La fuite éperdue en avant du nucléaire
Les récentes décisions gouvernementales concernant le nucléaire, et notamment les EPR soulèvent de nombreuses questions.
Le 2 novembre, sur l’antenne de France Inter, dans le 5/7, le billet politique de Jean Leymarie, proposait une réflexion sur le sujet, sous le titre « est-ce que tout est joué d’avance ? ». lien
Il semble bien que la réponse soit positive, puisqu’alors qu’un débat public est lancé sur la question, (lien) Macron a déjà largement acté que la réponse à la crise énergétique (et financière) était « en avant toute sur le nucléaire », faisant par là fi du coût que cela engage, mais aussi de notre indépendance énergétique, puisque nous n’avons pas d’uranium en France...ou du moins très peu, et en voie d’épuisement, la quasi totalité de notre uranium venant d’Afrique, du Canada, et de quelques pays de l’Est, affiliés a la Russie. lien
Ce débat public se tiendra jusqu’au 27 février prochain, ponctué par 11 séances prévues dans différentes régions, la consultation s’achevant à la fin 2023.
Les questions soulevées sont multiples : Avons-nous besoin de nouveaux réacteurs nucléaires ?,
Quelles sont les incertitudes climatiques et géopolitiques ?
Que faire des déchets produits ?
Quelles sont les leçons tirées du 1er EPR, celui de Flamanville, qui, rappelons le, accumule les retards, et dont le prix actuel atteint maintenant les 20 milliards ? lien
Comme le dit le journaliste dans sa tribune : « si la décision est prise, à quoi servent toutes ces discussions ? ».
Macron a décidé 6 nouveaux réacteurs, et 8 supplémentaires en option...mais au-delà des milliards engagés (sur la base de l’EPR de Flamanville, ce sont tout de même 280 milliards qui seraient engagés), il reste l’opportunité du calendrier de réalisation…
En effet, nous savons que le gouvernement a acté la fin des véhicules thermiques dès 2035, les remplaçant par des véhicules électriques et donc majoritairement nucléaires…
Or le journaliste estime que « les futurs réacteurs, s’ils sont construits, de démarreront pas avant 2035, ou 2037 ».
Mais n’est-ce pas peu réaliste quand l’on songe que celui de Flamanville, dont le démarrage a de nouveau été repoussé à fin 2023, le chantier ayant été commencé en 2006, et qu’il faut ajouter à ce délai le temps de prendre la décision officielle du chantier, soit en gros 20 ans ? lien
Résumons la situation : en 2035, environ 50 millions de véhicules électriques devraient avoir remplacé les véhicules thermiques...mais à quel prix...et comment ?
Les EPR qui pourraient être lancés en 2023 ne pourraient être opérationnels qu’en 2043...les anciens réacteurs sont toujours en butte avec des tuyauteries oxydées, donc fragilisées…
Odile Benyahia-Koulder, dans les colonnes du Canard Enchaîné, ne nous rassure pas et raconte en détail les problèmes que rencontrent les autorités de sûreté nucléaire : Cédric Lewandowski, directeur exécutif d’EDF à annoncé le lancement du chantier destiné à faire le point sur la situation...comme l’écrit la journaliste : « évalué il y a moins de 6 mois à 18,5 milliards, la facture va finalement s’élever à 39 milliards pour la seule année 2022 (…) les lézardes (de 5 à 6 mm) apparues à proximité de soudures défectueuses, courent sur toute la circonférence de la tuyauterie. Un coup de pression, et clac...en cas de brèche, nous serions clairement dans une situation accidentelle, avec une perte durable pour le réacteur et éventuellement des rejets à l’extérieur... »
Et puis, le changement climatique a vidé cette année les fleuves dont l’eau est nécessaire au refroidissement des centrales nucléaires...et les déchets s’accumulent.
Les dernières études montrent que nos glaciers ont perdu 30 mètres de hauteur entre 1997 et 2021, et en bout de chaîne, ce sont les fleuves qui vont voir leurs débits ralentir. lien
Certes, il reste les énergies propres, mais le gigantisme des installations rebutent de plus en plus de français, qui dénoncent la perte du paysage, la déforestation... et les municipalités réclament un droit de veto, droit de veto accordé par le Sénat. lien
Et quid des partis politiques ? Ils semblent divisés sur le sujet.
Le RN après avoir contesté le nucléaire, suite au drame de Fukushima, ne jure plus que par lui aujourd’hui (lien)...
Au sein de la Nupes, les communistes sont pour, les insoumis sont contre, tout comme les écolos... les marcheurs de Macron avaient d’abord opté pour des « minicentrales nucléaires », pour changer d’avis maintenant, mais globalement la droite est pour (lien) ...jusqu’au prochain accident.
Or, des accidents nucléaires se produisent régulièrement dans le monde, même s’ils sont souvent peu médiatisés, mais en consultant cette carte, on peut faire le constat de leur réalité.
Si on peut revenir ici sur la question finance, constatant que l’état déplorable du réseau nucléaire existant coûte « un pognon de dingue » pour reprendre une expression chère à la macronie, constatant aussi qu’un nouveau développement de cette industrie pénalisera le budget national de 280 milliards supplémentaires, est-ce bien raisonnable de persister dans cette voie quand on voit que la dette nationale atteint des sommets ?... d’autant que le prix du KW atteint lui aussi des sommets : le MWh (mégawattheure) qui était l’an dernier de 85€/an, a dépassé en août dernier les 1000 €...lien
Le tableau final n’est pas trop réjouissant : un parc nucléaire vieillissant, remplacé par un parc hors de prix,
au moment ou le Kwh atteint des sommets,
au moment où la dette nationale explose...
Au moment ou les français seront condamnés à la voiture électrique, voiture qu’ils seront nombreux à ne pouvoir acheter, l’avenir n’est pas brillant, car comme dit mon vieil ami africain : « celui qui se lève tard ne voit jamais la tortue se brosser les dents le matin ».
Le dessin illustrant l’article est de Gendrin
Merci aux internautes pour leur aide précieuse
Olivier Cabanel
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