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Berlusconi III : longue vie à Berlu..skozy ?

Berlusconi revient... tout en prônant la modernité.

Pour la troisième fois en dix ans, Silvio Berlusconi reprend les rênes de l’Italie. Les résultats des élections ne laissent en effet pas l’ombre d’un doute. Sa coalition « le Peuple de la liberté » a largement gagné aussi bien au Sénat qu’à la Chambre des députés, ses alliés de la « Ligue du Nord » ont doublé leur score par rapport aux élections de 2006 et la coalition de la « Gauche arc-en-ciel » (communistes et verts) n’a pas atteint le score minimum nécessaire pour entrer au Parlement. M. Berlusconi dispose d’une avance de neuf points sur son adversaire principal, Walter Veltroni, chef de file du tout nouveau « Parti démocrate ». Le nouveau gouvernement est confronté à plusieurs enjeux. Tout d’abord, les questions internes à la coalition, notamment les rapports avec la Ligue du Nord, qui a bénéficié d’un vote protestataire et qui réclame le fédéralisme fiscal. Le « Cavaliere », en parlant du programme de gouvernement, a d’ores et déjà annoncé que les temps durs se profilaient pour les Italiens alors qu’il promet réformes et modernisation. Alors que Prodi avait comme excuse de ne pas posséder une majorité stable au Parlement, le futur gouvernement Berlusconi ne pourra pas user des mêmes arguments.

Le chemin de la victoire

Le chemin de la victoire de M. Berlusconi a commencé lors des élections de mai 2006. Juste après la fin de son deuxième mandat, une gauche unie (du centre à l’extrême gauche) se présentait aux élections, après cinq ans de gouvernement Berlusconi. L’« antiberlusconisme » semblait alors regrouper toutes les forces de la gauche sous un même programme de gouvernement, malgré les divergences d’opinion sur les principaux sujets sociaux et politiques. Aux élections de 2006, il y avait donc deux grandes coalitions : celle de centre-gauche, composée de treize partis, et celle de droite menée par le parti de M. Berlusconi (Forza Italia) et ralliée à l’occasion par les centristes (de droite) et par l’extrême droite. A l’issue de cette confrontation électorale, il n’y avait ni gagnant ni perdant.

Ceci est notamment dû à la complexité du système électoral italien : il prévoit l’obtention d’une prime, la « prime majoritaire », pour la coalition gagnante (à la Chambre des députés sur base nationale et au Sénat sur base régionale). Notons au passage que la loi électorale avait été qualifiée, juste après sa création, de « saloperie » par ses mêmes auteurs. A l’issue des élections de 2006, les deux coalitions obtiennent presque le même nombre de votes. A la Chambre des députés, la coalition de M. Prodi remportait la prime grâce à seulement 24 000 votes de différence. Au Sénat, après un long tête-à-tête, la gauche gagnait la majorité de deux sièges seulement, un faisant partie des sièges des élus de l’étranger. Le tableau d’ensemble était en conséquence assez compliqué et le climat post-électoral tendu. M. Prodi exultait comme s’il avait largement gagné, M. Berlusconi parlait de son côté de fraude électorale et demandait que les bulletins soient recomptés. Il proposa également une « grande coalition » à l’allemande, mais M. Prodi écarta cette option et forma, comme prévu, un gouvernement avec ses partenaires de la campagne électorale. Grâce au soutien des sénateurs à vie et avec un tout petit écart, il obtint la confiance du Parlement. Ce gouvernement fut renversé après deux ans, pendant lesquels, à force de votes de confiance, M. Prodi s’adonna à l’équilibrisme politique et eut à peine réussi à améliorer les comptes publics. Il n’a pas eu les moyens de réformer le pays, immobilisé par les oppositions internes à sa majorité qui ont empêché des décisions et des réformes importantes d’aboutir, à savoir la réforme des institutions, celle non moins importante de la Constitution et de la loi électorale et des réformes essentielles dans les domaines économique et social.

