Counterpunch : Assad face à son peuple et la communauté internationale
Après la Libye, l'urgence de déposer les armes en Syrie
Avant de vous laisser lire cette apologie très appuyée d’Assad à destination de la « gauche » américaine (Counterpunch), et de m’accuser d’être une victime de la désinformation orchestrée par des suppôts (de préférence d’extrême droite bien sûr) de l'innommable « dictature syrienne », gardez tout de même en mémoire les paroles que Zyad Takkiedine a prononcées tard sur le plateau de « On n’est pas couché » samedi 5 janvier 2013 sur FRANCE2 ( un cataclysme médiatique qui a sonné nos journalistes portés disparus ou malades depuis 4 jours) : « Aujourd’hui je leur dis [NdT. à F.Hollande et L.Fabius] : Apprenez quand même comment travailler avec ce monde que vous ne comprenez pas. »
Alors ? Et si Bachar était encore présentable, et non "lamentable" ? Avons-vous oublié de rester "normaux" ?… Aujourd’hui une telle approche est devenue tabou, sacrilège, absurde, parjure... Observons le résultat ici… Choquant ? Pas plus que les paroles indignes et monstrueuses d’un diplomate de rang inférieur, payé par vous et moi, celles de notre ministre des affaires très étrangères et très sales de la Libye à la Côte d'Ivoire en passant par le Mali et le NIger… Et si ce médecin « méritait de vivre » ? Et si ce chef d’état n’avait aucune envie de « rayer l’Occident de la carte » ? Et si ce nationaliste ne voulait pas gazer son peuple ( ! ) ? Et si ce Président savait faire la différence entre l’intérêt général de la nation syrienne, et les intérêts particuliers de factions prêtes à tout pour arracher un morceau du gâteau ? Et si ce président dont aucune instance de l’ONU ni AUCUN média francophone (encore vérifié ce jour) n’a jamais critiqué factuellement les résultats électoraux ( à l’inverse de nos "amis" de l’Afghanistan, l’Irak, la Géorgie, l’Ukraine ou le Kosovo…), était parfaitement légitime aux yeux de la majorité silencieuse du peuple syrien (celui dont les journaux ne parlent jamais car il ne paye ni de mine, ni en pétrole) ? Et si ce président défendait la fragile indépendance d’un territoire dont nous avons nous-mêmes tracé les frontières en 1916 afin que jamais justement son unité ne puisse se faire ? Et si nous comparions les Moudjahiddines des années 80 mécontents ou opportunistes suite à ces découpages artificiels, avec leurs cousins modernes, internationaux, sponsorisés, connectés et équipés par nous sous le label ténébreux d’« AlQaïda » ? Et si nous relisions le nom du premier Président syrien dit « le koweitien » ? Et si nous comparions le népotisme des Assad, avec celui des Al Thani (Qatar) ou celui des Al Saïd (Oman) ou celui des Fahd-Abdallah (Arabie Saoudite) ou celui des Al Sabah (Koweit) ? Et si nous comparions l’accueil de Kadhafi à Paris en décembre 2007, avec celui d’Assad en juillet 2009 ? Et si la Jamahiriya autrefois, et le socialisme baathiste à présent, empêchaient les vautours du gaz et du pétrole de vaquer à leurs emplettes, et les Mig29 et Sukhoïs de 4ème génération, nos Rafales d’atterrir….
Il y a de l’eau dans le gaz ?… oui, c’est bien ça… de l’eau dans le gaz, mais surtout beaucoup de gaz, énormément de gaz, encore plus que ce que vous pouvez imaginer…. Je ne sais pas si Dieu rit de tout cela, mais moi, non !
Assad à la maison de l'Opéra de Damas, dimanche 6 janvier 2013 en fin de mâtinée
Apothéose, ou Point de bascule ?
A proximité à pied de l’hôtel de votre observateur près du centre ville, l’Opéra de Damas, lieu du discours présidentiel d’hier , a été inauguré en mai 2004 par le Président et sa femme, parachevant un projet de son père, Hafeez, qui fut le véritable architecte de cet opéra jusque dans les détails, mais qui avait été mis en attente depuis la fin des années 70. Situé non loin du square des Omeyyades, le centre culturel à vocation multiple jouait sa production la plus récente, « Le Mariage de Figaro », de Wolfgang Amadeus Mozart, à peine quelques mois avant l’éclatement de la crise actuelle.
