Les Balkans dans l’UE : une fausse bonne idée ?
L'inquiétude grandit dans les chancelleries européennes face à la dégradation de la situation dans les Balkans. De la Macédoine au Monténégro, les pays balkaniques se débattent entre poussées nationalistes et corruption généralisée.
Le feu couve de nouveau dans les Balkans. Depuis plusieurs semaines, l'ensemble de la région connaît un regain de tensions, entre poussées nationalistes et conflits politiques larvés entre ethnies. En Macédoine, où le dernier numéro de Courrier International s'alarme d'une « bombe à retardement dans les Balkans », la situation s'enlise depuis les dernières élections législatives anticipées du 11 décembre 2016, organisées sous la pression de Bruxelles et de Washington.
Le président Gjorge Ivanov, du parti nationaliste VMRO-DPMNE, miné par les accusations de corruption et de fraude électorale, refuse de confier la direction du gouvernement à l'opposition social-démocrate. Et envoie ses partisans manifester par dizaines de milliers dans les rues de Skopje, dénonçant la « menace séparatiste » que représenterait la minorité albanaise du pays.
Entre la Serbie et le Kosovo, le torchon brûle aussi. Le président kosovar, Hashim Thaci, a déposé un projet de loi entendant transformer les forces de sécurité du pays en véritable armée, provoquant l'inquiétude de l'Otan. La Slovénie, qui envisage de rétablir le service militaire, lui emboîte le pas. Le Monténégro, quant à lui, se débat dans la crise politique consécutive aux élections législatives d'octobre 2016. Autant de points de crispations qui ont poussé les dirigeants européens à réagir.
L'Union européenne entre espoirs et inquiétudes
Ce n'était pas à l'ordre du jour, mais la montée des tensions dans la région balkanique a contraint les 27 chefs d'Etats et de gouvernement de l'Union européenne (UE) à mettre les Balkans au menu du déjeuner informel qu'ils ont partagé à l'issue de leur dernier sommet, le 9 mars. Constatant l'inquiétante dégradation sur les plans « politique et sécuritaire », les dirigeants européens ont rappelé la « perspective européenne » des pays balkaniques, tout en se gardant bien d'ouvrir grand les portes à un futur élargissement.
« Les tensions et divisions ont dégénéré, a déploré le président du Conseil européen, Donald Tusk. L'Union européenne reste fidèle à sa promesse (d'élargissement) et pleinement engagée pour la stabilité et la prospérité de la région ». Un soutien du bout des lèvres, donc, que Bruxelles conditionne à la mise en œuvre de profondes réformes en matière de lutte contre la corruption, contre les trafics et le crime organisé ou encore en matière de fonctionnement démocratique.
Et le chemin risque d'être encore long pour ces petits pays issus de la partition de l'ex-Yougoslavie. Le classement de l'indice de perception de la corruption (CPI), réalisé chaque année par l'ONG Transparency International, démontre en effet, édition après édition, le retard pris par les Etats des Balkans dans la lutte pour éradiquer la corruption : à l'exception de la Croatie et de la Slovénie, tous les pays balkaniques émargent, dans un classement où les pays les plus vertueux se rapprochent de 100, à moins de 50. Les lanternes rouges européennes, encore et toujours.
Plusieurs pays des Balkans, à l'instar de la Bosnie, « sont marqués par une perception élevée de corruption parmi les parlementaires, un fort taux de corruption et un environnement social négatif pour engager des actions contre la corruption », explique-t-on chez Transparency International. L'Europe de l'Est, au sens large, est particulièrement touchée par le phénomène : plus de 60% des personnes interrogées par l'ONG en Moldavie, au Kosovo ou en Ukraine considèrent la corruption comme un problème majeur dans leur pays.
La corruption, enfin, est directement responsable de l'exode massif des cerveaux et jeunes diplômés d'Europe de l'Est et méridionale vers les pays de l'Ouest. Depuis la chute du mur de Berlin, ce sont des centaines de milliers d'entre eux – le FMI parle de plus de 5% de la population totale de ces régions – qui ont émigré vers l'Allemagne ou le Royaume-Uni, fuyant des systèmes politiques gangrenés par la corruption, où seule l’allégeance aux oligarques locaux assure des perspectives d'avenir.
Le Monténégro gangrené par la corruption
Officiellement candidat à devenir le 28e Etat membre européen, le Monténégro a été salué par les eurodéputés comme le pays « le plus avancé en termes d'adhésion à l'UE ». Une situation qui peut interpeller au regard de la situation interne du pays : les parlementaires européens eux-mêmes soulignent que « la corruption, le crime organisé, mais aussi la liberté de la presse demeurent des sujets d'inquiétude »…
On ne saurait dire moins. Dirigé pendant 25 ans par un seul et même homme, Milo Dukanovic, le pays est frappé par un fort taux de chômage, lui-même causé par le népotisme des politiciens et une corruption institutionnalisée jusqu'au plus haut sommet de l'Etat. Poussé à la sortie après les élections législatives d'octobre 2016, l'autoritaire Milo Djukanovic n'en conserve pas moins les rennes du pays. Impliqué dans un gigantesque trafic de cigarettes, proche des réseaux mafieux qu'il protège, Djukanovic est aussi connu pour faire régner la terreur sur les médias de son pays – classé 106e sur 180 au classement de la liberté de la presse publié par Reporters sans frontières. Mais malgré cette triste réalité, l’UE semble être plus que jamais prête à accepter le Monténégro dans ses rangs…
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