Les préparatifs pour les nouvelles élections : PD vs PDL

Le 24 janvier 2008, le gouvernement de M. Prodi n’obtenait pas le vote de confiance au Sénat, suite à la démission de Clemente Mastella, chef du parti politique des UDEUR (un des treize partis de la coalition de centre-gauche), en signe de protestation contre une enquête sur sa compagne, accusée de corruption. Le vote de défiance du Sénat, chambre dont le soutien est indispensable au gouvernement, avait alors entraîné la chute du gouvernement Prodi.

C’est ainsi que s’acheva l’aventure politique de Romano Prodi, mais pas celle de sa famille politique, la campagne électorale étant déjà commencée avec un tout nouveau parti de centre gauche, le « Parti démocrate », regroupant les deux principaux parti de gauche, les socialistes et la « Margherita » (centre et centre-gauche). Walter Veltroni, élu secrétaire général de ce nouveau parti après les premières élections primaires en novembre 2007 prit logiquement la tête de la campagne pour les élections législatives. M. Veltroni avait bien pris conscience de l’impossibilité de gouverner avec des coalitions hétérogènes comme celle que dirigeait R. Prodi. En effet, comment restreindre l’écart entre l’extrême gauche (les communistes italiens et le parti « Refondation communiste ») et la gauche modérée voire le centre ?

L’hétérogénéité de la coalition Prodi avait au fil des mois engendré un débat sur des domaines-clés tels que la sécurité, les infrastructures, la politique étrangère et notamment la question des bases américaines en Italie ou encore les rapports avec l’Otan. Depuis sa naissance, le Parti démocrate a fait preuve de courage. Sa tentative de proposer la modernisation et la simplification de la politique italienne s’inspire du système bipartite britannique.

Le défi lancé par le PD a été relevé par M. Berlusconi, qui, au détour d’une phrase alors qu’il montait dans sa voiture, pendant une manifestation à Milan en décembre 2007, lançait la nouvelle coalition de centre-droit : le « Peuple de la liberté ». Au début, le principal allié de Berlusconi, Gianfranco Fini, secrétaire général d’« Alliance nationale » avait refusé cette proposition et critiqué la façon dont la coalition avait été lancée, à savoir sans réelle consultation préalable des partenaires potentiels. Cependant, juste avant les élections anticipées, M. Fini avait opéré une surprenante marche arrière en annonçant que son parti prendrait part au projet berlusconien.

L’adhésion des radicaux au PD et l’alliance avec le parti d’Antonio di Pietro « l’Italie des valeurs » achèvent le tableau de ce débat bipolaire. De son côté le PDL compte non seulement sur « Alliance nationale », mais également sur la « Ligue du Nord » (parti fédéraliste avec des tendances séparatistes, prônant également une lutte plus stricte de l’immigration illégale). À l’extrémité des deux « grands blocs » (pour l’instant le PDL n’est qu’un cartel électoral), on retrouve les partis d’extrême gauche (le Parti communiste italien et le parti « Refondation communiste ») qui, avec les « Verts » ont formé un groupe nommé « la Gauche arc-en-ciel » et, coincés sur l’échiquier politique entre les deux grands blocs, l’« Union de centre » formé par l’UDC de Pierferdinando Casini. A côté de ces partis principaux, on trouvait également d’autres partis tels que la « Rose blanche » de M. Tabacci ou le Parti socialiste (qui ne doit pas être confondu avec les sociaux-démocrates appartenant au Parti démocrate).

14 avril 2008, le couronnement de Berlusconi III

Les résultats des élections sont désormais connus. La débâcle de la gauche est plus prononcée que ne le laissaient prédire les sondages avant le scrutin. Malgré les efforts de Walter Veltroni pendant la campagne électorale, le bloc PD-Italie des valeurs obtient 38 % des suffrages au Sénat (130 sénateurs) alors que le PDL et la Ligue du Nord s’envolent avec 47,3 % des votes, soit 168 sénateurs (majorité absolue). A la Chambre des députés, PD et Italie des valeurs obtiennent 37 % des suffrages (239 députés) et la coalition PDL-Ligue du Nord 46,8 %, soit 340 députés.

