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Les bons produits du marché...

Après l'épisode Doux, une autre preuve du corporatisme agricole à la française : les Safer ont un demi-siècle...

La Safer Gascogne Haut-Languedoc fête ses cinquante ans. Son président Michel Baylac s'en félicite. On retrouvera l'intégralité de l'interview en note de bas de page. Je me suis contenté de relever les points principaux.

Mais qu'est-ce que qu'une SAFER ? On peut se satisfaire de la réponse officielle... Dans les faits, ces organismes intermédiaires incontournables lors de chaque transaction foncière (en zone rurale) sont gérés dans une logique purement clientéliste. Les juges sont parties prenantes, les décisions peuvent être théoriquement contestées - en pratique elles ne le sont pas - et l'argent collecté ne rentre dans aucun circuit habituel (collectivités, Etat).

Si l'on veut acquérir un bien, mieux vaut bénéficier de solides appuis, ou appartenir à un syndicat solidement implanté. Céréalier ou éleveur hors-sol sont des métiers sésame  ; polyculteur bio ferme toutes les portes... Je ne peux que regretter le satisfecit sans nuance d'un responsable local [Safer-khozes] Les cas concrets ne manquent pas qui illustrent l'impasse foncière dans laquelle se trouve la France.

Au total, le contrôle des transactions s'effectue au nom de la lutte contre l'argent-roi et aboutit au résultat inverse : la rareté organisée de la demande resserre l'offre, avec des répercussions sur les prix du foncier constructible. Les Safer alimentent par conséquent indirectement la bulle immobilière et l'étalement urbain... Les bons produits du marché, sans doute ?

*

Le président de la Société d'Aménagement Foncier et d'Etablissement Rural (SAFER) n'est pas un financier ; il dit cela sans doute pour démentir la photo où l'on entraperçoit un manager en cravate acrylique et costume sombre. Il n'est pas à la solde de ses actionnaires. Non, il sert les intérêts d'une corporation surprotégée.

Il défend la veuve et l'orphelin. Comprenez l'agriculture "familiale"... Allez savoir pourquoi il se ravit de ce combat : les chiffres lui donnent tort. Lui, ses acolytes et leurs prédécesseurs ont lamentablement échoué. En 1960, plus d'un actif sur dix travaillait dans l'agriculture. On compte aujourd'hui entre 2 et 3 % d'agriculteurs. Quant aux paysans, Depardon part à leur recherche comme d'autres les derniers Peaux-Rouges en Amérique du nord.

Il 'moralise' le marché... Je renvoie à un vieux 'post' (lien). Tout y est dit (!) sur cette 'moralisation', affichage hypocrite d'un favoritisme institutionnalisé. Les terres agricoles sont vendues aux 'élus', c'est-à-dire les agriculteurs. Les autres n'y ont pas droit. Avec ce système calamiteux, on a certes réussi à maintenir des prix anormalement bas pour le foncier agricole . Mais dans le même temps, le prix des terrains constructibles a explosé ! Les agriculteurs propriétaires ont donc été poussés à se faire rentiers : dans les couronnes périurbaines, la meilleure activité - la plus juteuse (...) - pour les terres agricoles a été de faire pousser du pavillon...

Il dompte les forces de l'argent. Car la 'régulation' c'est bien. Et le président de la Safer de s'enthousiasmer ! Des étrangers viennent lui dire que le 'modèle' est extraordinaire. Là encore, un lien s'impose. Car la France 'devient moche', selon les termes mêmes d'une enquête récente. La dégradation des paysages suit les progrès de l'étalement urbain : évidemment, la photo qui agrémente l'interview laisse à penser que la région toulousaine peut se prévaloir de coteaux couverts de vignes. Dans les faits, la tache urbaine (lien) a peu d'équivalents en France. Une comparaison entre une carte de 1972 et aujourd'hui témoigne de la rapidité des phénomènes.

Le patrimoine maraîcher français a été plus généralement vendu à l'encan. Les Safer ont une part de responsabilité insigne dans cette affaire.

(1) "" A l’occasion des cinquante ans de la Société d’Aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER) Gascogne Haut-Languedoc, Michel Baylac, son président depuis 8 ans, revient sur les missions de cet outil de régulation foncière, qui inspire aujourd’hui nos voisins européens.

Michel Baylac, la Safer célèbre aujourd’hui ses 50 ans. Quelle est son action ?
La SAFER Gascogne Haut-Languedoc se déploie sur quatre départements : la Haute-Garonne, l’Ariège, les Hautes-Pyrénées et le Gers. Les SAFER ont été créées par la loi d’orientation agricole du 5 août 1960 à l’initiative des jeunes agriculteurs. Nous sommes une société anonyme avec des actionnaires qui ne demandent pas de dividendes, placée sous la double tutelle des ministères de l’agriculture, et des finances. Notre conseil d’administration compte un tiers de représentants des collectivités locales, mais aussi des responsables d’associations environnementales, en plus des agriculteurs.

