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Centrale d’Ostrovets : Symbole de la faiblesse biélorusse ?

La Biélorussie va bientôt pouvoir compter sur sa première centrale nucléaire. D'un coût de 9,7 milliards de dollars, le chantier progresse à Ostrovets, dans la région de Grodno. À terme, les deux réacteurs à eau sous pression, de type AES 2006, délivreront chacun une puissance de 1 200 MW. Une entrée tardive dans l'ère nucléaire, qui a été officialisée à la faveur d'un accord entre les autorités biélorusses et la Russie, en mars 2011.

Car c'est bien l'encombrant voisin russe qui est, comme souvent dans cette région d'Europe, à la manœuvre. Non seulement le prêt finançant le chantier d'Ostrovets a-t-il été contracté, pour 10 milliards de dollars, auprès d'une banque russe, mais encore les travaux sont-ils conduits par le géant russe de l'atome, l'entreprise d'État Rosatom. Un choix qui ne laisse d'interroger, tant les récentes relations diplomatiques et économiques entre la Russie et son vassal biélorusse ont été marquées par des tensions. Des tensions cristallisées, qui plus est, par des enjeux le plus souvent énergétiques, la Russie n'hésitant pas à manier le bâton pour arriver à ses fins. 

Gaz et pétrole, pommes de discorde historiques entre Moscou et Minsk

La proximité géographique, historique, politique et jusqu'au mimétisme autoritaire de leurs dirigeants respectifs pourraient laisser penser que les relations entre la Russie et la petite république biélorusse sont au beau fixe. Plusieurs épisodes récents, centrés autour de la très délicate question de l'énergie, écornent pourtant cette image. 

Retour en décembre 2006 : la Russie, par la voix de Gazprom, le tout puissant et monopolistique producteur et exportateur de gaz russe, décide d'augmenter ses tarifs. Bénéficiant jusqu'alors d'un prix du gaz défiant toute concurrence, fixé à 46 dollars les 1 000 m3, la Biélorussie se voit imposer par Gazprom un doublement des tarifs, qui atteignent désormais les 200 dollars. Pour la petite république, comme d'ailleurs en Ukraine l'année précédente, c'est « niet ». 

Mais l'enjeu, pour Moscou, est ailleurs. Par la Biélorussie transitent pas moins de 20% du gaz russe acheminé en Europe. La Russie entend, par ce chantage aux tarifs du gaz, mettre la pression sur les autorités biélorusses afin de faire main basse sur une partie du réseau de gazoducs qui traversent le pays. 

Des deux côtés, on fait monter les enchères. Minsk promet de transformer ses installations en goulet d'étranglement et de bloquer le transit du gaz russe si l'augmentation des prix est maintenue. Du côté de Moscou, on manie la carotte et le bâton : l'augmentation des tarifs du gaz peut être négociée si la Biélorussie cède à Gazprom l'entreprise Beltransgaz, qui gère l'ensemble des gazoducs biélorusses. Si Minsk s'entête, on menace de couper purement et simplement les vannes. 

Il faut croire que l'exemple de l'Ukraine, à qui la Russie avait interrompu l'approvisionnement en gaz l'année précédente pour les mêmes raisons, a eu raison de l'entêtement de la Biélorussie. Le 31 décembre 2006, un accord est conclu à Moscou. Les Biélorusses ont beau jeu de dénoncer des conditions « désavantageuses » : ils paieront désormais 100 dollars pour 1 000 m3 de gaz russe, et cèdent 50% de Beltransgaz au groupe Gazprom. 
Un camouflet, pour le régime de fer d'Alexandre Loukachenko. Qui s'empresse, dès janvier 2007, de laver l'affront. Il impose une taxe de 45 dollars par tonne de pétrole brut russe qui transite par les oléoducs de son pays, et en fait autant avec le gaz – au grand dam de Moscou, qui dénonce des mesures « sans précédent dans la pratique internationale ». 

Guerre des hydrocarbures, acte II

En 2010, la tension entre les deux pays est à nouveau à son comble. En jeu, cette fois, un différend commercial et financier autour du gaz – toujours le gaz. Selon Moscou, Minsk accuse une dette de 192 millions de dollars au titre du gaz fourni par la Russie. En mesure de rétorsion, Gazprom décide de réduire progressivement ses livraisons de gaz à la Biélorussie : -15% le premier jour, -30% le second, et même -85% en cas d'absence d'accord. 

Les Biélorusses, quant à eux, ont une vision radicalement opposée de l'affaire. Ils soutiennent que c'est la Russie qui doit quelque 260 millions de dollars à son petit satellite, au titre des droits de transit du gaz russe vers l'Europe, droits qui avaient été drastiquement augmentés en 2006. Pour Alexandre Loukachenko, « ce n'est pas la Biélorussie qui a une dette envers Gazprom, c'est Gazprom qui en a une envers la Biélorussie. Jusqu'où peut-on aller dans le cynisme et l'absurdité quand tu me dois 260 millions de dollars ? ». Et d'accuser Moscou « d'humilier le peuple biélorusse ». Une Biélorussie « humiliée », donc, mais qui a pourtant, à nouveau, porté son choix sur une entreprise russe afin de construire sa première centrale nucléaire. 

