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Accueil du site > Actualités > Environnement > Surtout ne choquons pas, « positivons » !

Surtout ne choquons pas, « positivons » !

«  Je n’ai rien d’autre à offrir que du sang, du travail, des larmes et de la sueur.  » disait Sir Winston Churchill le 13 mai 1940 dans son allocution à la Chambre des Communes, trois jours après le déclenchement de l’offensive allemande du 10 mai 1940 appelée «  bataille de France  » qui fut l’invasion simultanée des Pays-Bas, de la Belgique, du Luxembourg et de la France.

Etait-il possible de promettre joie, repos et fête face à un tel événement, certes non.

Répondre à cette invasion nécessitait de mobiliser, de réunir autour d’une dynamique, celle de la guerre, dont on connaît trop bien les diverses conséquences.

La nécessité répondait à la menace que représentait une liberté laissée au Reich d’Hitler d’agir à sa guise en Europe.

Le danger était défini, ses contours connus, la décision était prise de l’affronter et les circonstances de l’affrontement ne pouvaient s’inscrire que dans un effort coûteux à tous points de vue.

La phrase de Churchill définissait clairement, en peu de mots, ce qui caractériserait l’avenir proche.

Quelle fut la réaction de nos voisins britanniques ?

Ils se mobilisèrent et réalisèrent tous les efforts indispensables pour tendre vers la défaite de l’envahisseur.

Ils ne se réfugièrent pas dans la peur, dans un repli sur soi qui les aurait conduits tôt ou tard vers une soumission à Hitler, car ils en refusaient la perspective.

Cette réaction peut être qualifiée de clairvoyante et de courageuse.

Serions-nous aujourd’hui dépourvus de telles capacités de compréhension de la situation et des ressorts nécessaires pour l’affronter ?

Certes nous ne sommes pas dans la perspective d’une invasion, de bombardements, de canonnades, mais nous savons tous que des dangers graves nous menacent, liés à la dégradation de notre environnement.

L’utilisation du " nous " pour désigner la cible de ces menaces peut être vue comme ambiguë : " nous ", en France, bénéficions encore d’un grand confort et d’une certaine stabilité dans suffisamment de domaines pour ne pas ressentir d’atteinte fortes à nos conditions de vie, ceci pour la moyenne d’entre nous.

Mais j’utilise ce " nous " dans la désignation de l’ensemble de l’humanité : l’humanité est d’ores et déjà durement affectée par cette dégradation de notre environnement.

Le " Forum humanitaire mondial " nous le rappelle : " 300 000 morts par an sont dues aux changements climatiques ". Le bilan dressé par le Forum humanitaire mondial dans son rapport intitulé « L’impact humain du changement climatique - anatomie d’une crise silencieuse", n’est pas une projection de plus, mais bel et bien un état de fait. " 

Ce qui affecte aujourd’hui les plus pauvres n’est pas uniquement la conséquence des changements climatiques mais plus largement un ensemble de phénomènes sanitaires, sociaux, économiques, énergétiques, de pollution, de comportements de prédation économique...

La liste des travers de nos sociétés serait longue à établir, leurs conséquences, si elles ne font pas l’effet d’une bombe, d’une invasion, d’un choc auquel il faudrait répondre avec force et dans l’immédiat, seront lourdes à supporter.

Mais ces travers ayant des effets absolument indéniables qui ’expriment par des dégradations sourdes, lentes et bien souvent irréparables il est absolument indispensable de les contrer sans tarder, on s’en convaincra par exemple en consultant cette liste d’articles sur les gaz à effet de serre.
, ou celle-ci sur l’état des espèces vivantes.

Nous nous trouvons donc face à une nécessité d’une ampleur au moins égale à celle de Mai 1940.

Face à elle suffira-t-il de gestes " écocitoyens " tels qu’on les nomme souvent, et qui consisteront plus ou moins à éteindre la lumière et le robinet après usage ?

Malheureusement non, même si la modification, de notre propre initiative, de nos comportements quotidiens aura peu ou prou d’impact.

Il nous faudra déployer des efforts autrement plus intenses, qui devront mobiliser avec force, détermination, constance, les gouvernements du monde et leur tâche ne sera pas facile.

Car il faudra parvenir à des consensus sur les décisions à prendre, consensus au niveau international mais aussi au sein de chaque pays si l’on doit s’en tenir à des régimes démocratiques, ce qui me semble indispensable.

