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Alerte aux massacres

Stoppons l'escalade au Burundi !

Samedi dernier, le président burundais a annoncé qu’il briguerait un troisième mandat, en dépit de la loi constitutionnelle qui le lui interdit. Vingt quatre heure à peine plus tard, les premières victimes de la répression policière contre des manifestants arrivaient à la morgue. Le Burundi se rapproche dangereusement d’une monstrueuse tragédie.

Or ce petit Etat de l'Afrique des Grands Lacs ne pèse pas lourd dans la diplomatie internationnale, et son économie ne peut survivre qu'avec l'aide internationnal. Le président Pierre Nkurunziza, dont l'attention se porte davantage sur son égo que le bien-être des Burundais, a fait fermer la première radio du pays, ce qui peut nous amener à penser que des massacres se préparent "à huis clos"1. D'autant plus que l'on connait l'existance de milices, prêtes à user de leurs armes2.

Ces massacres, qui nous rappellent la terrible guerre civile qui dura 13 longues années3, peuvent être évités : cela passe par la réactivité de la communauté internationale, mais aussi par l'information de tous. Ce n'est qu'avec l'aide de chacun d'entre vous que l'on peut sortir de l'oubli ce petit Etat qu'est le Burundi, et ainsi faire pression sur l'actuel président et ses milices pour éviter la terrible tragédie à venir.

Voici l'excellent article de François BUGINGO, paru dans le journal de Montréal4. Faites tourner l'information.

JPEG C’est samedi dernier que le président burundais a annoncé qu’il briguerait un troisième mandat, en dépit de la loi constitutionnelle qui le lui interdit. Vingt quatre à peine plus tard, les premières victimes de la répression policière contre des manifestants arrivaient à la morgue. Le Burundi se rapproche dangereusement d’une monstrueuse tragédie. Le monde peut-il regarder les bras croisés ?

 

Été 2005, le Burundi réapprend l’exercice démocratique. Après plusieurs années d’une lancinante guerre civile qui a fait des centaines de milliers de victimes, l’ONU a convaincu les différents acteurs politiques et militaires à s’en remettre au verdict des urnes. À la baguette, Carolyn McAskie, une énergique Canadienne qui se dit assurée qu’après un premier scrutin à l’issue acceptée de tous, le Burundi allait peu à peu se défaire de ses démons des divisions ethniques, régionales et claniques.

Le profil du favori à ces élections rassure les analystes étrangers. Candidat du CNDD-FDD, Pierre Nkurunziza a le charisme d’une feuille morte, mais une bonhomie qui le rend somme toute attachant. « Il sera un Pape de transition, me prédit un diplomate. Il est sans envergure. Il est plus passionné par le foot et les activités de son Église que par les magouilles politiques. C’est ce qu’il faut pour désenvoûter les Burundais de leur obsession politique partisane... » C’est vrai que quand je rencontre ce candidat singulier, il m’apparaît inoffensif ; à la limite, on le soupçonnerait d’être manipulé par des hommes de l’ombre au sein de son parti.

Dix ans plus tard, force est d’admettre que nous avons tous eu tort de sous-estimer l’animal politique. Il s’est avéré être plus retors qu’on ne l’eut pensé. Réussissant même à se défaire d’amis et mentors devenus trop pesants, au risque de lui faire de l’ombre. Puis, il semble avoir pris le goût au pouvoir, le bougre. Ainsi, bien que la constitution l’interdise, il brigue un troisième mandat, en invoquant un changement de la loi fondamentale qui aurait eu pour conséquence d’effacer ses premières années au pouvoir de la comptabilité. L’opposition n’est pas d’accord. La société civile non plus. La toute puissante Église catholique est même sortie de sa réserve habituelle pour dénoncer ce qui lui apparaît comme un illégitime coup de force. Les puissances étrangères et les diplomates internationaux n’apprécient pas, et c’est peu dire.

 

Mais Pierre Nkurunziza n’a que faire de ces condamnations unanimes. Non seulement va-t-il être au rendez-vous électoral de fin mai prochain, il s’offre en plus le luxe d’en définir les règles du jeu tout à son avantage : commission électorale qui n’a d’indépendant que son nom, les mécanismes de ce scrutin volontairement maintenus opaques, les opposants politiques jetés en prison ou menacés de poursuite sous de douteux chefs d’accusation, la presse muselée, les critiques internationales systématiquement priées d’aller se faire cuire un œuf, etc. Bref, tout est mis en place pour s’assurer d’un sacre plutôt d’un exercice démocratique honnête.

 

LE SCÉNARIO DU PIRE

Dès l’annonce ce samedi de la candidature du président sortant pour un nouveau mandat, les condamnations internationales se sont multipliées. La Belgique, les États Unis, l’Europe, la Francophonie et bien d’autres organisations ont mis en garde contre un risque de catastrophique embrasement général au Burundi. Mais il faudra plus que de simples mots, car la roue de l’abomination s’est mise en branle. L’aile jusqu’au-boutiste du parti au pouvoir a donc pris l’ascendant et n’entend désormais plus reculer. Quitte à descendre même son poulain s’il venait à montrer le moindre signe de faiblesse. Il faudra donc plus que des déclarations molles pour faire face à la ferme résolution de ces radicaux.

« Un génocide est peu probable, m’a cependant assuré un observateur. La dimension ethnique joue un rôle minime dans la crise actuelle au Burundi. Et puis, dans les villages hutus, il ne reste presque plus de tutsis à abattre. » Nous voilà donc rassurés. On peut désormais dormir tranquille. Nous n’aurons droit qu’à une « banale et classique horreur africaine ». Mais croyez-moi, ce qui risque de se passer au Burundi est encore plus terrifiant qu’on ne le laisse dire. S’appuyant une milice aussi brutale que loyale, le CNDD-FDD a le pouvoir de déclencher l’abomination sur l’ensemble du territoire. Ces jeunes ont reçu des armes et, semble-t-il, des instructions claires pour déclencher les hostilités quand ils en recevront l’ordre. Cela n’est pas sans rappeler la stratégie du recours aux milices Interahamwe lors du génocide au Rwanda.

Même aux heures les plus sombres de la guerre civile au Burundi, la presse a toujours joui d’une relative liberté lui permettant de jouer un rôle positif et influent dans le dialogue politique et social. C’est sur les ondes des radios privées que les Burundais entendirent pour la première fois les voix des différents chefs rebelles qui allaient ensuite troquer leur treillis militaire pour des costumes politiques. De tout temps, la tentation de mettre au pas les médias indépendants a été grande auprès des autorités en place. Rarement cette répression n’a été appliquée avec autant de brutalité que ne le fait le pouvoir actuel. Dimanche, la police est même entrée dans certaines stations de radio pour les fermer manu militari. Qu’on le sache donc, Pierre Nkurunziza et son parti sont décidés à faire taire toute voix de la contestation.

Ce qui se passe au Burundi aujourd’hui est grave et très grave. Et c’est à la fois un précédent et une continuation des dérives sanglantes qui ne cessent d’endeuiller le continent africain. Après que le monde ait levé le pied sur les pressions qu’il exerçait sur les présidents kényan, soudanais, zimbabwéen et d’autres pour des crimes de sang dont ils s’étaient rendus coupables, le chef d’état burundais a conclu que toute condamnation internationale avait finalement date de péremption et qu’on finirait par oublier tous les morts qui pourraient joncher sa route vers un troisième mandat. Puis, il établit un précédent dans une région où différents autres présidents (Rwanda, RDC, Congo) sont soupçonnés d’être tentés par des rafistolages législatifs pour prolonger leur pouvoir au delà de ce que les constitutions actuelles leur autorisent. C’est là l’explication de ce silence africain qui prétend être simplement mû par le souci de ne pas « s’ingérer dans les affaires internes d’un pays souverain ».

Mais qu’il soit aujourd’hui dit et entendu, si nous n’intervenons pas à temps pour empêcher le Burundi de sombrer, il ne faudra pas ensuite se contenter de poursuivre les responsables directs de la tragédie. Nous devrons tous répondre également du crime de non assistance à peuple en danger. 