Les chiffres donnent la mesure de la victoire écrasante de Berlusconi, rendue possible surtout grâce aux voix de la Ligue du Nord. Si l’on analyse plus attentivement les résultats, on constate que la Ligue a doublé son score par rapport aux dernières élections en passant de 4,58 % des voix en 2006 à plus de 8 % à l’échelon national en 2008. A noter ensuite la lourde défaite de l’extrême gauche qui, sous le symbole de la « Gauche arc-en-ciel », n’a pas atteint la barre nécessaire pour entrer au Parlement (en 2006, ces différents partis avaient obtenu 10,22 % des suffrages à la chambre). Pour la première fois dans l’histoire de la République italienne la gauche traditionnelle ne sera pas représentée au Parlement. Par contre, l’« Union de centre » obtient un bon score avec 36 députés et 2 sénateurs.

Les analystes donnent une interprétation des résultats assez homogène. Le centre-droit a remporté la victoire surtout grâce aux suffrages que la Ligue a su arracher à l’extrême gauche. Certains qualifient ces votes de protestataires, comme cela avait été le cas en France lors de la présidentielle de 2002 et l’accession de J.-M. Le Pen au second tour de l’élection. La Ligue est bien ancrée dans les régions du Nord et développe un discours proposant des solutions jugées plus efficaces (et plus populistes) aux problèmes des salariés.

La paralysie du gouvernement de M. Prodi a été la cause principale de la débâcle de la gauche. En 2006, Romano Prodi avait choisi de former un nouveau gouvernement avec un tout petit écart de votes, plutôt que d’opter pour la solution de former une coalition, ou aller voter à nouveau après, bien évidemment, des modifications de la loi électorale. Pendant deux ans, il n’a pas su élaborer une nouvelle loi, et ce manquement important a été sanctionné dans les urnes bien que les Italiens aient apprécié la valeur du PD, M. Berlusconi ayant lui-même affirmé que la création du PD marquait le début d’un nouvel âge de la politique italienne.

La coalition de Romano Prodi ne semble pas avoir su donner des réponses concrètes aux problèmes et aux besoins des Italiens, notamment dans les domaines de la sécurité, de l’immigration et en matière économique dans le domaine de la protection des salaires contre l’inflation.

A ceux qui croient que la coalition de droite n’est pas unie, en raison des relations difficiles avec la Ligue (un parti bien ancré, qui défend des intérêts spécifiques comme le fédéralisme fiscal), Berlusconi répond que « M. Bossi est en accord avec notre programme » et qu’il partage « les mêmes idées sur les mesures à prendre », « comme pendant les cinq ans de notre gouvernement » (M. Bossi était déjà ministre dans le gouvernement Berlusconi II). Pour ce qui est du fédéralisme, il assure qu’« il sera un fédéralisme solidaire et qu’il n’y aura pas de régions pénalisées ».

En effet, à la différence de son deuxième mandat, la coalition menée par Berlusconi semble cette fois-ci plus unie, composée de trois partis dont un, le PDL, qui détient incontestablement le leadership. Pendant son dernier mandat, tous les partis jouaient un rôle incontournable : son parti « Forza Italia », le parti de Gianfranco Fini « Alliance nationale » (maintenant à l’intérieur de PDL), l’UDC de Pierferdinando Casini et la Ligue, un allié stable (il suffit de penser que le deuxième gouvernement de Berlusconi, malgré des moments difficiles, avait duré quasiment cinq ans sans être véritablement renversé). Paradoxalement, la cohésion de la coalition du nouveau gouvernement de Berlusconi est une conséquence de la naissance même du PD qui a amorcé le processus de simplification du panorama politique italien.

Les futurs chantiers qui attendent Berlusconi, le modèle « Berluskozy »

Les premières phrases du « Cavaliere », juste après la victoire électorale, laissent entendre que les futures mesures adoptées par le nouveau gouvernement demanderont beaucoup de sacrifices de la part des Italiens. « Je serai à la tête de l’Italie pendant cinq ans », promet-il, en avouant qu’il ressent une « grande responsabilité, parce que les mois et les années prochaines seront très difficiles pour l’Italie ».