Quelles sont les missions de la SAFER ?
Nous contribuons à réduire la pression foncière en nous imposant comme un outil de régulation. Notre objectif est de préserver une agriculture familiale, qui ne soit pas une agriculture de firme. Nos activités se déploient autour de trois axes majeurs. Nous avons d’abord une forte implication agricole, puisque 40% des terres que nous cédons vont à l’installation de jeunes agriculteurs. Ensuite, nous travaillons main dans la main avec les collectivités. Ainsi, nous sommes présents notamment pour définir des zones de stockage des terres en compensation par exemple des hectares perdus par les agriculteurs présents sur le tracé de la LGV. La dernière dimension de notre activité est environnementale.

Pourquoi la régulation, est-elle nécessaire encore aujourd’hui ?
La régulation foncière offre la possibilité au législateur de moraliser le prix des terres. Nous ne faisons pas pour autant abstraction de l’économie de marché, mais nous mettons un cadre nécessaire, qui permet en plus de défendre les intérêts des propriétaires en assurant la transmissibilité des terres. Nous ne prônons ni la spoliation, ni la spéculation. D’ailleurs, nous ne sommes pas des « serial préempteurs » sur 9000 notifications, nous préemptons moins de 100 fois sur quatre départements. Grâce à la régulation, la France s’impose comme le pays d’Europe où le prix de la terre est le moins élevé. Les jeunes agriculteurs peuvent ainsi trouver de la terre à un prix qui n’est pas trop éloigné de sa valeur économique.

Votre travail est-il compris par tous ?
Aujourd’hui des tentatives de contournement de la SAFER existent grâce à des formules juridiques élaborées, mais le législateur veille. Par ailleurs, nous sommes sollicités notamment par les pays de l’Est, qui sont intéressés par notre outil de préservation du foncier. Notre système est scruté au niveau européen et beaucoup de pays veulent le copier.

Quel est votre message à l’occasion des 50 ans de la SAFER ?
Nous allons profiter de cet anniversaire pour mettre la SAFER sous les feux des projecteurs de manière positive en indiquant réellement ce que nous faisons, car les nouveaux élus ne nous connaissent pas forcément. Nous entendons également rappeler aux agriculteurs les bienfaits de la régulation, et tout ce qu’elle a apporté depuis cinquante ans. ""


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7 réactions à cet article    


  • Politeia 22 juin 2012 10:14

    Je ne vois pas bien le rapport entre le terrain agricole et la SAFER, qui visiblement ne gère que ça, et le prix du terrain constructible. Savez vous qu’en France il y a un truc qui s’appelle le Plan Local d’Urbanisme qui définit les qualités du foncier d’une commune. Certe, bon nombre de mairie sont hors la loie car elle ne dispose toujours pas de PLU et fonctionne toujours avec leur ancien POS. Ce n’est pas forcement par mauvaise volonté mais bien parce que tous leurs dépôts de PLU on subit un recours. Et bien souvent, vous savez d’où vient le recours ? De la préfecture. L’etât pousse clairement à la densification des zones rurales et est contre toute réduction des surfaces à usage agricole. Voilà comment on se retrouve avec un foncier constructible délivré au compte goutte. Alors effectivement, peu être que la SAFER fait du lobbing pour qu’il ne soit pas libéré trop vite de surface constructible pour maintenir un prix de vente très élevé mais je pense pas que le principale responsable soit la SAFER.

    Les maries elles même ne sont pas forcément pour l’augmentation des surfaces constructibles et ça peu être pour plusieurs raisons.
    - Des installations électriques, téléphonique ou de collecte et de traitement des eaux vannes ou pluviales qui sont à saturation et qui nécessiterai de lourds investissement pour pouvoir les étendre.
    - La volonté délibéré de maintenir un prix du foncier élevé. Vous évitez la mixité sociale et gardez donc une population relativement riche.
    - Eviter l’étalement urbain qui génère des frais supplémentaire pour la commune. Entretien des voiries, éclairage public, collecte des ordures.

    Enfin pour terminer, il est extrêmement difficile de vouloir généraliser sur le prix de l’immobilier. Les marchés sont très locaux. Beaucoup prophétise un effondrement de l’immobilier en France comme le connais actuellement l’Espagne mais je ne parierai par dessus. A moins que la demande sur les centre urbains diminue considérablement et pour cela il faudrait que la france connaisse un exode citadin, la plupart des villes de France sont en manque de logement.


    • Politeia 22 juin 2012 10:47

      Je viens de prendre un peu de temps pour me renseigner sur les SAFER et effectivement, il apparait qu’il s’agit d’un corporatisme qui profite essentiellement aux grosses exploitations aux dépends des petites et qu’il spécule clairement sur les surfaces agricoles péri-urbaine en passe de devenir constructible. Mais il reste des profiteurs d’une situation qui n’est pas de leur faite.


