UE : La crise on oublie, on dépense pour rien
L’Union Européenne (27 Etats) et le Conseil de l’Europe (47 Etats) vivent une coexistence parfois conflictuelle, peut-être même dans certains domaines, une latente rivalité. Situation surtout initiée par l’UE à laquelle le CdE essaie de répondre dans la mesure de ses moyens bien plus maigres en poids financier mais plus lourd en « préoccupations humaines » particulièrement en ce qui concerne les droits de l’homme.
Un doublon de plus.
Un représentant spécial des Droits de l’Homme aux côtés de Mme Ashton : le 25 juin dernier le Parlement Européen a donné son approbation à la création de ce poste, demandé par le Conseil Affaires Etrangères de l’Union.
Pour quoi faire ? Assister ou concurrencer le Commissaire aux Droits de l’Homme du Conseil ? Accroître le rayonnement de l’ UE sur le plan de « l’humain » ? Caser quelque notable ? Dépenser l’argent des contribuables européens préoccupés par la crise dont, scandaleusement, on n’a pas vraiment cure dans ces Instances là ? S’en ficherait-on ?
Les parlementaires du Conseil - parlementaires nationaux désignés par leur propre parlement - s’en sont offusqués et demandent à leurs collègues eurodéputés de réexaminer la question. C’est une ardente députée luxembourgeoise, Anne Brasseur, une des « ténors » si on peut dire, les plus actifs, qui est montée au créneau pour dénoncer ce nouveau doublon coûteux et inutile.
Avec elle, de nombreux parlementaires considèrent cette pratique honteusement dispendieuse et superflue, rappelant que les « cœurs de métier » sont différents et complémentaires et non concurrents. A l’Union, l’économie et ses annexes ; au Conseil, les Droits de l’Homme et son fleuron, la Cour Européenne.
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Memorandum d’accord ? On s’en fiche.
La dénonciation d’un précédent fâcheux n’aura servi à rien.
En réponse à la création le 15/02/2007 de l’Agence des Droits Fondamentaux de l’Union Européenne à Vienne ( Wien), le Conseil avait répliqué par un Memorandum d’accord avec l’Union ( inspiré par le rapport Junker) dans lequel les deux Institutions s’engagent à éviter désormais tout doublon, le Conseil restant la référence en matière de Droits de l’Homme et à « rechercher la valeur ajoutée et à procéder à une meilleure utilisation des ressources existantes ». Vœu pieux sur lequel on s’assied. Se rappelle-t-on que l’Agence de Vienne est dotée de 22 millions en 2012 soit 10% de la dotation globale du Conseil, la Cour comprise ?
Cela avait été dénoncé en son temps mais peu importe, on persévère tout en se montrant d’une pingrerie coupable dans d’autres projets comme l’organisation du Forum Mondial de la Démocratie à Strasbourg en octobre. Pas un centime de participation. Incompréhensible.
Le président du parlement, Martin Schulz et certains de ses éminents collègues sont pourtant retenus parmi les intervenants. Bizarre ! Des interprétations sans doute fantaisistes voudraient que le Parlement ne voit pas d’un bon œil une trop grande réussite de cette semaine mondiale de la démocratie qui rendrait très aléatoires voire dépassées les velléités de délocalisation vers Bruxelles. Quand même pas !
Mais quoi qu’il en soit, de telles pratiques ne sont pas propices à une réactivation du désir de construction européenne tant mise à mal par la crise. D’ailleurs, même hors de l’aspect comptable, cette nomination est incompréhensible : le représentant spécial exercera sur un sous-ensemble (27 pays) une autorité semblable à celle du commissaire aux Droits de l’Homme qui l’exerce sur l’ensemble des 47 pays dans lesquels les 27 sont inclus. Compliqué et couteux.
N’est-ce pas là, en même temps, récuser la mission originelle devenue traditionnelle dont le CdE s’est acquitté avec compétence depuis des décennies ?
Pire, le Parlement Européen a créé en mai 2011, à Bruxelles une Assemblée bis sous le nom de Assemblée Parlementaire Euronest qui s’attribue clairement les missions du Conseil, notamment pour accompagner les « transitions démocratiques », rôle assuré par vocation par le Conseil qui a tout de même systémiquement servi d’antichambre aux candidats à l’adhésion à l’UE.
Alors, à terme, veut-on la disparition du Conseil de l’Europe ? Cela n’échappe pas à la grande majorité des membres de l’Assemblée Parlementaires ni à son président, le français Jean-Claude Mignon, qui tentent de résister. En premier lieu, ils demandent à l’Union de hâter sa propre adhésion à la Convention des Droits de l’Homme, prouvant ainsi qu’elle prend cette composante au sérieux. Tous les Etats membres de l’Union y ont adhéré individuellement, si l’on peut dire, mais l’entité politique UE pas encore alors qu’on sait que celle-ci assume des responsabilités que les Etats lui ont abandonnées.
Une idée folle, une utopie ?
Et si à long terme l’ACPE devenait un Sénat de l’Union ?
On sait aussi qu’à terme la construction européenne se poursuivra par paliers avec le renforcement des acquis et un élargissement prudent, concerté. Ou elle s’écroulera.
M.Gross ( Suisse) rappelle que très récemment le ministre allemand Monsieur Schäuble a appelé à « européaniser la démocratie » pas uniquement en se fondant sur le Parlement européen mais aussi sur le Conseil, en créant un Sénat où siègeraient des délégués des Etats Nationaux .
« C’est ce que nous sommes, ici, au Conseil » affirme-t-il. Monsieur Pozzo di Borgo (France) rejoint cette thèse ; M.von Sydow (Suède) veut une plus grande considération pour le Conseil et approuve comme bien d’autres encore.
Alors simple blessure narcissique ou réaction positive portant des perspectives ? Souvent cela commence comme çà.
Enfin il ne faudrait pas qu’une carte de l’Europe politique devienne un écheveau inextricable comme le fut celle de la France d’Ancien Régime.
Antoine Spohr (Article paru également sur Mediapart)
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