Quand la loi autorise les pesticides dans l’eau potable !
En lisant le compte-rendu du Conseil municipal de mon village, j'ai été surprise de constater qu'une délibération portait sur l'octroi d'une dérogation pour le dépassement du seuil de pesticides dans l'eau potable. Je me suis donc renseignée sur le sujet et j'ai découvert qu'effectivement, il est possible de déroger aux seuils règlementaires prévus en cas de pesticides dans l'eau potable. Explications.
Ce qu'il faut entendre par pesticide
Les pesticides recouvrent un large éventail de produits tels que les biocides ou les produits phytopharmaceutiques. En se diffusant dans la nature, ils se transforment en nouvelles particules appelées "métabolites".
Il faut savoir que la liste des pesticides et de ses métabolites est en constante évolution puisque de nouvelles molécules sont régulièrement examinées afin d'être classées selon le danger qu'elles représentent. C'est l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) qui effectue cette analyse.
Un arrêté du 11 janvier 2007 fixe les seuils règlementaires qui doivent être respectés en matière de présence de pesticides dans les eaux destinées à la consommation humaine (EDCH). Mais la réglementation provient en fait de l'Union européenne.
Le Directeur général de la santé a rendu une instruction (n°DGS/EA4/2020/177) qui détaille les règles applicables en matière de qualité de l'eau.
Ce qu'il faut savoir sur la dérogation au seuil réglementaire
Si le seuil prévu par la règlementation est dépassé dans une zone délimitée, sur une période de trente jours consécutifs, il est possible de demander une dérogation pour continuer à alimenter la population en eau potable. Sur impulsion de l'Union européenne, cette dérogation doit néanmoins pouvoir être justifiée par un des cas suivants :
- En présence d'une nouvelle ressource en eau qui sert à l'alimentation de la population.
- En présence d'une nouvelle source de pollution au niveau de la ressource en eau ou d'un paramètre nouvellement recherché.
- En présence d'une situation inattendue et exceptionnelle conduisant à une non-conformité de l'eau, sur une période de temps limitée.
La dérogation est accordée si l'utilisation de l'eau ne présente pas un danger "potentiel" pour la santé des personnes. La formulation est suffisamment vague pour ne pas être rassurante.
Cette autorisation est toutefois limitée dans le temps...pour une durée de 3 ans renouvelable une fois !
Ce sont les Agences régionales de santé (ARS) qui apprécient la situation et la dérogation est accordée par arrêté préfectoral. La population doit en principe en être avertie, mais nous ignorons la forme que doit prendre cette information.
Enfin, la dérogation doit être accompagnée de mesures prises par la collectivité pour retrouver une eau potable répondant aux critères de conformité.
En bref, il existe des seuils de tolérance des pesticides dans l'eau potable, ayant pour but de protéger la santé de la population. Mais il est tout de même possible d'y déroger, pendant plusieurs années. Cette exception serait sans danger pour la santé. Mais alors, à quoi servent ces seuils s'ils ne constituent pas la limite entre une eau saine qui peut être consommée durablement et une eau potentiellement dangereuse, à moyen ou long terme ? Si vous souhaitez connaître le dernier rapport relatif à la qualité de l'eau dans votre commune, vous pouvez consulter cet outil en ligne.
40 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON