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Avec Levy Mwanawasa, la Zambie perd son « assainisseur » financier

Le seul chef d’État africain à ne pas s’être laissé impressionner par le Zimbabwéen Mugabe vient de succomber. Retour sur la trajectoire du président zambien.

Le président de la République de Zambie, Levy Mwanawasa, est mort à presque 60 ans ce 19 août 2008 dans un hôpital parisien (à l’hôpital militaire Percy à Clamart), le lendemain d’une brusque détérioration de son état de santé.


Une santé fragile

Victime d’un arrêt vasculaire cérébral le 29 juin 2008 lors du sommet de l’Union africaine à Charm-el-Cheikh (en Égypte), il fut même donné pour mort le 3 juillet 2008 (le président sud-africain Thabo Mbeki avait même appelé à une minute de silence à sa mémoire).

Pendant les six années de sa présidence, sa santé fut un problème récurrent. En avril 2006, il subissait un premier accident vasculaire cérébral, mais, bien avant, le 8 décembre 1991, il était victime d’un grave accident automobile qui coûta la vie d’un de ses proches collaborateurs et qui lui laissa de sérieuses séquelles.


Un avocat engagé en politique

Levy Mwanawasa est né le 3 septembre 1948 à la frontière entre la province du Katanga du Congo belge et celle de la Rhodésie du Nord.

Après des études juridiques, il devint avocat associé dans un cabinet qui prospéra. Il s’occupa notamment de dossiers liés à des violations des droits de l’homme (il défendit notamment Christon Tembo).

En 1990, il participa à la fondation du Mouvement pour la démocratie multi-partite (MMD), premier parti d’opposition autorisé par le régime en Zambie.

Lors de la première élection présidentielle libre, le premier président de la Zambie indépendante, Kenneth Kaunda, en fonction depuis le 24 octobre 1964, et instaurateur d’un régime de type socialiste au parti unique (prétendument pour éviter l’éparpillement du paysage politique qui aurait pu être représenté par autant de partis que d’ethnies, nombreuses) échoua face au syndicaliste Frederick Chiluba (leader du MMD) qui obtint 81 % des suffrages et qui lui succéda en nommant Levy Mwanawasa à la vice-présidence.

Rompant avec presque deux décennies de régime socialiste, qui avait été aidé au départ par l’exploitation du cuivre, mais dont l’effondrement des cours provoqua des émeutes en 1990 et des tentatives de coup d’État, Chiluba mit en place une politique néo-libérale brutale qui ne fut pas couronnée de succès et qui accéléra la paupérisation de la Zambie (vagues de licenciements, privatisations frauduleuses, dette très élevée, ravage du sida, etc.).


Démission et prise de contrôle du parti présidentiel

En 1994, Mwanawasa démissionna avec fracas et se désolidarisa de Chiluba, accusant le pouvoir de corruption généralisée. Chiluba fut cependant réélu en 1996 et, ne pouvant constitutionnellement pas solliciter un troisième mandat, proposa à Mwanawasa de lui succéder malgré sa rivalité interne très féroce au sein du MMD.

Levy Mwanawasa fut élu à l’élection présidentielle du 27 décembre 2001 contre dix autres candidats dont deux anciens vice-présidents (Christon Tembo et Godfrey Miyanda).

Son élection à la majorité simple fut très contestée puisqu’il n’était en tête officiellement qu’avec 29 % alors qu’Anderson Mazoka, le candidat arrivé en deuxième position, représentant un parti libéral, obtenait un score très voisin, 27 %, et que de très nombreuses irrégularités étaient constatées par des observateurs étrangers.


Lutte contre la corruption

Mwanawasa fut cependant investi le 2 janvier 2002 et beaucoup pensaient qu’il ne serait qu’un pantin sans conviction manœuvré par son prédécesseur, Chiluba, limité à deux mandats, un peu à la manière medvedévienne.

Au contraire, dès sa prise de fonction, Levy Mwanawasa démarra son combat contre la corruption en allant jusqu’à lever l’immunité et mettre en examen en 2003 son prédécesseur, Frederick Chiluba, et ses proches.

Les détracteurs du nouveau pouvoir l’accusèrent de mener cette bataille anti-corruption uniquement pour éliminer ses rivaux au sein du MMD.


Retour à la croissance mais persistance de la pauvreté

Sur le plan économique, Mwanawasa fit appel aux investisseurs chinois et bénéficia de la hausse des cours du cuivre. Les investisseurs regagnèrent la confiance dans la Zambie et le président réussit à assainir les finances publiques et à réduire l’inflation.

La forte croissance n’améliora toutefois pas la situation de la population, considérée comme la 165e nation sur 177 dans le classement de l’ONU des indices de développement humain.