 

1http://www.lemonde.fr/afrique/video/2015/04/28/le-burundi-coupe-la-radio-la-plus-populaire-du-pays_4624053_3212.html

2http://www.rfi.fr/emission/20140623-burundi-imbonerakure-milices-pepinieres-parti-cndd-fdd/

2http://www.cndd-burundi.com/actualites/nouvelles-burundi/473-milices-imbonerakure-renfort-bujumbura

2http://geopolis.francetvinfo.fr/burundi-des-milices-pillent-et-tuent-en-toute-impunite-53229

3http://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_civile_burundaise

4http://www.journaldemontreal.com/2015/04/27/burundi—voir-un-pays-mourir-sous-nos-yeux


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4 réactions à cet article    


  • Qaspard Delanuit Qaspard Delanuit 28 avril 2015 23:32

    Je suis un Français qui habite en France. De quel droit pourrais-je « intervenir » dans les affaires politiques internes du Burundi ? Les Burundais constituent une nation souveraine : ne devraient-ils pas prendre eux-mêmes en main leur destinée politique ? Cet article est-il une demande de mise sous tutelle d’un pays incapable de se gouverner lui-même, de création d’une nouvelle colonie française ? 


    • jimmy 29 avril 2015 10:25

      @Qaspard Delanuit
      « De quel droit pourrais-je « intervenir » dans les affaires politiques internes du Burundi ? ». Il n’est pas question d’intervention ni même de colonie. L’article parle bien de diplomation et de médiation pour résoudre le conflit au plus vite avant que des tragédies ne soient perpétuées. On parle bien de maintien de la paix et de protection des civils. Par exemple, la coopération belge au développement est très active au Burundi (c’est une ancienne colonie belge, et non française...), avec plusieurs dizaines de millions d’euros d’aide publique annuellement dédiés. Mais les différents programmes d’aide (comme celui octroyé à la police nationale qui réprime sévèrement les manifestations) pourraient rapidement être suspendus en cas d’escalade de la violence. Ceci est un exemple de levier que la communauté internationale peut actionner afin d’éviter l’escalade.

      Mais il n’y a pas que l’Occident qui peut infléchir le conflit, l’Union Africaine peut également jouer un rôle diplomatique important pour trouver une solution rapide.

      Ce n’est pas un pays qui ne sait pas se gouverner, il est question d’une poignée d’homme obsédé par le pouvoir qui violent les lois constitutionnels du pays et les droits internationaux (création de milice, intimidation auprès des opposants, meurtre et tentative d’assassinat du chef de l’opposition du parti du MSD, Alexis Sinduhije...). Si la communauté internationale n’intervient pas dans un cas comme celui-ci, à quoi sert-elle ? A quoi sert les leviers diplomatiques que possèdent des pays comme la Belgique, la France où de l’Union Africaine s’ils ne sont pas utiliser pour résoudre des conflits où les prévenir ?

      Je peux comprendre qu’une personne ne connaissant même pas ce pays avant l’article se désintéresse des événements qui s’y déroule. Mais lorsque des amis vivent avec leur famille dans les quartiers nord de Bujumbura, là où les affrontements sont les plus violents, il est clair qu’il est plus facile d’avoir de l’empathie.

      Si notre bon ami François décidait d’outre-passer la constitution, de mettre en place des milices afin d’intimider l’opposition (la vraie... Ceci est un autre débat.) et qu’une guerre civile était sur le point de se déclencher dans notre pays, ne crois-tu pas que tu serais ravi de voir la communauté internationale se bouger le cul pour sauver des vies et le pays ?


    • sirocco sirocco 29 avril 2015 12:33

      Si nos merdias aux ordres ne parlent pas (ou si peu) de cette terrible situation, c’est sans doute que l’actuel président du Burundi est un bon collaborateur pour notre gouvernement qui lui apporte donc son soutien. Auquel cas un coup d’état constitutionnel de sa part est tout-à-fait acceptable, s’agissant d’une marionnette de l’Occident.

      (Vous aurez remarqué aussi que nos merdias ne parlent pas - ou si peu - du rétropédalage de l’Arabie Saoudite dans ses bombardement des civils au Yémen. Ni du nouveau scandale à la viande de cheval levé dans le sud de la France... Etc... Tout ce qui fâche est zappé.)


      • Olivier Perriet Olivier Perriet 29 avril 2015 13:16

        Bonjour à l’auteur,
        vous devriez discuter de la géopolitique régionale des Grands Lacs avec Musavuli smiley

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