Les 1400 places du théâtre de l’Opéra affichaient complet pour le discours présidentiel d’hier et, à l’image de la scène finale de l’opéra de Mozart, la conclusion de l’allocution de Bachar el Assad fut suivie, comme l’a écrit Mozart, d’une « fête qui dura toute la nuit » parmi ses nombreux soutiens ici à Damas. La gloire de Bachar el Assad, alors qu’il essayait de quitter la scène l’autre nuit, chaleureusement entouré par une foule d’admirateurs, n’aura peut-être pas été celle de César, lors de la guerre des Gaules, alors que ce dernier décrivait lui aussi une crise et un combat intérieurs comme une bataille pour défendre et sauver « Rome ». Et oui bien sûr, il est peu probable que le Président syrien apparaisse à ses critiques aussi « branché » que JFK à l’Opéra de Vienne. Mais l’homme a su entrer en résonnance avec son (ses ?) audiences (s), pendant son discours fleuve. Il a excellé en matière d’expression, de contenu, et plus important encore, lorsqu’il a fait ses déclarations et défendu ce qu’il croit être sa destinée d’homme d’état. Tout en accueillant favorablement les conseils de l’étranger, sur la façon de mettre fin à cette crise, il a insisté sur le fait que les syriens, au cours de leur histoire de résistance à l’occupation et l’hégémonie, ont rejeté les ordres de certains gouvernements auxquels il a fait référence pour la crise actuelle, comme des « marionnettistes » qui causent chaque jour la mort, la destruction, et les privations dans toute la république arabe de Syrie. Visiblement en manque de sommeil, cet observateur sur place, alors qu’il écoutait le discours de Bachar el Assad, a dû se souvenir d’un soliloque de Macbeth ou Brutus [NdT. Brutus] lorsqu’il plaide à l’acte III scène 2 du Jules César de Shakespeare :
« Quel est ici l'homme assez grossier pour ne vouloir pas être Romain [Syrien] ? S'il en est un, qu'il parle ; car c'est lui que j'ai offensé. Quel est l'homme assez vil pour ne pas vouloir aimer sa patrie ? S'il en est un, qu'il parle ; car c'est lui que j'ai offensé... J'attends une réponse.”
“Je n’ai pas fauté intentionnellement ou injustement. J’attends une réponse. »
Après son discours présidentiel à la nation, une journaliste locale, qui parfois critique le régime, développa, en réponse à ma question, ses arguments pour expliquer l’apparente popularité d’el Assad pendant cette tragique période pour le peuple syrien : « C’est vrai. Et c’est en partie dû au fait qu’il est modeste, et même humble - et bien éduqué par rapport à des monarques de la région qui sont surtout des illettrés et qui ne s’intéressent pas au monde en dehors de leurs palaces et leurs territoires. » Elle continua, « avant la crise, on pouvait souvent le voir, sans convoi de sécurité, en ville avec sa voiture remplie d’enfants en balade, ou en chemin pour aller au restaurant après les avoir récupérés devant l’école. Vous avez pu voir hier son charme presque juvénile, au moment où il entrait dans le hall et qu’il s’est dirigé en bas de l’aile sur le podium tout en saluant des membres de l’assistance. Au moment du départ, il n’avait pas l’air pressé alors qu’il serrait des mains. Bachar El Assad aime les bains de foule, c’est évident. Il n’est pas ce genre de personne à la personnalité distante comme certains critiques l’ont faussement dépeint. »
Suite à son discours, lorsque la charmante femme de chambre qui s’occupe quotidiennement de ma chambre d’hôtel arriva en mâtinée pour s’en occuper, j’étais en train de lire et de regarder les infos. Ils montraient un clip du Président en train de prononcer son discours du soir. Son visage s’éclaira lorsqu’elle aperçu Bachar, et elle traversa spontanément la chambre, entoura la TV de ses bras et la dorlota tout en embrassant l’écran. Je remarquai que les mains de cette femme étaient moites, et pris peur qu’elle ne s’électrocute ! Un Cheik très connu dans les réseaux politiques de Damas a proposé son point de vue à votre observateur la nuit dernière : le message d’Assad était destiné au peuple syrien, à ses amis étrangers, et à ceux qui sont neutres, et non aux gouvernements ennemis. Il suggéra aussi que le Président allait