En effet, la situation socio-économique en Italie est préoccupante. L’amenuisement du pouvoir d’achat des salariés et l’augmentation des prix des biens primaires entraînent des difficultés dans la vie quotidienne des Italiens. Les entreprises et les salariés protestent contre les charges sociales, alors que la récession avance à grands pas. La stratégie proposée par M. Berlusconi rassemble tellement à celle de M. Sarkozy, que certains observateurs politiques parlent d’un modèle « Berluskozy ». Il propose notamment une série de mesures pour augmenter la consommation par le biais du levier fiscal (en allégeant les impôts et autres charges). Berlusconi prévoit notamment dans son programme l’augmentation du temps de travail avec l’exonération de cotisations sociales sur les heures supplémentaires de travail, comme en France, et sur le treizième mois. Il propose également la réduction des prélèvements sur les revenus, notamment sur les revenus élevés, et l’élimination de l’impôt sur les successions, diminué en France par M. Sarkozy et réintroduit en Italie par M. Prodi. Afin d’alléger la taxation des entreprises, M. Berlusconi a déjà promis la suppression de l’IRAP (l’Impôt régional sur les activités productives), alors que pour aider les familles il propose un « bonus bébé » de 1 000 € par enfant et l’exonération des impôts sur les véhicules.

Le PDL veut aussi réaménager la loi Biagi sur la flexibilité du travail et propose une amélioration de cette dernière, sans pour autant évoquer les détails. Les coûts des réformes seront exorbitants : la suppression de l’IRAP va coûter 38 millions d’euros par an (soit 2,8 % du PIB), mais dans son programme M. Berlusconi ne parle ni des coûts ni des ressources financières pour les couvrir. En plus, il compte réformer le système des retraites et alléger les dépenses publiques.

Si on ajoute en plus la crise d’Alitalia et la question lancinante des déchets en Campanie, questions non résolues par le dernier gouvernement, la liste des défis n’en finit pas de s’allonger. Les solutions de ces problèmes, sur lesquels M. Berlusconi et ses collaborateurs travaillent déjà, montreront la cohésion et les capacités du nouveau gouvernement à faire face aux questions urgentes auxquelles le pays se doit de répondre. La formation même du nouveau gouvernement semble vouloir suivre le « modèle Sarkozy ». M. Berlusconi explique « c’est nous qui l’avons fait pour la première fois ». Il évoquait, bien évidemment, la nomination de M. Amato à la Convention européenne, confirmé par son gouvernement. Ainsi M. Berlusconi avoue qu’il y aura des « techniciens » de gauche qui pourraient faire partie du nouveau exécutif. Reste à attendre un an pour voir si, au-delà des promesses de campagne, M. Berlusconi aura aussi en commun avec le président français les difficultés avec sa majorité, les critiques grandissantes et le dévissage dans les sondages...


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3 réactions à cet article    


  • Pierre JC Allard Pierre JC Allard 26 avril 2008 03:00

    Gouverner contre une idée en s’appuyant sur tous les mécontents ne peut que faire le lit de cette idée, pour mauvaise qu’elle soit... Quand je vois aujourd’hui se former en France une coalition antisarkozyste qui ne repose sur aucune autre consensus que... l’antisarkozysme je crois que Nicolas est là pour aussi longtemps qu’il voudra. http://nouvellesociete.org/5133.html

    Pierre JC Allard


    • italiasempre 26 avril 2008 13:04

      L’extrême gauche de Bertinotti a chèrement payé sa demagogie et ses "chantages" au gouvernement Prodi.

      Cependant , le fait qu’ils ne soient plus presents au parlement n’est forcement pas la meilleure nouvelle pour un pays qui a payé, dans un passé assez proche, un lourd tribut au terrorisme rouge.


      • abersabil abersabil 28 avril 2008 20:03

        Berlusconi de la droite chrétienne, Sarkozy peut être (il faut tout de même le croire sur parole), ils ont en commun ce précieux lègue de la droiture et de la chrétienté, ce qui est certain c’est que ‘’charité chrétienne commence par soi même ‘’, en bons Samaritins ils feront profiter leurs joies à tout le monde......de la jet-set .

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