Afghanistan : check list

Nous sommes allés en Afghanistan pour en finir avec Al Quaida et mettre hors d’état de nuire ses chefs, à commencer par Ben Laden.
Opération pleinement réussie. L’ordre règne à Kaboul, à tel point que l’on peut désormais y envoyer les clandestins du square Villemin. L’Afghanistan est un long fleuve tranquille qui déborde vers le Pakistan, y amenant sa tranquillité et son bien être. C’est tellement calme que les terroristes partent en vacances vers les côtes somaliennes et le désert mauritanien, les Aurès et Zanzibar, Mombassa et le Caire. Il y en a qui s’aventurent jusqu’à Londres ou New York, certains poussent même jusqu’à Copenhague, pour participer à leur manière au succès éclatant de la conférence homonyme. Quant aux chefs, ils ont tellement disparu qu’on ne les voit plus qu’en cartes de vœux, sur internet bien sûr, c’est dire qu’ils sont à la page et aspirés par les chimères du progrès, notre progrès. D’ailleurs il n’y a plus de chefs. Il n’y a que des lieutenants et des colonels, qui n’en font qu’à leur tête, ce qui prouve bien que le mouvement est à la dérive, un peu comme les icebergs qui ont rencontré le Titanique.
Nous sommes allés en Afghanistan pour régler le problème de l’opium.
Alors là, c’est un franc succès. On peut dire ce que l’on veut sur la modernisation de l’Afghanistan, mais ce qui est incontestable c’est que nous avons réussi de passer de l’artisanat à l’industrie lourde en moins d’une décennie. De l’oligopole au monopole. Les années de production record se suivent et se rassemblent. D’ailleurs, l’ensemble du pays s’y est mis, avec fougue et détermination. Il n’y a pas un district, une région, qui ne peut se vanter d’avoir fait mieux que l’année précédente. Les birmans, les mexicains, les libanais, les turcs font grise mine, tout comme les kazakhs, les ouzbeks et autres tadjiks qui ont dû accepter de jouer les seconds couteaux se recyclant pour certains en d’autres drogues, ou assumant leur rôle subalterne de passeurs et d’autre métiers associés. Les seigneurs de la guerre et les chefs de clans afghanis, exigent désormais que l’ONU et la communauté internationale participent à cet essor phénoménal en construisant des routes et autres travaux d’irrigation et d’électrification pour couronner ce renouveau économique.
Nous sommes allés en Afghanistan pour importer la démocratie électorale
Sur ce point, il faut avoir le succès modeste. Les afghanis se sont débrouillés quasi tout seuls. D’ailleurs, l’argent de la communauté internationale destiné aux élections étant superflu, il a été utilisé pour d’autres projets de développement, localement et à nationalement, pour l’érection de madrasas et la fermeture ses écoles pour filles. Pensez un peu gagner les élections avec 49,8 % des votes : même en France on a pas eu un score aussi serré, preuve s’il en faut d’une démocratie saine et paisible. A la prochaine élection américaine il faudrait des observateurs afghans, seuls garants d’un processus qui, aux USA, connaît des imperfections criardes. Ils seront accompagnés d’observateurs zimbabwéens, proposés gracieusement par le président Mugabe.
Nous sommes allés en Afghanistan pour sécuriser les voies pétrolières.
Même si cet objectif n’était pas ouvertement annoncé, il n’en faisait pas moins partie de la check list. Peu importe. Peut-être pas de manière idéale, ce problème a aussi été résolu. Pendant que l’on guerroyait en Afghanistan, des ingénieurs et des ouvriers consciencieux ont réussi à relier la Chine à l’Asie centrale par un pipe line gigantesque, qui permet de calmer les anxiétés chinoises et surtout les tensions géopolitiques qui en découlaient. De lui même, l’Afghanistan a réglé ce problème épineux. Hostile à l’utilisation de son territoire, il a envoyé les sept sœurs du côté de Kashgar. Ne reste plus qu’à régler le problème ouïgour. Mais on fait confiance à la sagesse chinoise.
Nous sommes allés en Afghanistan pour éradiquer la corruption.
Sur ce sujet, la messe est dite : Ismaêl Khan, l’émir de l’ouest et de Herat, en envoyant au palais présidentiel un camion plein de ballots de cent dollars (des millions, des milliards ? comment compter ?) a mis un point final aux discussions sans fin des fonctionnaires onusiens : l’argent parle. Et si nous voulons des taxes et des impôts, en voici, en voilà. Pas la peine de s’attarder avec des lois incongrues et contradictoires…
En conclusion de notre check list nous pouvons, sans nous tromper, dire que les raisons qui nous ont envoyé en Afghanistan étaient les bonnes, que le succès est indiscutable et que désormais nous pouvons rentrer chez nous, l’âme en paix du travail bien fait. Alors plions bagage, les Somalies et autres Yémen nous appellent…
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