Berlusconi se mange le Dôme de Milan
Silvio Berlusconi a été agressé dimanche soir à Milan à la sortie d’un meeting électoral qui s’est déroulé à Milan.
Le président du Conseil italien a été hospitalisé après avoir été blessé au visage par un coup de statuette représentant le Dôme de Milan.
L’auteur de l’agression est un individu souffrant de troubles psychiatriques.
Silvio Berlusconi se trouve actuellement dans un hôpital de Milan. Sa sortie est programmée pour ce jeudi 17 décembre.
Une agression condamnable mais prévisible
Compte tenu des troubles psychiques dont semble être atteint l’agresseur, il est difficile, pour ne pas dire hasardeux, de voir des motivations politiques à ce geste. Celui-ci a d’ailleurs écrit une lettre d’excuses à Silvio Berlusconi. Néanmoins, l’agression dont a été victime Berlusconi s’inscrit dans un contexte politique tendu, et fait surtout suite à toute une série de provocations de la part du président du Conseil italien.
Non seulement habitué à invectiver ses opposants, et rompu à l’art de la provocation débile, Berlusconi s’est aussi distingué par des propos ambigus sur la mafia. Samedi 28 novembre 2009, au cours d’un meeting en Sardaigne, il avait menacé publiquement d’étrangler les auteurs de films et de livres sur Cosa Nostra. Ces déclarations, passées quasiment inaperçues en France, ont évidemment jeté le trouble chez nos voisins, car elles sont intervenues au même moment où un repenti a affirmé que le président du gouvernement italien aurait eu des relations avec cette organisation criminelle (relations semble-t-il contestées par un des parrains actuellement en prison).
Berlusconi incarne en tout cas un très inquiétant mélange des genres entre les affaires, la drogue, les frasques sexuelles, un divorce médiatisé et le pouvoir politique.
Dans ce contexte, il n’est guère étonnant que Berlusconi cristallise sur sa personne un rejet haineux qui s’est concrétisé par l’agression dont il a été victime dimanche dernier. Et cette haine est d’autant plus forte qu’il ne semble y avoir aucune formation politique d’opposition susceptible de la canaliser et de lui offrir des perspectives constructives.
C’est sans doute pour cela que l’agression de Berlusconi provoque des sentiments contradictoires. D’un côté, on ne peut évidemment que réprouver cet acte de violence. De l’autre, on se réjouit de voir la gueule de Berlusconi enfin amochée, en se disant qu’il l’a bien cherché.
La gauche italienne demeure désespérément divisée
La gauche italienne demeure désespérément divisée. A cela, deux explications :
- Le parti socialiste italien (PSI) a disparu depuis quinze ans de la vie politique italienne. Celui-ci s’est en effet dissous en 1994, à l’issue de son 46ème Congrès, non aux termes de savantes disputes idéologiques sur « socialisme », « social-démocratie » et « social-libéralisme », mais en raison de l’opération anti-mafia et anti-corruption « Mani pulite » (Mais propres) débutée le 17 février 1992, à l’initiative du juge Di Pietro, lequel est entré aujourd’hui en politique. Le PSI ne s’en est jamais remis comme la Démocratie chrétienne qui, elle, régnait sur la vie politique italienne depuis l’effondrement du régime fasciste et la proclamation de la République en 1946. Depuis 15 ans, les socialistes italiens vivent dans la désunion et peinent à trouver un terrain d’entente pour jeter les bases d’une structure politique commune. En mars 2008, un PS s’est fondé tandis que le Parti des démocrates de gauche de Walter Veltroni, issu de l’ancien PCI, a choisi de se fondre dans une coalition de progressistes appelée « La Marguerite ».
- L’Italie est sous un régime républicain parlementaire strict où le mode de scrutin est la proportionnelle intégrale. Les majorités ne peuvent donc être que le résultat de coalitions. Le président du Conseil italien doit forcément être un homme de compromis, s’il veut assurer la pérennité de son gouvernement et espérer mettre en œuvre le programme pour lequel le parlement l’a élu. Et le moins que l’on puisse dire est que ce n’est pas chose facile. En effet, depuis 1946, l’Italie a connu 38 gouvernements ! Depuis 20 ans, 12 gouvernements se sont succédés.
Malgré cette instabilité politique chronique et le coup de tonnerre de l’opération Mani pulite, il convient de rappeler que l’Italie a quand même connu, depuis 1996, 4 gouvernements issus d’une coalition de centre gauche (Prodi I, d’Alema, Amato, et Prodi II).
Et en France ?
Il ne s’agit pas ici de se livrer à des comparaisons (une situation n’est pas l’autre), ce qui ne veut pas dire qu’il faille considérer avec condescendance ce qui se passe en Italie, comme les médias hexagonaux ont trop tendance à le faire.
Cependant, nous ne sommes nullement à l’abri d’une dérive à l’italienne depuis l’élection de Nicolas Sarkozy le 6 mai 2007. Il existe d’ailleurs un faisceau d’indices qui permet quand même de mettre en avant quelques similitudes.
Car Sarkozy, c’est :
- une arrogance et un appétit pour la frivolité, la vulgarité, le bling-bling et le grotesque ;
- un goût pour la provocation et l’invective à l’égard des catégories socio-professionnelles (ex : pêcheurs, agriculteurs, salariés, etc.) ;
- une propension avérée pour le clanisme, les nominations, les faveurs en tout genre aux amis et aux copains ;
- l’existence de magouilles dans les Hauts-de-Seine, scandales financiers plus ou moins étouffés (ex : l’affaire de la Fondation Hamon, l’affaire Clearstream, l’affaire DCN dite du « KarachiGate », etc.) ;
- une stigmatisation caricaturale de l’opposition de gauche ;
- un rapprochement assumé avec les thèmes politiques d’extrême-droite ;
- une médiatisation à outrance favorisée par des collusions avec les grands patrons des entreprises de presse et des chaînes de TV ;
- un bilan économique, social et politique du pays désastreux ;
- des attaques flagrantes à l’encontre du système judiciaire (carte judiciaire, suppression du juge d’instruction, pression sur le parquet et les juges) et de la laïcité (visite officielle à Latran), de l’Education Nationale (suppression de l’Histoire-Géo en Terminale S) ;
- une absence cruelle d’un contrepoids politique (à l’image de ce qui se passe en Italie, la gauche française est aussi très divisée).
Quand on mesure l’ampleur du désastre, c’est un miracle si Nicolas Sarkozy n’a subi jusqu’à présent qu’un attentat pâtissier !
Il faudra donc songer à interdire bientôt la vente des Tour Eiffel miniatures qui sont potentiellement plus dangereuses que les Dôme de Milan.
(Article publié initialement sur Le Blog de Gabale)
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