    • Bruno de Larivière Bruno de Larivière 22 juin 2012 11:30

      P.,

      Merci pour votre commentaire. Vos commentaires :)
      Mais le deuxième infirme le premier ! Je n’emploierais pas moi-même le verbe ’spéculer’ à propos des SAFER, car c’est le propre de tout investisseur de vouloir que son placement s’arrondissent. 
      Le problème ne se situe donc pas à ce niveau, mais dans les modes de fonctionnement et les objectifs fixés il y a cinquante ans. Ils sont à mon avis complètement dépassés.


      • Politeia 22 juin 2012 15:29

        « Mais le deuxième infirme le premier ! »

        En partie effectivement.

        "Le problème ne se situe donc pas à ce niveau, mais dans les modes de fonctionnement et les objectifs fixés il y a cinquante ans. Ils sont à mon avis complètement dépassés.« 

        Certainement. Revoir le fonctionnement sur comment elle rétrocédé les terrains qu’elle préempte. Elle ne devrait pas être la seule à décider, les collectivités devraient peu être avoir leur mot à dire. Ou encore comme le précise Alinea il est incroyable que nous voyons des exploitants louer les terres qu’ils exploitent car ils n’ont simplement pas la possibilité d’en acquérir. Mais pour être honnête je ne connais pas bien les SAFER ne m’étant pas encore intéressé, avant votre article, aux fonciers agricoles ou forestiers.

        Mais là où je minimise le rôle des SAFER c’est quand vous annoncez

         »Au total, le contrôle des transactions s’effectue au nom de la lutte contre l’argent-roi et aboutit au résultat inverse : la rareté organisée de la demande resserre l’offre, avec des répercussions sur les prix du foncier constructible. Les Safer alimentent par conséquent indirectement la bulle immobilière et l’étalement urbain... Les bons produits du marché, sans doute ?« 

        ou

         »Les agriculteurs propriétaires ont donc été poussés à se faire rentiers : dans les couronnes périurbaines, la meilleure activité - la plus juteuse (...) - pour les terres agricoles a été de faire pousser du pavillon...« 

        ou

         »Car la France ’devient moche’, selon les termes mêmes d’une enquête récente. La dégradation des paysages suit les progrès de l’étalement urbain« 

        Les SAFER n’ont pas, à part à faire de lobbying, de moyen d’influencer l’aménagement foncier ou urbain fait à travers les POS et PLU. Les collectivités, l’état et les urbanistes sont les responsables de cet état de fait. Pour lutter contre la »bulle", qui à mon avis n’en n’est pas une, il faut gonfler l’offre ou réduire la demande. Pour gonfler l’offre il suffirait de rendre des milliers d’hectare constructible mais vous ne le verrez jamais pour les différentes raisons que j’ai expliqué ci avant et que ça dévaluerai les biens immobiliers de bien trop de monde maintenant. Pour réduire la demande il faut inciter les gens à vouloir s’installer là où elle est actuellement faible, en campagne mais ça va être compliqué et le sujet mériterait bien plus qu’un simple commentaire.


      • alinea Alinea 22 juin 2012 12:22

        Merci pour votre article qui soulève un problème essentiel et que je ne vois jamais traité nulle part. Nous revenons au temps des seigneurs, avec des agriculteurs « loueurs » de terres, ce qui les contraint, pour joindre les deux bouts, de « piller » la terre plutôt que de la faire vivre pour qu’elle perdure. Dans mon coin ( Gard nord), les propriétaires sont étrangers ou milliardaires, avec régisseur ou locataires ! Nous en sommes revenus au temps des seigneurs ! Quand je pense à toutes les luttes qu’il a fallu mener pour sortir de ce système médiéval ! j’en ai le coeur serré.


        • alinea Alinea 22 juin 2012 21:18

          en tout cas Politeia, c’est tout à votre honneur de venir lire un article sur un sujet que vous ne connaissez pas. Vous êtes malheureusement la seule ! Je suppose que les lecteurs de ce site sont tous ou presque citadins et n’ont aucune idée de la régression et de tous les problèmes fonciers en France.
          Quelquefois peut-être, mais je ne l’ai vu que récemment ( la SAFER a-t-elle changé de directeur !), elle vient de décider un truc bien : imposer à une milliardaire anglaise, des vaches dans un parc de quarante hectares de landes ( dont nous avions fait les clôtures avant de se faire virer quand les terres ont été vendues à la susdite milliardaire !). Pour le reste, au mieux, c’est copinage. il faudrait vraiment réfléchir à la manière de changer tout cela, empêcher que ça empire et même rattraper les dérives anciennes.... de plus c’est un pouvoir quasi inattaquable !


          • brieli67 23 juin 2012 00:10

            ou part le fric des plus-values ??

            faut pas chercher bien loin : dans l’encadrement POLITIQUE de l’Agriculture

            un de ces cullards sélectionné , puis formé ..... et utilisé

            Diplômé de l’Institut des hautes études de la défense nationale (IHEDN), dont il a été auditeur entre 1982 et 1983, il est éleveur de bovins et milite d’abord au sein du mouvement agricole français

            http://fr.wikipedia.org/wiki/Joseph_Daul
            http://president.eppgroup.eu/index.php?Itemid=21&id=7&option=com_content&task=view&lang=fr

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