Pour que ces décisions puissent être prises elles devront être fondées sur des constats et pensées de façon à infléchir le cours des choses avec l’efficacité requise, et ces fondements devront être l’émanation d’une élaboration partagée, émanant de chacun d’entre nous ou, pour le moins, susceptible de recueillir l’approbation de chacun d’entre nous.

Cela signifie que nous devrons être capables de voter en faveur de mesures qui présenteront un spectre d’avantages et d’inconvénients différent du spectre préexistant dans chaque domaine, les nouveaux inconvénients abolissant éventuellement ce que nous pouvions considérer auparavant comme des avantages et dont nous pensions qu’ils étaient acquis ad vitam aeternam.

Car nous ne corrigerons pas les travers de nos sociétés sans modifier certains de ses fonctionnements, sans remanier certains équilibres.

Loin de toute " dictature de l’écologie " telle que la redoutent certains nous pouvons effectivement réfléchir puis agir, mais cela implique que chacun d’entre nous soit clairement informé des tenants et aboutissants de chacun des élément qui devra être réévalué, remis en cause et modifié.

Cela implique que nous soyons réellement et sincèrement conviés à nous inscrire dans cette dynamique car il est probablement encore temps que nous renversions le cours de certaines évolutions négatives qui, si nous ne faisons rien, nous rattraperont avec de gravissimes conséquences.

Si cette dernière assertion est vraie (et voir l’évolution des émissions de gaz à effet de serre, en forte augmentation en dépit des efforts déjà réalisés, pourrait nous la faire considérer comme exacte dans ce domaine) il nous faut probablement quelques nouveaux Churchill plutôt que des alertes molles telles qu’il en surgit un peu partout.

Il nous faut un état des lieux clair, précis, sérieux, solidement fondé dans chaque domaine, accessible à tous et, pour cela, diffusé à divers niveaux de complétude, de l’étude scientifique au résumé à destination des écoles primaires.

Cet état des lieux ne pourra pas faire l’impasse sur les dangers que nous courrons car la lutte contre ces dangers sera la raison même de nos actions à venir.

On ne pourra donc pas dire, comme j’ai pu l’entendre, que l’évolution du climat pourra entraîner la fonte du permafrost et le relâchement massif de méthane, puissant gaz à effet de serre, dans l’atmosphère avec des conséquences potentiellement catastrophique.

On ne pourra le dire ainsi car les concentration en méthane dans l’atmosphère du grand nord ont été constatées depuis quelques années, suite logique de l’élévation des températures moyennes en ces zones : nous sommes bel et bien dans une situation potentiellement catastrophique à ce sujet.

Afin de permettre à nos concitoyens de " positiver ", afin de ne les " choquer " en rien faut-il se contenter de la première formulation ou devons-nous adopter la seconde ?

Avec en toile de fond de la pensée de qui choisirait la première l’idée qu’adopter la seconde susciterait de la peur " dans les chaumières " et ne pourrait conduire qu’à un repli sur soi incapacitant.

Une telle attitude n’est-elle pas l’expression du mépris, conscient ou non, qu’auraient certains " qui pensent savoir " vis à vis d’autres qui seraient supposés " savoir moins " et surtout que l’on imaginerait incapables d’accéder à un niveau suffisant de savoir et de compréhension des choses qu’on ne devrait surtout pas les informer avec trop de précision de ce qui représente de bien réels dangers ?

Churchill, en prononçant sa fameuse phrase, n’a pas considéré qu’une partie de son peuple serait à ce point hermétique au sens et pleutre au point qu’il ne devrait la délivrer qu’à un cercle restreint : c’est à la Chambre des Communes qu’il l’a dite, dans un discours public.

Devons-nous considérer aujourd’hui que les peuples sont à ce point amollis, intellectuellement affaiblis et somme toute réduits à des réactions instinctives de peur qu’ils ne seraient plus capables d’un courage tel que celui déployé par nos voisins au début de ce second conflit mondial ?

Répondre " oui " à cette question serait signer la mort de toute démocratie et ouvrir grand la voie à une terrible époque d’obscurantisme.

J’attends que l’on nous dise " Il faut garder en mémoire que nous nous trouvons à l’aube de l’une des plus grandes batailles de l’Histoire... Nous avons devant nous une feuille de route d’une terrible difficulté. ...Vous vous demandez quel est notre but ? Je vous répondrai en un seul mot : notre but c’est la victoire, la victoire à tout prix, la victoire en dépit de la terreur, la victoire quelque longue et difficile la route puisse t être ; parce que sans victoire, il n’y aura pas de survie. ... pas de survie pour l’héritage de notre Histoire selon lequel l’humanité progresse pas à pas vers son objectif. " (extraits du discours du 13 mai 1940).

