les ponts thermiques seront maîtrisés. On concevra un vide sanitaire et on l’isolera en périphérie
- l’entrée principale sera protégée par un sas pour limiter l’entrée/sortie de l’air chaud ou froid, selon la saison, par le simple fait d’ouvrir la porte
- les matériaux de construction utilisés seront denses afin de bénéficier de leur inertie thermique et de leur capacité à accumuler la chaleur/fraîcheur interne
- les murs exposés au soleil seront plutôt sombres (les couleurs sombres accumulent le rayonnement solaire tandis que les couleurs claires le réfléchissent)...
Selon certains expérimentateurs (voir liens en bas de note), une telle démarche pourrait permettre de réduire jusqu’à 40% de la consommation d’énergie de l’habitat. Une maison bioclimatique ne comportant qu’une simple serre chaude en façade Sud consommerait ainsi deux fois moins de chauffage qu’une maison classique. Ces performances peuvent même être accrues si la conception bioclimatique s’enrichit de moyens de production d’énergie solaire, (panneaux solaires et photovoltaïques), chauffage au bois, pompes à chaleur, puits canadiens, etc.
Vous trouverez en bas de document des liens conduisant vers des ressources décrivant plus en détail le principe de l’architecture bioclimatique.
Les maisons "passives" et "actives"
Les maisons dites "passives" ("Passivhaus" en allemand) reprennent l’idée que l’habitat peut répondre à l’essentiel de ses besoins énergétiques par la captation maximale du rayonnement solaire. Mais pas seulement ! L’habitat passif s’appuie sur quatre piliers :
- Isolation thermique : on isole de façon drastique la maison pour limiter les déperditions thermiques. Il faut savoir que dans une maison passive on exploite la "chaleur humaine" et celle dégagée par les appareils électriques. Les isolants d’une maison passive peuvent atteindre jusqu’à trente centimètres. C’est l’isolation par l’extérieur qui est privilégiée.
- Ventilation : l’air doit continuellement circuler à l’intérieur de la maison par l’ajout d’une ventilation spécifique à double flux et à filtres. C’est-à-dire qu’elle insuffle de l’air neuf dans les espaces de vie (chambres, salon, bureau) et évacue l’air vicié des pièces utilitaires (cuisine, salle de bains, toilettes).
- Fenêtres : habituellement elles laissent s’échapper la chaleur intérieure mais en même temps laissent entrer la chaleur solaire. On corrige son défaut principal en recourant à un triple vitrage. Par ailleurs, on privilégie une grande surface vitrée plutôt que de nombreuses petites fenêtres, pour éviter les déperditions par le châssis.
- Ponts thermiques et étanchéité : il s’agit de limiter les sensations de parois froides dues au fait que des éléments de la construction conducteurs laissent s’échapper la chaleur de la maison vers l’extérieur plus froid et l’inverse (voir la note "Il faut couper tous les ponts... thermiques").
Les maisons passives se développent surtout en Allemagne (100% de croissance annuelle) où l’on adopte leurs principes pour construire des bâtiments publics, par exemple des écoles, et des logements collectifs. Attention, une maison passive ne s’affranchit pas totalement de solutions de chauffage non solaire. Toutefois, ces sources de chauffage non solaires sont des appoints. Une maison ayant un label maison passive peut voir sa consommation d’énergie divisée par quatre par rapport à une maison classique.
Les maisons peuvent dans certains cas même devenir "actives". Une maison de ce type est une maison qui délivre plus d’énergie qu’elle n’en reçoit. Pour atteindre ce stade, on maximise le rayonnement solaire par l’ajout de panneaux photovoltaïques permettant de produire de l’électricité et par l’ajout de panneaux solaires pour le chauffage central et pour chauffer l’eau. Il est en revanche difficile de généraliser les maisons actives sous nos lattitudes, de tempérées à continentales. Ces principes peuvent probablement s’appliquer de manière optimale à des habitats situés dans certains zones méditerranéennes, voire subtropicales.