La centrale d'Ostrovets, symbole d'éternelle vassalité ?

Affectée tant par la chute des cours du pétrole que par les sanctions internationales à son encontre, la Russie est contrainte de diversifier son économie, jusqu'alors dominée par les exportations de combustibles fossiles. Le nucléaire sert cette ambition, portée à l'étranger par l'entreprise publique Rosatom. L'expansion du mastodonte public russe, dirigé par un ami intime de Vladimir Poutine, incarne cette volonté du Kremlin de maintenir son influence sur les affaires du monde, et particulièrement celles de l'Europe. 

Tout comme le gaz et le pétrole en leur temps, l'énergie nucléaire est, pour la Russie, autant affaire de gros sous que d'influence politique et géostratégique. Avec un carnet de commandes de 130 milliards de dollars et une présence dans 40 pays, Rosatom est le bras armé de cette nouvelle stratégie. Implanter une centrale nucléaire russe à Ostrovets, c'est assurer, pour Moscou, la vassalisation quasi illimitée de Minsk à la technologie et aux financements russes. 

Mais il s'agit tout autant d'envoyer un message aux pays baltes, dont jamais vraiment la Russie n'a fait le deuil. Non seulement la centrale d'Ostrovets met des bâtons dans les roues des pays baltes, qui souhaiteraient connecter leurs réseaux électriques à ceux de l'Union européenne, mais encore la présence de la centrale à 50 kilomètres de Vilnius, la capitale lituanienne, fait-elle planer une menace bien plus pernicieuse. Et ce en raison des conditions de sécurité, notoirement en deçà de tous les standards internationaux, dans lesquelles le chantier se poursuit. 

Le choix des autorités biélorusses interroge, enfin, sur leur capacité à tirer les leçons de leurs précédentes déconvenues avec la Russie et les compagnies russes. Et laisse planer la menace de nouvelles tensions, dans le cas où la Russie refuserait, par exemple, d'assurer le maintien de la centrale d'Ostrovets sans obtenir de compensations dont elle aurait unilatéralement décidé la teneur.


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8 réactions à cet article    


  • zygzornifle zygzornifle 13 décembre 2016 13:31

    On pourra leur vendre d’occase celle que les écolos veulent voire fermer .....


    • Paul Leleu 13 décembre 2016 15:21

      @zygzornifle


      mieux vaut fermer les centrales avec les écolos qu’avec les barbus... n’est-ce pas ? 

      le nucléaire est l’exemple même que la mondialisation n’est pas une donnée idéologique, mais d’abord une réalité historique et technologique... c’est le principe du nuage de Tchernobyl qui ne s’arrête pas aux frontières...

      les ennuis ne s’arrêtent pas aux frontières des pays... mieux vaut faire face aux réalités du monde que de se cacher derrière sa ligne Maginot... 

      Reste à savoir si on laisse la mondialisation aux oligarques, aux capitalistes, aux princes et aux mafieux... ou bien si les peuples s’en occupent aussi un jour... mais il est vrai que ma pensée n’est pas à la mode... parce que pendant qu’on se dispute, eux ils font l’histoire...

    • zygzornifle zygzornifle 14 décembre 2016 11:23

      @Paul Leleu


       avec le tout électrique qui s’impose (surtout les voitures) en fermant des centrales on va bien rigoler quand la recharge coûtera plus cher qu’un plein de bon vieux gas-oil , ce n’est pas le solaire ou les éoliennes qui pourront fournir tout ce jussurtout que le gouvernement taxera le Kw a hauteur de la TIPP ....

    • Diogène diogène 13 décembre 2016 13:47

      Mais qu’est-ce qu’il glande, Roman_Garev ?

      Il devrait être là depuis un moment !

      • howahkan 13 décembre 2016 14:09

        @diogène

        si il devait commenter toutes les « b....s », il aurait un emploi à plein temps ici..


      • Rincevent Rincevent 13 décembre 2016 14:50

        Quand la Biélorussie payait son gaz 46 $, savez-vous quel était le prix sur le marché européen ? Plus de 250 $. Autant dire qu’il était offert...


        • Doume65 13 décembre 2016 23:50

          Pour qui set article est-il le plus insultant ? Pour les Russes, qui ne paraissent que de cyniques salopards ou les biélorusses, assez cons pour aller s’enfermer dans les bras nucléaires de Poutine alors que celui-ci les empapaoutent (comme dirait Aubry) par tous les orifices en ce qui concerne le restant de leur énergie ?

          A moins que la CIA ne se soit complètement plantée dans ce pays et qu’elle ait obtenu l’effet contraire à ce qu’elle voulait ?...

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