prononcer 2 autres discours dans un proche avenir, le prochain peut-être en forme de discussion au coin du feu comme F.D.Roosevelt. Le Cheik sunnite cita le discours d’hier soir comme la première des 3 « victoires » qu’il espérait remporter. Il parla aussi des EAU et de l’Arabie Saoudite dans leur lien avec ce qui se passe en Syrie, et aussi du fait qu’ils endurent eux-mêmes des difficultés. Dans le cas de l’Arabie Saoudite, avec en toile de fond les consultations qui s’intensifient au sujet de la Syrie entre l’Iran et les saoudiens, il s’agit de la santé du roi Abdullah, et de l’intensification évidente des luttes de succession, avec certains membres de la famille royale dont on a rapporté l’opposition farouche à la campagne visant à déstabiliser le régime d’Assad. Le gouvernement syrien, en dépit de ses détracteurs, est considéré par beaucoup de pays du Golfe comme garant du Nationalisme arabe, empreint d’un respect mutuel avec les autres pays. Le Cheik voit aussi des signes de désengagement de l’administration Obama de ses opérations de guerre sous couverture contre la Syrie, en partie suite aux messages fragmentés et souvent incohérents en provenance de différents porte-paroles de la bien mal nommée « coalition ». M. Assad, dans ce que des historiens et des analystes du Moyen Orient pourraient bien retenir comme un « discours historique », a proposé un nouveau plan à ses concitoyens, amis et ennemis confondus, ainsi qu’à la communauté internationale pour mettre fin immédiatement à la crise.
- L’arrêt du financement des rebelles par des pays étrangers
- Le dépôt des armes et la déclaration d’amnistie par le gouvernement
- Une conférence et un appel au dialogue national
- La rédaction d’une constitution approuvée par référendum
- Une coalition gouvernementale, a priori jusqu’à la tenue d’élections prévues pour 2014
Un membre du Congrès auprès du Comité des affaires étrangères du Sénat américain m’a envoyé un courriel aujourd’hui m’indiquant que l’administration Obama pourrait tout à fait être tentée d’accepter la « formule de l’Opéra de Damas » proposée par Bachar el Assad, compte tenu du changement rapide de la réalité géopolitique de la région, et du statu quo militaire sur le terrain en Syrie. Ces 2 faits suggèrent qu’il n’y a pas d’alternative crédible au gouvernement élu actuel, ou qu’il n’y a pas de quoi étayer une prospective réaliste qui jetterait le régime aux oubliettes ou qui le donnerait victime de son effondrement même à long terme.
Ce membre du Congrès, qui travaille sur les questions du Moyen Orient, pense aussi que le nouveau secrétaire d’Etat, John Kerry, et le nouveau secrétaire à la Défense (NdT. non encore nommé à la date de rédaction de l’article) , sans doute Chuck Hagel, qui devrait faire face à une forte opposition du Senat, mais qui devrait lui survivre, devraient suivre ce plan. A l’opposé du discours du Président Assad ce matin, l’un des chefs de la soi-disant « opposition », George Sabra, n’est pas apparu capable d’offrir une aide significative au processus de sortie de crise en Syrie. Selon M. Chabra « personne ne peut plus imaginer dialoguer ou travailler avec ce régime en aucune manière. Il n’y a aucune possibilité. C’est hors de question ».
Mais il se pourrait que cela ne reflète pas l’évolution des points de vue à l’international.
Franklin Lamb est chercheur en Syrie et peut être joint à [email protected], 7 janvier 2013 pour Counterpunch, traduction libre Bluerider pour agoravox
La Syrie, une affaire de gaz comme la Libye ?
- Relance de la construction du gazoduc Iran-Syrie-Iraq, sur voltairenet, la rédaction, le 20 novembre 2012
- Le tracé des gazoducs décide des zones de combat sur Mondialisation, Nacer Charara, le 15 novembre 2012
- Syrie : l’OTAN vise le gazoduc, sur voltairenet, Manlio Dinucci, le 10 octobre 2012
- Syrie : la guerre du pipelinistan, sur Mondialisation, par Pepe Escobar, le 15 août 2012
- La ruée vers le gaz en Méditerranée, sur voltairenet, par William Engdahl, le 29 mai 2012
- Syrie, la guerre pour le gaz, sur Mondialisation, Imad Shawzy Shueibi, le 15 mai 2012
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