En janvier 2005, Mwanawasa présenta alors ses excuses à son peuple pour la persistance du taux élevé de la population vivant sous le seuil de pauvreté (deux tiers) en dépit de ses efforts.

En mars 2005, Mwanawasa se fit baptiser à Lusaka devant des centaines de personnes alors que son épouse était membre des Témoins de Jéhovah (qui la rejetèrent car ils s’opposent à toute forme d’action politique).

Levy Mwanawasa fut réélu le 28 septembre 2006 avec 43 % contre quatre autres candidats (le deuxième et le troisième candidats n’obtinrent que, respectivement, 29 % et 25 %) et l’élection fut comme en 2001 contestée et suivie de violences dans la capitale.


Le naufrage du Titanic

Seul chef d’État africain à être sorti de sa réserve, Mwanawasa avait violemment mis en cause la politique du président du Zimbabwe Robert Mugabe, pitoyablement réélu le 27 juin 2008, et cause de l’état désastreux de l’économie zimbabwéenne.

Ses mots étaient très durs puisqu’il évoquait en mars 2007 le Zimbabwe comme un « Titanic en train de sombrer ». Il avait accordé l’asile politique aux opposants de Mugabe.

Son attaque cérébrale l’empêcha de stigmatiser la réélection ubuesque du dictateur zimbabwéen, mais son ministre des Affaires étrangères, Kabinga Pande, a eu le courage de le faire en son nom le 16 août 2008 lors d’une réunion régionale.


Éloges

À l’annonce de sa disparition, Levy Mwanawasa reçut un concert de louanges.

L’ancien président zambien, Kenneth Kaunda, l’a qualifié d’ami personnel et a déclaré : « Il a été un grand leader. Les gens l’aimaient. Nous l’avons tous aimé. Il a fait de grandes choses. ».

George W. Bush évoqua un « champion de la démocratie, dans son pays et en Afrique ».

Nicolas Sarkozy a exprimé sa « vive émotion » et a considéré que sa disparition était « une grande perte pour le peuple zambien dont il s’était attaché le respect et l’affection ». Selon le président français, c’est aussi « une grande perte pour le continent africain qui appréciait son courage politique. C’est une grande perte pour la démocratie, dont il fut un ardent défenseur tout au long de sa vie. La France salue sa mémoire, vibrante de courage et de liberté. ».

Le leader d’opposition au Zimbabwe, Morgan Tsvangirai, a évoqué, comme le président américain, « un bon ami et camarade » et un « champion de la démocratisation de la région et du continent africain en général ».


Et maintenant ?

L’actuel vice-président de la République de Zambie, Rupiah Banda (depuis le 9 octobre 2006), assure désormais l’intérim présidentiel.

Il avait été ambassadeur en Égypte puis aux États-Unis avant d’être le ministre des Affaires étrangères de Kenneth Kaunda de 1975 à 1976.

Rupiah Banda a décrété sept jours de deuil national alors que le président de l’Assemblée nationale, Amussa Mwanamwambwa, a suspendu les travaux de l’unique chambre parlementaire pour se préparer pour les funérailles.

Une élection présidentielle anticipée doit se tenir dans les trois mois, mais aucun successeur n’avait été envisagé par Levy Mwanawasa (qui n’aurait pas eu la possibilité de se présenter à la prochaine élection présidentielle). Quant aux partis de l’opposition, ils commencent à négocier un pacte de coalition électorale.


Nul doute que la disparition de Levy Mwanawasa risquerait de relancer de nouveaux troubles politiques en Zambie. Pour l’instant, ses deux anciens prédécesseurs ont appelé au calme et au rassemblement.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (22 août 2008)


Pour aller plus loin :

Dépêche AFP (19 août 2008).

Biographie du Monde (du 21 août 2008).


Documents joints à cet article

Avec Levy Mwanawasa, la Zambie perd son « assainisseur » financier Avec Levy Mwanawasa, la Zambie perd son « assainisseur » financier Avec Levy Mwanawasa, la Zambie perd son « assainisseur » financier Avec Levy Mwanawasa, la Zambie perd son « assainisseur » financier Avec Levy Mwanawasa, la Zambie perd son « assainisseur » financier Avec Levy Mwanawasa, la Zambie perd son « assainisseur » financier Avec Levy Mwanawasa, la Zambie perd son « assainisseur » financier

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1 réactions à cet article    


  • LE CHAT LE CHAT 22 août 2008 13:24

    il me semble que c’est ce président qui avait eu le courage de dire que son fils était mort du Sida . J’espère qu’il inspirera d’autres africains dans la lutte contre la corruption qui gangrène l’Afrique .

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