Les limitations des architectures de types bioclimatique et passive
L’approche bioclimatique est particulièrement pertinente dans le cas de constructions neuves en individuel et dans certains cas en collectif. En effet, ses grands principes peuvent être intégrés sans trop de difficultés dès la phase de conception de l’habitat.
En habitat collectif et en zone urbaine, vu la densité et la taille des bâtiments, les édifices se font de l’ombre en hiver lorsque le soleil est rasant ; cela limite la possibilité de généraliser la démarche bioclimatique dans ce contexte. Mais cela n’empêche pas de l’appliquer là où c’est possible.
Une réhabilitation bioclimatique de logements existants ou anciens pose de nombreux défis. Est-il toujours possible de réorienter les bâtiments ? Peut-on recouvrir de grandes surfaces de façades avec une véranda ? Comment gérer les grandes tours d’habitations exposées aux quatre vents ? Quels seraient les investissements nécessaires pour réhabiliter climatiquement de grands immeubles ou ensembles (HLM), voire d’anciennes constructions ?
A noter que l’adoption d’une démarche "maison passive" peut induire un surcoût évalué en Allemagne entre 5 et 10%, soit de 5000 à 15 000 euros.
Conclusion
Ces questionnements ne doivent pas devenir des freins à l’introduction d’une démarche bioclimatique. Autant cibler le bioclimatique là où il est le plus facilement applicable en contrepartie de gains rapides, comme c’est
le cas de la construction individuelle neuve. Pour les bâtiments collectifs existants, il y a peut-être d’autres moyens de tendre vers le bioclimatique en particulier en :
- installant des capteurs solaires sur les toits
- remplaçant les fenêtres simple vitrage par du double vitrage
- isolant intérieurement les murs en contact avec l’extérieur
- isolant les murs extérieurs pour limiter les déperditions de chaleur et accumuler la chaleur du rayonnement solaire diurne (murs "trombe")
- introduisant des pompes à chaleur horizontales ou verticales lorsque c’est possible
- végétalisant les façades
- peignant les murs dans des couleurs sombres ou claires selon les effets souhaités
- occultant les surfaces vitrées en été pour limiter le rayonnement solaire et en hiver la nuit pour préserver la chaleur intérieure
Il s’agit de cumuler et de généraliser toutes les innovations en termes de matériaux et de procédés. Mais on peut aussi résoudre un certain nombre de problèmes énergétiques en adoptant quelques comportements simples, comme fermer ses volets l’hiver la nuit, opter pour du double vitrage, ne pas surchauffer son logement.
Par ailleurs, les pouvoirs publics doivent non seulement favoriser ces nouveaux types de logements, mais aussi les inciter, voire les encadrer. En Espagne, il est depuis peu obligatoire d’intégrer des panneaux solaires sur les immeubles neufs ou rénovés. La France accuse un retard dans le domaine du solaire thermique. Même le Sénat le déplore. N’oublions pas que le soleil est une source d’énergie gratuite. Alors pourquoi ne pas obliger les programmes immobiliers et de réhabilitation à intégrer les solutions solaires, quand c’est possible, ainsi que les démarches environnementales de type HQE ? Peut-on encore se permettre d’attendre ?
Quelques liens pour approfondir le sujet
Construction bioclimatique
Site Maison bioclimatique
Dossier Construction écologique sur Travaux.com
Site Construire sain
Bilan bioclimatique dans le Pays de Caux
Bilan bioclimatique dans le Tarn
Bilan bioclimatique en Mayenne (Etude Ademe)
Bilan bioclimatique en Lorraine
Bilan bioclimatique Tarn et Garonne
Maison type Minergie, sur le forum Futura-Sciences
Les écoquartiers sur Wikipedia
Un site perso sur la maison solaire
Maisons passives
Maison passive sur Ekopedia
Maison passive sur Actu-Environnement
Critiques sur la maison passive
Remerciements
Din-Diu, pour sa suggestion sur la norme HQE
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