Le Manta, le catamaran écolo qui aspire les déchets plastiques
Face aux 8 millions de tonnes de déchets plastiques déversés chaque année dans la mer, le navigateur Yves Bourgnon a décidé de faire sa part. Son projet de bateau visant à dépolluer les océans, le Manta, un mastodonte de 56 m, devrait prendre le large en 2024. Les plans de ce géant des mers ont été dévoilés ce mardi. Retour sur ce projet un peu fou qui s’inscrit dans une démarche de sensibilisation globale.
Aux prémices d’un projet ambitieux pour dépolluer les océans
En 2014, le Morbihannais Yves Bourgnon fait le tour du monde sur son catamaran sportif. Cet aventurier de la première heure se trouve alors face à la triste réalité : l’océan se noie presque dans le plastique, un comble. De l’Indonésie aux Maldives, il navigue pendant deux mois dans une véritable mer de déchets, contraint de s’arrêter régulièrement pour dégager le passage : tubes de dentifrice, crayons, bouteilles, jouets et tutti quanti, la mer n’en peut plus.
La comparaison avec l’océan quasi-vierge de déchets qu’il a connu étant enfant est saisissante : « C’est ma génération qui a pollué les océans ». A son retour en 2015, Yvan Bourgnon décide d’agir. Il crée l’association The Sea Cleaners pour sensibiliser et réduire la pollution plastique en mer. Commence alors une aventure d’un autre genre : un projet de bateau destiné à nettoyer les océans qu’il appelle le Manta. D’abord pensé sur un quadrimaran de 70 mètres, c’est finalement sur un catamaran de 56 mètres, prêt à prendre la mer en 2024, que ce projet audacieux verra le jour.
Pour cet amoureux de l’océan, "le seul moyen de résoudre le problème est d'agir à terre (...) et d’aller sur l'eau collecter le plus intelligemment possible, près de la source, des grands fleuves, des estuaires, des zones les plus contaminées". De nombreux ingénieurs se sont penchés sur la conception du catamaran, afin de le rendre le plus autonome possible et de l’équiper pour accéder aux zones les plus polluées.
Le Manta, véritable usine flottante de traitement des déchets
Selon la taille des déchets et la zone concernée, plusieurs systèmes de collectes ont été prévus. Ainsi, le Manta se verra équipé de trois chaluts, de deux grues (pour les plus gros déchets) et de deux petits bateaux (pour les zones plus difficiles d’accès). Les déchets les plus gros comme les filets fantômes ou ghost net (filets perdus ou volontairement laissés par les pêcheurs) seront stockés dans de grands containers. Les déchets plus petits, quant à eux, seront piégés entre les coques du bateau puis remontés à bord grâce à des tapis roulants.
Une équipe de tri sera chargée de séparer le plastique des matières organiques et de renvoyer ces dernières à la mer. Pour finir, les déchets seront compactés dans des balles d’1 m³. Avec une capacité de stockage de 600 m³, le bateau sera en mesure de débarrasser les océans de 250 tonnes de déchets, avant leur rapatriement dans une usine de recyclage à terre. Les équipes travaillant sur le projet prévoient une dépollution de 5 000 à 10 000 tonnes par an.
Pour réduire au maximum son empreinte carbone, le Manta s’appuie sur les énergies vertes : éoliennes et panneaux solaires, complétés par 4 grands mâts équipés de voiles Dynarig, ces voiles qui ne forment qu’un seul plan contre le vent, considérées comme deux fois plus efficaces que les voiles traditionnelles. Les déchets non-recyclables seront quant à eux transformés en carburant via un système de pyrolyse. Ainsi, le navire devrait être autonome à 75 %. Car ce n’est pas tout de participer à dépolluer les océans, il faut aussi que le processus de nettoyage soit le plus vert possible.
Nettoyer les océans, mission impossible ?
Comme pour son prédécesseur The Ocean Cleanup, qui a connu de nombreux déboires, des critiques s’élèvent. De nombreux scientifiques rappellent qu’il est impossible d’éradiquer la pollution accumulée dans les océans. Le plastique visible en surface n’est que le sommet de l’iceberg. La très grande majorité de la pollution est déjà au fond des océans, sous forme de microparticules, d’autant plus dangereuses qu’elles peuvent être facilement ingérées par les poissons. D’après les porteurs du projet Plastic Odyssey, la pollution visible ne représenterait que 1 % de la pollution totale.
C’est pourquoi il faut aussi et surtout s’attaquer à la racine du problème sur la terre ferme, avec pour arme la sensibilisation et l’éducation citoyenne. Si le Manta est au cœur du projet, l’association The Sea Cleaners s’inscrit en fait dans une démarche globale et engage des actions complémentaires. Pendant qu’un conseil de scientifiques internationaux aide à définir la meilleure stratégie d’action sur l’océan, des milliers de bénévoles à travers le monde travaillent à faire évoluer les consciences, grâce à des ateliers pédagogiques et des collectes.
Ce n’est que le début d’une aventure de longue haleine. Pour que le projet porté par The Sea Cleaners est un réel impact, il faudrait au moins 300 de ces immenses catamarans sillonnant les mers. Les projets sur terre et mer visant à sauver la vie marine sont toujours plus nombreux. Si une seule initiative ne peut pas régler l’ensemble du problème, toutes les bonnes volontés à travers le monde sont autant de gouttes d’eau qui formeront, peut-être, l’océan de demain.
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