Car la bataille pour que cesse l’amenuisement de la biodiversité – entre autres questions à l’ordre du jour – est très probablement une bataille pour notre survie à moyen terme, et comme je le rappelais plus haut la crise climatique est d’ores et déjà une crise humanitaire.

Quel est, quel sera le prix de notre non mobilisation, ou d’une mobilisation insuffisante ?

Très clairement ce sera chaque année, et pour longtemps, celui de la mort – évitable – d’une fraction plus ou moins importante de l’humanité, comme nous le constatons déjà.

Peut-il y avoir une " mobilisation soft " qui éviterait d’exposer clairement et dans toutes leurs dimensions et conséquences chacune des questions que nous devons régler, à seule fin de ne pas " choquer " ?

Répondre " oui " serait estimer que chacun peut construire un opinion que l’on reconnaîtrait comme fondée sans disposer de l’ensemble des éléments indispensables à l’élaboration d’une telle opinion : mission par définition impossible !

Or que constatons-nous aujourd’hui sinon une assez grande mollesse vis à vis d’une mobilisation qui nécessiterait une grande force ?

D’un côté certains croient qu’il suffira de se fier aux progrès techno-scientifiques pour résoudre la plupart de nos problèmes et qu’il faut par conséquent amplifier la vitesse de ces progrès.

Cela exclut évidemment un certain nombre d’aspects qui pèsent sur l’évolution de l’état du monde, comme celui de régulations internationales ou les aspects sociaux étroitement liés aux systèmes de redistribution des richesses : ne changeons rien à cela surtout !

On aura deviné que ces apôtres ne s’inscrivent pas dans la liste des moins favorisés du point de vue économique.

Ailleurs certains prônent un " changes toi toi-même pour faire changer le monde " : effectivement adopter un point de vue et des comportements différents sera d’autant moins néfaste que l’on aura été précédemment plus ou moins " prédateur ".

D’autres avancent qu’un enrobage bien sucré fera passer toutes les pilules (Home, des sucreries plein les yeux... ).

Malheureusement rien de cela ne suffira à initier les actions indispensables dans un temps qui nous est compté.

Alors, Sir Winston... ?


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3 réactions à cet article    


  • citoyen 8 juin 2009 14:25

    le grant tabou : la démographie . Soyons moins nombreux , soyons plus heureux !


    • Bois-Guisbert 9 juin 2009 11:22

       

      « Ils ne se réfugièrent pas dans la peur, dans un repli sur soi qui les aurait conduits tôt ou tard vers une soumission à Hitler, car ils en refusaient la perspective. »

      En fait, ils ne se réfugièrent pas dans la peur, parce qu’ils avaient… peur de la victoire finale de Hitler... C’est presque une métaphore de la vie, qui est faite de choix entre deux peurs…

      « « Le « Forum humanitaire mondial » nous le rappelle : « 300 000 morts par an sont dues aux changements climatiques ». Le bilan dressé par le Forum humanitaire mondial dans son rapport intitulé « L’impact humain du changement climatique - anatomie d’une crise silencieuse« , n’est pas une projection de plus, mais bel et bien un état de fait. » »
       
      Un état de fait beaucoup moins impressionant qu’il y paraît à première vue. Trois cent mille morts, cela correspond à quarante-huit heures de travail de la Faucheuse, puisque, en moyenne, sur terre, ils meurent 150 000 et 160 000 personnes par jour.

      Par conséquent, les victimes attribuées – il serait intéressant de savoir comment – au réchauffement, ne représentent que 0,5 % de la totalité des décès annuels.

      Ce n’est pas cela qui dissuadera les Chinois et les Indiens de se serrer la ceinture pour accéder - enfin ! - à la bagnole imndividuelle.


      • jcm jcm 9 juin 2009 19:52

        « parce qu’ils avaient… peur de la victoire finale de Hitler... »

        Ou
        parce-qu’ils n’acceptaient pas l’idée d’une victoire du reichfürer, ce qui serait bien différent d’une réaction de peur !

        Et là, je ne suis pas bien convaincu que la peur aurait été le principal moteur !

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