Le CIRC a bel et bien dissimulé des données scientifiques
Un article publié par Reuters, mercredi 14 juin, relance la polémique autour du CIRC (Centre International de Recherche sur le Cancer), dont la légitimité a été remise en cause plusieurs fois ces derniers mois. L'enquête de l'agence de presse anglo-saxonne révèle que l’Institution aurait dissimulé des données de nature à changer la conclusion du rapport dans lequel elle établit le caractère « cancérogène probable » du glyphosate.
Le CIRC, un organisme onusien rattaché à l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), est au coeur d'un nouveau scandale. Les faits remontent à 2015. Une partie des résultats de recherches scientifiques menées par l’Agricultural Health Study (AHS) – un centre de recherche en cancérologie américain – n’avaient alors pas été incorporés à un rapport du CIRC établissant le caractère "cancérogène probable" du Glypgosate - la monographie 112 - alors même que ces récherches étaient « de nature à changer le résultat de (la monographie) ». D’après Reuters, le CIRC a sciemment passé sous silence des données scientifiques, qui entraient en contradiction avec ses propres conclusions. Ce faisant, l’article suggère que l’institution internationale a pris un parti militant afin de pouvoir « soutenir un rapport à charge » contre le glyphosate – un produit utilisé pour produire l’herbicide le plus répendu dans le monde.
En question, une étude transversale pilotée par le professeur Aaron Blair, épidémiologiste à l’Institut National du Cancer américain (NCI). Reuters explique que les données de ses recherches, qui étaient parvenues à la connaissance de la direction du CIRC, n’établissaient pas de lien entre l’exposition au désherbant et un risque accru de cancer. Dans une audition sous serment réalisée en mars dernier, le professeur Blair a admis que la révélation de ses recherches était de nature à changer la conclusion émise par le CIRC. L’étude non publiée provenait de l’Agricultural Health Study, menée notamment par des scientifiques du NCI. « Interrogé par les avocats de Monsanto en mars (2017), pour savoir si les données non publiées prouvaient qu’il n’y avait " aucune preuve d’une quelconque association " entre l’exposition au glyphosate et le lymphome non hodgkinien, Blair a répondu : " C’est exact " », écrit Reuters.
Une dissimulation volontaire
Rattrapé par le scandale, l’Institut National du Cancer a expliqué qu’il existait trop de données pour toutes les inclure dans le rapport, arguant même de "contraintes d'espaces"... Une justification surprenante quand on sait que les résultats non annexés au rapport représentaient un quart des données totales traitées ! Aussi, de nombreuses voix se sont levées pour questionner l’impartialité du CIRC, qui prétend exercer une totale transparence quant aux données qu’il utilise.
L’article de Reuters suggère même qu’il y a eu une volonté délibérée de ne pas publier les données pertinentes sur le glyphosate. Selon l’ancien cadre du NCI, les données en question dataient de deux ans avant la publication du rapport du CIRC, et la décision de ne pas les publier a été prise « plusieurs mois » avant. Le Congrès américain a d’ailleurs été sollicité pour enquêter sur d’éventuels autres rapports partiellement falsifiés. En outre, plusieurs demandes ont été adressées à l’OMS pour que celle-ci revienne sur la « monographe 112 » du CIRC, justifiant d’un usage incomplet des données disponibles.
Le débat est relancé en Europe
Le glyphosate fait aussi la « Une » à Bruxelles, où un groupe de parlementaires européens a interpellé la commission européenne mardi 13 juin. Leur requête visait à lancer une procédure pour s’assurer de l’indépendance de plusieurs études scientifiques utilisées par l'Agence européenne de la sécurité des aliments (EFSA). Un débat a lieu depuis plusieurs mois autour du renouvellement de la licence d'utilisation de cet herbicide au sein de l'Union Européenne. Or, pour contester la prolongation de la commercialisation du glyphosate, plusieurs députés et ONG environnementalistes s’appuient, justement, sur l’avis émis par le CIRC en 2015. Ces mêmes députés semblent par ailleurs ne pas vouloir prendre en compte le fait qu’un nombre important d’agences internationales reconnues ont déclaré le glyphosate non cancérigène : l’institut fédéral allemand d’évaluation des risques (BfR), l’ANSES en France (l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation), l’Australian Pesticides and Veterinary Medicines Authority en Australie, le Conseil National suisse, et bien d’autres…
Devant cette requête des députés européens, le commissaire européen à la sécurité alimentaire, Vytenis Andriukaitis a défendu « l'approche prudente » de l’EFSA. De plus le CIRC a déjà fait l'objet de controverses par le passé, notamment en classant la viande rouge et le café comme cancérogènes probables. Ce dernier a été finalement reconnu comme agent anticancérigène…
De fait, les opposants au glyphosate semblent à court d’arguments scientifiques. « Si des individus peuvent continuer à être en désaccord avec l'écrasante convergence des opinions scientifiques, cela ne doit pas remettre en question la robustesse de notre système », a tempéré M Andriukaitis. Et de conclure : « Dans l’ensemble, il y a une large convergence des communautés scientifiques européennes et mondiales qui estiment que le glyphosate n'est pas cancérogène ».
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